La Presse Bisontine 277 - Juin 2025
28 Le dossier
Juin 2025
l Élections La généralisation du scrutin de liste paritaire Avis partagés sur la réforme du mode
de scrutin pour les petites communes
Promulguée le 21 mai, cette loi étend aux communes de moins 1 000 habitants le mode de scrutin de liste paritaire. C’est aussi la fin du panachage
C ette réforme s’appli quera dès les pro chaines élections muni cipales de mars 2026. Elle est censée répondre à la crise de l’engagement local tout en renforçant la parité. C’est aussi la fin du panachage, l’obligation de présenter des listes complètes. Cette harmonisation du mode de scrutin vise un triple objectif : garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la
dans la vie associative. À l’échelle du pays, cette réforme touche 70 % des communes, pour seulement 13 % des habitants. Qu’en pensent les élus des petites communes du Haut-Doubs et du Grand Besançon ? Témoignages de Jean-Yves Bouveret maire de Reculfoz, Sébastien Populaire, maire de Touillon-et-Loutelet, Didier Paineau, maire de Byans sur-Doubs et Sylvaine Barassi, maire de Deluz. n J.-F.H.
liste. Il restera cependant la pos sibilité de déposer des listes incomplètes avec deux candidats de moins que l’effectif légal : soit un seuil minimal de 5 candidats dans les communes de moins de 100 habitants (9 jusqu’à 499 habi tants et 13 jusqu’à 999 habitants). Les partisans de cette réforme sont confiants dans la capacité à mobiliser des femmes, y compris dans les plus petits villages où elles sont souvent déjà impliquées
48,1 % dans les communes de plus de 1 000 habitants, obligées d’appliquer l’alternance dans la constitution des listes depuis 2014). Dans ces communes de moins de 1 000 habitants, les équipes sortantes qui souhaitent se repré senter devront, sans doute, délais ser certains de leurs membres masculins pour faire entrer des femmes. Par endroits, il n’y aura aussi peut-être plus qu’une seule
parité. L’un des objectifs avoués, au-delà de l’harmonisation et de la sim plification des modes de scrutin, est de répondre à la crise de l’en gagement local. En particulier dans les petites communes rurales, qui n’étaient jusqu’ici pas soumises à des obligations de parité et où on observait une présence féminine relativement faible (37,4 % selon les derniers chiffres ministériels, contre
et l’obligation de listes complètes.
Reculfoz Jean-Yves Bouveret favorable à la réforme
Touillon-et-Loutelet Un recul de la vitalité démographique aux yeux de Sébastien Populaire
L e conseil municipal de cette commune de 60 habitants compte 7 conseillers municipaux dont 2 adjoints. “En début de man dat, on avait ajouté un poste d’adjoint pour faciliter la ges tion de la commune. Le conseil compte actuellement deux femmes” , résume Jean-Yves Bouveret, le maire. Depuis toujours fidèle aux valeurs de la gauche, il estime que cette réforme est positive et qu’elle ne le perturbe en rien. “Je suis favorable à la parité. Faire une liste complète
de sept, ce n’est pas si mal que ça. Cela oblige à préparer les choses. La tête de liste sera for cément connue. Pour moi, c’est une évolution normale et je ne pense pas que cela soit si gênant.” La généralisation du mode de liste paritaire à l’en semble des communes était déjà engagée depuis l’obligation de déclarer tous les candidats en sous-préfecture. “C’est la suite logique. C’est important, selon moi, d’avoir à proposer des projets pour motiver d’éven tuels candidats. Pour les élec teurs, c’est bien aussi de savoir D idier Paineau, maire de Byans-sur-Doubs (619 habitants) est for mel : “C’est très clair, ça me plaît, je suis favorable à 100 % à cette réforme. Je trouve féo dale cette coutume locale de rayer des noms, j’attends depuis longtemps que ça change. Quand on fait du crayonnage, on barre le maire et les noms connus. Avec le panachage, on arrivait avec un groupe complètement hété rogène. Dès le premier projet important, ça explosait dans tous les sens. Depuis trois mandats que je suis maire, je faisais des listes fermées autour d’un projet commun.
