La Presse Bisontine 264 - Juin 2024

20 Le dossier

La Presse Bisontine n°264 - Juin 2024

l Grand Besançon Loge.G.B.M. Seulement 53 locataires en H.L.M. paient un surloyer La réforme lancée par le gouvernement n’est pas du tout au goût de la présidente de Loge.G.B.M., le principal bailleur du Grand Besançon. L’idée d’un droit au H.L.M. à vie n’a pas de sens selon elle.

Zoom Plus de 6 500 dossiers en attente

L es supposés 8 % de locataires qui, selon les chiffres nationaux (chiffres dont on ne connaît d’ailleurs pas précisément l’origine), ne repré sentent presque rien à côté des 2,6 millions de personnes qui en France attendent un logement social, ou des 300 000 personnes qui dorment à la rue selon Carine Michel, la présidente de Loge.G.B.M. “Ce sont ces chiffres-là qui devraient nous interpeller ! C’est le système du logement social dans son ensemble qui est malade !” estime-t elle. Pour l’élue bisontine, ce qui devrait compter avant tout pour le gouvernement, c’est d’in citer financièrement les collectivités à construire de nouveaux logements sociaux, mais pas de faire la chasse à ceux qui dépas

sent les plafonds de ressources, qui d’ailleurs paient un surloyer. Combien sont-ils qui se verraient exclus de leur logement social si la loi est votée ? À l’échelle de Loge.G.B.M., 53 locataires paient un surloyer. “Sur16000 locataires, c’est une goutte dans l’océan” estime Carine Michel. Les organismes logeurs sont d’ailleurs tenus d’enquêter chaque année sur les revenus de leurs locataires. Et “si la personne dépasse le plafond d’accès à un logement social de plus de 150 % pendant 3 ans, on lui demande de quitter son logement. Il ne faut pas laisser croire que nos locataires seraient riches : 32 % d’entre eux sont même en dessous du seuil de pauvreté. Avec ce projet de loi, on met en rivalité les publics.” En poussant les personnes un peu plus

riches payant un surloyer à quitter leur logement social, le projet de loi irait en plus à l’encontre du souhait de mixité sociale dénoncent les bailleurs bisontins. Le surloyer payé par les 53 locataires concernés à l’échelle de Loge.G.B.M. est en moyenne de 90 euros par mois. “Avec les critères de la nouvelle loi, on passerait de 53 à 98 loca taires concernés par les surloyers car pour l’instant, le surloyer s’enclenche à partir de 20 % au-dessus du plafond de ressources.” Précision utile : les surloyers ne s’appliquent pas aux Q.P.V. (Quartiers prioritaires de la ville) et 59 % du parc de Loge.G.B.M. se situent dans ces quartiers… La crise du logement social a été accentuée selon la présidente de Loge.G.B.M. depuis qu’en 2017 le gouvernement a commencé à s’attaquer aux A.P.L. “Les montants étaient peut-être symboliques pour certains loca taires, mais pour les bailleurs qui pour cer tains étaient déjà dans une situation finan cière tendue, cette mesure a été catastrophique.” La situation ne s’est pas améliorée depuis, car à la pénurie de logements, il faut ajouter les difficultés croissantes que les bailleurs ont pour investir. Leurs emprunts sont directement indexés sur le taux du Livret A. Fini les 0,5 % de taux d’intérêt encore en vigueur il y a deux ans, c’est désormais à 3,5 % qu’ils doivent emprunter pour construire. “Et je précise que la seule res source des bailleurs dans les coûts de fonc tionnement des organismes H.L.M., ce sont les loyers des locataires.” Avec un taux d’im payés de plus en plus important, l’étau financier se resserre sur la plupart des organismes logeurs. n J.-F.H.

