La Presse Bisontine 274 - Mars 2025
34 Le dossier
Mars 2025
l Tranquillité publique Anne Vignot “Nous allons installer 7 nouvelles caméras”
Installation de nouvelles caméras, appui pour la création d’un nouveau commissariat, la maire de Besançon, Anne Vignot détaille de nouveaux outils de lutte contre le narcotrafic et revient sur la situation à Besançon.
de réduire la pression sur les points de deal, et de réduire les chiffres d’affaires des dealers, en concentrant également le travail des enquêteurs sur le reste du trafic. Il faut casser ce marché. Peut-on imaginer un fléchissement de votre part sur l’armement des policiers municipaux ? A.V. : La police municipale n’a pas les mêmes missions que la police nationale à Besançon. J’en profite pour saluer le réflexe des policiers municipaux de Mulhouse qui n’ont pas utilisé leurs armes en plein espace public. La question de l’insécurité va être un point primordial dans les campagnes à venir pour les municipales : quelles pro positions portez-vous pour assurer la sécurité des Bisontins ? A.V. : La question n’est pas celle des municipales de 2026, mais de ce que nous mettons en place cha cun à notre échelle pour nos conci toyens tous les jours depuis des années. Trop longtemps les gou vernements ont fait preuve de laxisme en ne prenant pas la mesure de la situation, concernant le narcotrafic et les violences intra familiales par exemple. En outre, il avait été annoncé que l’année 2025 serait dédiée à la question de la santé mentale. Nombre de faits d’agressions ou d’addictions sont liés à ces questions. Pour
Besançon. Nous nous y étions atte lés et différentes actions avaient été définies avec la justice, la police et les services de l’État (dans le cadre d’une coordination intermi nistérielle qui s’est déroulée). Mal heureusement, ce travail semble abandonné, alors même que les actions étaient nécessaires. Pour autant, depuis la ville, nous avons initié certaines des actions iden tifiées avec les moyens aujourd’hui disponibles. Nous allons bientôt déployer des médiateurs sur un quartier prioritaire, à Battant. Nous continuons le travail sur la H.S.A., qui avait été reconnu comme nécessaire par les inspec teurs généraux dans leur rapport sur le déploiement de la F.A.R. En outre, j’ai pour objectif de casser l’image de l’argent facile issu du trafic auprès des jeunes. Trop long temps, il a été dit que trafiquer c’était se faire de l’argent facile. Or il n’y a rien de facile dans le trafic. Il faut l’affirmer. C’est bien d’un cycle de violences qu’il est question. Votre position sur la dépénalisation du cannabis et les raisons ? A.V. : Le cannabis constitue encore aujourd’hui plus de 30 % des sai sies. Dans de nombreux pays, la dépénalisation et/ou la légalisation ont permis de changer le rapport entre les consommateurs et les trafiquants. Elle permettrait aussi
Q uelle analyse portez-vous sur la situation à Besançon vis-à-vis des trafics et des récentes fusillades ? Anne Vignot : La situation à Besan çon, comme dans de nombreuses autres villes françaises, est préoc cupante. Nous étions dernière ment 150 maires à l’invitation du ministre de la Justice Gérald Dar manin, sur la question du narco trafic. Le trafic de drogue et les violences qui en découlent ne tou chent plus seulement les grandes métropoles, ils touchent désormais tous les territoires, petites villes et zones rurales comprises. Les sommes importantes que le trafic génère, la concurrence entre les organisations criminelles et les rivalités territoriales ont comme conséquences constantes une aug mentation et une extension sans précédent des violences de la cri minalité organisée. Nous subis sons un trafic international, et en particulier pour la France une croissance de la consommation. Il y a urgence à agir, au niveau national et international, pour démanteler les trafics, et notam ment les têtes de réseau. Nous sommes face aujourd’hui à un système mafieux, c’est une obli
gation régalienne de le déman teler. Quelles actions envisagez-vous à l’avenir pour lutter contre le trafic et les orga nisations criminelles ? Pour inciter les consommateurs à moins consommer ? A.V. : Il est question d’organisations criminelles, c’est donc bien de la compétence régalienne de l’État. Cependant, nous travaillons main dans la main avec la police natio nale, la justice et la préfecture. Une réorganisation de la police nationale a débouché sur la mise en place d’une équipe dédiée à Planoise. Des renforts ponctuels ont permis de bouger les points de deal. Dans ce contexte, il est nécessaire d’avoir un commissa riat annexe pour garantir leurs conditions de travail, ce à quoi je me suis attelée en partenariat avec la préfecture dès septem bre 2022. Mon adjoint à la sécurité, Benoît Cypriani, travaille étroi tement avec la police nationale pour une coordination, entre autres avec le centre de supervi sion urbaine, et la présence jour nalière sur les espaces publics. Nous mettons en place des actions de prévention et de sensibilisation, notamment auprès des jeunes,
pour les dissuader de s’engager dans ces activités. Nous avons renforcé les cellules de veille et coordonné plusieurs instances pour favoriser le partage d’infor mations entre les différents acteurs locaux. Concernant la consommation, c’est aussi une préoccupation majeure de notre équipe munici pale. Nous avons édité des guides à destination des professionnels, pour repérer les addictions, et à destination des jeunes pour les inciter à prendre conscience des risques (voir ci-contre). Nous avons également un projet de Halte Soins Addictions. Un diagnostic est en cours par le bureau d’études qui nous accompagne, afin de défi nir le dispositif qui serait le plus adapté au territoire. Tous les acteurs partagent le besoin pour que cette structure voie le jour. Besançon, comme le reste de la France, n’est pas épargnée par l’augmentation de la consomma tion. C’est l’occasion pour moi de rap peler que la Première ministre, Élisabeth Borne, avait lancé une action expérimentale dénommée F.A.R., Force d’Action Républi caine, qui concernait 3 villes, dont