H omme de droite, le maire de Touillon-et-Loutelet n’est pas formellement contre les objectifs de parité et de cohésion territoriale visés par la réforme. “Pour la vitalité démo cratique, on est carrément à côté de la plaque. La fin du panachage me pose problème. Dans une petite commune, cela laissait la possi bilité de voter pour des personnes qu’on pensait compétentes. De cette façon, si j’étais citoyen de Touillon-et-Loutelet, ma voix avait une importance sur le scrutin.” Aux dernières élections au Touillon, la liste déclarée en sous préfecture comptait 11 noms pour 11 sièges. Sur la question de la
parité, il n’est pas franchement convaincu de l’intérêt d’y aller à marche forcée. “Avec le principe des listes fermées appliquées aux petites communes, je pense qu’il sera difficile de proposer deux listes aux électeurs. Quelque part, on les prive d’un choix et s’il y a deux listes, on risque de se retrou ver avec deux camps.” Au-delà des critiques, Sébastien Populaire propose une alternative en mettant en place une série de binômes susceptibles de se ras sembler autour d’un projet com munal. “Cette solution s’inspire de ce qui se fait avec les conseillers départementaux qui fonctionnent en binômes.” Il s’interroge aussi
Le maire de Touillon-et Loutelet s’étonne de
sur le report aux calendes grecques du projet de réforme du statut de l’élu. “C’est ce que j’ai du mal à comprendre. On s’est précipité pour changer le mode de scrutin alors que la question du statut n’est toujours pas tran chée. C’est plutôt cela, à mon avis, qui redonnera aux citoyens le goût de s’engager.” n F.C. l’empressement à changer le mode de scrutin alors que la question du statut de l’élu est toujours en attente.
à l’avance ce qui sera fait au cours du mandat.” Plus ques tion donc de s’engager à la légère, cette réforme impose de réfléchir, d’anticiper, de poser les choses. n F.C. Jean-Yves Bouveret le maire de Reculfoz voit dans cette réforme une avancée positive et logique.
Byans-sur-Doubs “Ça me plaît, j’y suis favorable à 100%”
Deluz “C’est peut-être sur la tolérance des hommes qu’il faut agir”
Et je n’ai eu aucun désiste ment dans mes mandats. Puis, j’ai toujours milité pour la parité. Sur le mandat, on a 5 femmes, le mandat pré cédent, on avait 7 femmes et 8 hommes. La parité, si on ne l’oblige pas, on ne l’aura pas.” Didier Paineau, élu depuis 25 ans, ne sait pas encore s’il se représente en 2026. Une certaine lassitude de la fonc tion et de nouveaux projets personnels entrent en ligne de compte. “Pour l’instant, c’est à 90 % non. Je consulte mes adjoints pour savoir si quelqu’un souhaite prendre la suite, il faut savoir laisser sa place.” n L.P.
S ylvaine Barassi, maire de Deluz (630 habitants) : “Je suis à la fin de mon 3 ème mandat, je ne me représenterai pas donc je ne cherche pas à faire de liste. Mais il y a 17 ans, en tant que femme et maire, je consi dérais que la femme n’était pas suffisamment présente, ça a été ma motivation première. Mais je n’aime pas imposer les choses. Je suis pour la parité naturelle, pas imposée. Il y a six ans, on a
essayé de l’approcher, et sur 15 conseillers, on a presque autant de femmes que d’hommes, sans chercher à faire appliquer la règle. C’est peut-être sur la tolérance des hommes qu’il faut agir pour qu’ils acceptent de garder les enfants, etc. Quant aux listes fer mées, je suis entièrement contre. Je crains qu’avec cette obligation, les gens n’aillent plus voter. Si un nom leur déplaît, ils rejettent la liste et donc ne vont pas voter.
Dans les petites communes, les gens aiment bien jongler. Là, sur une liste, on va nous coller n’im porte quoi, n’importe qui et on va devoir adhérer. Pour moi, ce n’était pas le moment ni la prio rité. Et on ne nous a pas vraiment demandé notre avis en tant que maire.” n L.P. Sylvaine Barassi, maire de Deluz, ne se représentera pas (photo archive L.P.B.).
Didier Paineau, maire de Byans-sur-Doubs (photo archive L.P.B.).
Zoom Le Conseil Constitutionnel a rejeté le recours du sénateur Longeot
I mmédiatement après la promulgation de la loi, des sénateurs, et en pre mière ligne celui du Doubs Jean François Longeot avaient déposé un recours pour tenter de déclarer cette loi inconstitutionnelle. Les sages ont tranché le 21 mai. “Parce que cette loi modifie profondément le mode de scru
tin et d’élection des conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants et prévoit son entrée en vigueur immédiate pour 2026, elle sou lève une grave question de constitu tionnalité du fait de son caractère impar fait et précipité” estimait M. Longeot qui a été désigné coordinateur par les
ils en réduisent le nombre par le biais d’une réforme inapplicable pour bon nombre d’entre elles” commente, amer, M. Longeot. n J.-F.H. Le recours initié par le sénateur Jean-François Longeot a été rejeté.
84 saisissants de cette saisine. Mais les sages en ont décidé autrement et ont validé la loi. “Alors même qu’un travail gigantesque reste à accomplir pour améliorer le statut de l’élu, ce sont les conditions du scrutin qu’on a choisi de faire évoluer. Autrement dit au lieu de préserver le statut de l’élu,
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