3 728 dossiers sont de personnes n’ayant pas encore de logements sont en attente à l’échelle du Grand Besançon

À l’échelle du Grand Besan çon, 6 561 demandes de logements sociaux sont actuellement en attente auprès des trois bailleurs présents sur le territoire : Loge.G.B.M., Habitat 25 et Néolia. Sur ce nombre, 2 823 correspondent à des demandes de mutation (demande de changement de logement social car la famille s’est agrandie ou que les enfants sont partis par exemple). 3 728 dossiers sont donc des demandes extérieures de per sonnes n’ayant pas encore de logements. Le délai d’obtention moyen pour un logement social est de 8 mois à l’échelle du Grand Besançon, mais près de 25 % des demandes datent de plus de 18 mois. Problème : avec les opé rations de déconstruction pro

grammées dans le cadre du N.P.R.U. (Nouveau plan de réno vation urbaine) financé par l’État, il y a moins de logements sociaux qu’avant alors que les demandes ne font qu’augmenter. À l’échelle nationale, il faudrait produire 150 000 logements par an pour satisfaire la demande. 125 000 ont été construits en 2016. À peine 82 000 en 2023. Pour prétendre obtenir un loge ment social à Besançon (désor mais situé en zone B1), le plafond annuel de ressources va de 12 452 à 35 435 euros pour une personne seule. En France, 70 % des ménages français seraient éligibles à un logement social. Dans le parc social de Loge.G.B.M., le revenu fiscal de référence des nouveaux loca taires est à peine de 7 900 euros par an ! n

Carine Michel, la présidente de Loge.G.B.M.

l Association La C.L.C.V. “L’objectif du gouvernement est encore une fois de baisser les droits sociaux” Le projet de loi, qui prévoit entre autres d’expulser des logements sociaux les locataires dont les revenus dépassent les plafonds, est vivement critiqué par des associations telles que la C.L.C.V. à Besançon.

nement est de libérer des places dans les H.L.M., mais son objectif est encore une fois de baisser les droits sociaux” , estime la juriste de la C.L.C.V. Saint-Claude, Palente, Planoise… Léa Demontis se rend toutes les semaines à la rencontre des per sonnes vivant dans les quartiers prioritaires pour leur apporter son expertise juridique. “Laplu part ne sont pas en mesure de venir dans les locaux de notre association, car il faut payer 10 euros pour avoir un rendez vous. J’ai vu des personnes âgées qui ont trimé toute leur vie pour au final ne toucher que 700 euros par mois et ne manger que des pâtes à chaque repas” , relate la juriste bisontine, qui précise tou tefois qu’aucun ménage, à Besan çon, n’est concerné par le projet de loi du ministre. Ce qui l’inquiète, dans la capitale comtoise, c’est le manque de loge ments sociaux : “À Besançon, pour trois bâtiments démolis, il n’y en a qu’un de construit.” Et la baisse des aides au logement,

Léa Demontis, juriste et salariée de l’association C.L.C.V. à Besançon.

“Q uand on voit l’infla tion dans notre pays, le prix des courses et l’extrême précarité d’une partie de la population française, on se dit que cette réforme est injuste” , s’indigne Léa Demontis, qui a étudié de près le projet de loi “relatif au développement de l’of fre de logements abordables”. Cette juriste bisontine travaille pour la C.L.C.V. (Consommation Logement Cadre de Vie), une association qui défend les intérêts des consommateurs et des loca

faire payer un surloyer à tous les locataires dépassant d’1 euro le plafond de ressources. Aujourd’hui, il faut dépasser de 20 % ce seuil pour être contraint de payer un supplément” ,explique Léa Demontis. Ce supplément pourrait s’établir à quelques dizaines, voire quelques centaines d’euros par mois. Le projet de loi prévoit également d’expulser les ménages dont les ressources dépassent de 20 % les plafonds les plus hauts, contre 50 % aujourd’hui. “L’idée du gouver

taires. En mars dernier, cette dernière a adressé une pétition au gouvernement pour demander à celui-ci de calquer les A.P.L. sur l’inflation. Malgré l’échec pressenti de cette doléance, l’as sociation ne lâche pas le combat qu’elle mène en faveur des plus démunis. Avec d’autres associa tions, elle s’est offusquée contre le projet de réforme de l’attribu tion des logements sociaux, porté par le ministre délégué chargé du Logement Guillaume Kasba rian. “Le projet de loi prévoit de

les victimes de cette politique sociale, on retrouve les étudiants, que l’on voit de plus en plus dans les banques alimentaires, et les retraités. Un locataire sur quatre est en incapacité de payer son logement” affirme la juriste. n R.G.

qui touche toutes les générations : “En 2017, le gouvernement a décidé de réduire de 5 euros les A.P.L. Puis, tous les ans, on a remarqué une diminution de 10 euros des A.P.L. Aujourd’hui, on entend même qu’elles pour raient être supprimées ! Parmi

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