La Presse Bisontine 277 - Juin 2025
8 L’ÉVÉNEMENT
Juin 2025
LA FORÊT DU DOUBS : entre souffrance et résilience
Particulièrement malmenés depuis quelques années, les massifs forestiers locaux, que ce soit les feuillus dans le Grand Besançon ou les résineux dans le Haut-Doubs, donnent de sérieux signes de faiblesse, de dépé rissement, quand ce n’est pas de mort. Face à ces phénomènes climatiques et sanitaires qui touchent nos forêts, quelles réponses peuvent être apportées ?
l Nature Forêts de plaine et forêts d’altitude Les forêts du Doubs pansent leurs plaies Depuis 2018, un cumul d’événements climatiques et sanitaires décime les forêts du Doubs, particulièrement en altitude.
Dans certains secteurs du massif forestier dans le Haut-Doubs, plus de 50 % des arbres sont scolytés et morts (photo D.R.A.A.F.- B.F.C.).
Le phénomène est aussi palpable en plaine. Une note d’espoir semble cependant émerger.
L es sécheresses et canicules à répétition depuis 2018, associées à l’arrivée de bio-agresseurs exo tiques (pyrale du buis, chalarose du frêne, etc.): le cocktail a été fatal pour de nombreux massifs forestiers locaux. “Tout n’est pas lié au réchauffe ment climatique tempère Mathieu Mira bel, responsable du département de la santé des forêts à la D.R.A.A.F. Bour gogne-Franche-Comté. Les bio-agresseurs sont liés à la mondialisation et aux échanges. Le dernier exemple en date est l’arrivée à l’automne dernier dans notre région de la punaise réticulée du chêne, originaire des États-Unis, qu’on a détectée à proximité des aires d’autoroutes. Typi quement, c’est un insecte qui est arrivé avec des voyageurs.” Si les forêts franc-comtoises sont si fra giles depuis quelques années, c’est sans doute aussi “parce qu’elles ne sont pas habituées jusqu’ici, contrairement aux forêts du Sud, à subir de tels stress hydriques. Avec moins d’eau depuis plu sieurs années, les arbres font plus de
racines, moins de croissance et moins de feuilles” détaille l’ingénieur de la D.R.A.A.F. Ce qui ne présume pas for cément de la suite car “les forêts ont aussi une force de résilience et d’adap tation.” Le plus connu de ces insectes - et le plus ravageur depuis plusieurs années - reste le scolyte pour les forêts de résineux, qui cause non seulement des dépérisse ments mais plus grave, des mortalités de massifs entiers. Il suffit d’aller se pro
“Une autre stratégie consiste à ne pas changer d’essence par exemple dans une forêt de hêtres, mais à faire venir du hêtre du sud de la France qui aura peut être un patrimoine génétique plus adapté aux fortes chaleurs.” On appelle cela de la “migration assistée”. Dans les forêts d’altitude, on aura désormais tendance à mélanger un peu plus les essences. La gestion forestière étant celle du temps long, les spécialistes de la question restent très modestes par rapport à l’adaptation des massifs à ces récentes évolutions climatiques et sanitaires. Les efforts qu’ils déploient aujourd’hui pour diver sifier les essences seront visibles dans plusieurs décennies. La sylviculture n’est pas une science de l’immédiat. n J.-F.H.
poir : la présence du clairon des fourmis qui est lui-même un prédateur des sco lytes. Une étude à son sujet a été com manditée par la D.R.A.A.F. L’épidémie en baisse concernant le sapin pectiné, lui aussi touché, mais par une espèce de scolyte moins agressive, est aussi une note d’espoir. “On revient à une endémie pour le sapin, c’est la bonne nouvelle de l’année” note M. Mirabel. Face à la récurrence des phénomènes climatiques et sanitaires, comment réa gissent les spécialistes de la forêt ? Par tout une série d’expérimentations qu’on appelle des “îlots d’avenir”. Ces îlots d’expérimentation réalisés par l’O.N.F. sont implantés en forêt sur de toutes petites parcelles de 0,5 à 2 hectares, avec d’autres essences que celles déjà plantées.
ou récoltées. Les attaques de ces scolytes dits typographes sont d’autant plus importantes en cas de fortes chaleurs. “Ce sont des parasites de faiblesse pour suit Mathieu Mirabel. Ils prolifèrent dès lors qu’un arbre est fragilisé.” Depuis 2022-2023, l’épidémie de scolytes s’est propagée au-delà de 1000 m d’al titude. Les dégâts en forêts n’ont jamais été aussi importants qu’en 2024, provo qués par les attaques en 2023. Les spé cialistes entrevoient un petit espoir pour cette année grâce à un automne 2024 particulièrement arrosé qui permettra sans doute aux arbres de nos massifs de retrouver de la vigueur. “S’il n’y a pas de sécheresse ou de canicule cette année, on peut espérer un déclin des phases épidémiques.” Autres lueurs d’es
mener du côté de Cha pelle-des-Bois ou de Mouthe pour se rendre compte, grandeur nature, des dégâts subis par les forêts de résineux avec dans cer taines parcelles plus de 50 % des épicéas scolytés. Depuis 2018, 20 % de la surface forestière du massif jurassien franc-comtois ont ainsi été scolytées
Tout une série d’expérimenta tions qu’on appelle des “îlots d’avenir”.
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