revenir sur l’insécurité à Besan çon, aujourd’hui, nous sommes satisfaits de la coordination de nos actions entre les polices et la justice, mais aussi en termes de prévention, même si nous consta tons des phénomènes d’une grande violence qui impliquent des délinquants et victimes de plus en plus jeunes. Lors du dernier conseil municipal et du débat d’orientation budgétaire, l’opposition a dénoncé un manque de moyens dévolus à la sécurité : quels moyens sont mis à Besançon pour lutter contre le narco trafic ? A.V. : Nous avons besoin de toujours plus de services d’enquête et d’in vestigation spécialisés, de renfor cer les effectifs de la justice (il manque entre autres des assis tants de justice, par exemple, pour que les affaires puissent être trai tées dans les délais réglemen taires), et de moyens nouveaux pour l’administration fiscale. À Besançon avec notre centre de
l Pontarlier Médico-social Addictions : la polyconsommation se banalise 574 patients sont venus en 2023 consulter au Centre de Soins
La prévention scolaire axée sur le développement des compétences psychosociales Initiée depuis 2007 au sein du C.S.A.P.A., la prévention aux addictions mobilise aujourd’hui une infirmière à plein temps qui intervient principalement en milieu scolaire. “On cherche à développer les compétences psychosociales des élèves. On travaille sur les représentations, l’ap proche est plus interactive” , explique Nadine Petit, l'infirmière qui s’est spécialisée dans la prévention. Elle utilise parfois des programmes comme “unplugged” intégrant 12 à 13 séances avec la même classe. “Tout se fait sur la base du volontariat” , poursuit Nadine Petit qui a créé des escape games pour les collégiens et les lycéens. Elle participe aussi aux soirées d’intégration des internes dans différents établissements. “On intervient en partenariat avec les infir mières scolaires, C.P.E. concernés. L’accès à la connaissance s’est beaucoup diversifié avec Internet. Les jeunes s’informent beaucoup sur les réseaux sociaux. On essaie de leur inculquer l’esprit critique en leur donnant les clefs pour qu’ils soient capables de faire la part des choses.” Les C.S.A.P.A. ont également appris à travailler ensemble, à confronter leurs méthodes de travail. n
tantes sociales qui se déplacent à l’abri de nuit ou participent aux maraudes. Avec 20 ans d’expérience à la tête du C.S.A.P.A., le docteur Gaulard observe un rajeunis sement et une féminisation de la patientèle. “Il y a également beaucoup plus de polyconsom mation qu’avant.” Le C.S.A.P.A. reçoit aussi en consultation des adolescents ayant des problèmes avec le cannabis, les écrans, la puff… “On accueille également l’entourage des patients: familles, proches. Ces séances sont animées par une infirmière et une psychologue. C’est une façon de se libérer des angoisses, de l’inquiétude, du décourage ment. Cela permet aux gens des conseils sur les bonnes conduites. On sait pertinemment bien que cela ne sert à rien, par exemple, de faire du flicage.” Le personnel du C.S.A.P.A. anime aussi des groupes de parole une fois par mois, encadre des ateliers d’écriture, organise trois fois par an des semaines thérapeutiques avec l’interven tion d’éducateurs sportifs, de diététiciennes, des témoignages de personnes ayant souffert de troubles de l’usage de l’alcool. n F.C.
et 60 ans. Enfin, 71 % des per sonnes ont un emploi” , récapitule le docteur Nathalie Gaulard, chef d’unité du C.S.A.P.A. Ce centre médico-social rattaché à l’hôpital de Pontarlier est le seul en Bourgogne-Franche Comté qui fasse l’objet d’une gestion hospitalière. Ce service comprend deux médecins, quatre infirmières dont une spécialisée à la prévention, une assistante sociale, deux psychologues et un cadre de service. “On est un service de consultation généra liste sans lit dédié.” Les addictions sont multiples. Certaines, les plus évidentes, sont liées à la consommation de produits : alcool, tabac, héroïne, cocaïne, kétamine, cannabis. D’autres sont rattachées à des pratiques excessives : jeux d’ar gent, écran, sexe, sport… Le rap port d’activité 2023, le dernier en date, montre une augmen tation globale. Sur les 574 patients vus en consultation ou accompagnés par le C.S.A.P.A. de Pontarlier, 220 sont des nouveaux. Dans le détail, cela représente 2087 consultations médicales, 1 697 consultations auprès d’une infir mière, 267 avec un psychologue et 81 interventions des assis
Accompagnement et Prévention en Addictologie (C.S.A.P.A.) de l’hôpital de Pontarlier. Plusieurs tendances se dégagent avec notamment le rajeunissement des personnes suivies et l’effet cumulatif des produits consommés.
“56 % des per sonnes reçues en consultation souffrent de troubles
la cocaïne. Sur les 574 patients suivis en 2023, 69 % sont des hommes. La tranche d’âge la plus représentée s’étale entre 30
de l’usage de l’alcool. 15 % sont concernées par la consommation d’opiacés, 14 % pour le tabac et viennent ensuite le cannabis et
“71 % des personnes reçues en consultation ont un emploi”, explique Nathalie Gaulard, chef
d’unité du C.S.A.P.A.
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