La Presse Bisontine 262 - Avril 2024

Économie - santé 35

La Presse Bisontine n°262 - Avril 2024

SANTÉ

En expérimentation dans le Doubs “Vieillissement, dépendance et maladies chroniques renforcent les besoins d’accompagnement”

Le projet d’Institut des vulnérabilités en santé, impulsé par le professeur Régis Aubry, praticien au C.H.U. de Besançon (spécialiste en éthique, douleur et soins palliatifs) est sur les rails. Il devrait donner lieu à de premières expérimentations patient d’ici la fin d’année. Entretien.

de loi sur la fin de vie ? R.A. : On est ici sur un angle mort, négligé par la médecine et nos sociétés contemporaines. À la croisée de nécessaires nouvelles formes de solidarité. Le système de santé français n’est pas le seul à souffrir. Notre capacité à accompagner ces vulnérabilités est un bon indicateur de fonc tionnement d’une démocratie à mon sens. La France est le pays où le taux de suicide des per sonnes âgées est le plus élevé actuellement en Europe. On se doit de mieux accompagner et prévenir cela. Je suis de près les lois sur la fin de vie et le grand âge. J’ai notamment participé à l’élaboration de la stratégie décennale des soins palliatifs 2024-2034, qui sera bientôt annoncée et prévoit de déployer les expérimentations de maisons de vie (comme celle qui avait été ouverte à Besançon). n Propos recueillis par S.G.

L a Presse Bisontine : Pourquoi avoir décidé de créer cet institut ? Régis Aubry : Cette question des vulnérabilités suit le cheminement de ma car rière de médecin et de chercheur, confronté aux questions de la fin de vie. L’accélération des pro grès scientifiques et médicaux s’accompagne malheureusement d’une zone d’ombre. On guérit de plus en plus de pathologies dont on mourait il n’y a encore pas si longtemps, mais cela se fait parfois au prix d’une maladie longue, d’un handicap ou d’une dépendance. Le cancer en est un exemple. On voit aussi augmen ter les maladies neurologiques, de type Alzheimer. Le corollaire du vieillissement est la survenue de polypathologies. Cela résulte de la dynamique de progrès et de prolongement de la vie. Le problème est que notre système de santé n’a pas été pensé pour

accompagner ces situations de vulnérabilités qu’il a générées. L.P.B. : Un colloque officialisera sa créa tion, en novembre, dans les locaux du Conseil régional à Dijon. Comment cela va-t-il fonctionner ? R.A. : On touche ici aussi bien à une question sociétale, médicale, philosophique que politique. Il était donc important que cela puisse se faire dans une approche transversale et pluridisciplinaire, et pas uniquement hospitalière. Nous avons donc créé une asso ciation en fin d’année. Il y aura une première assemblée générale en avril, suivi de ce colloque en novembre. Nous avons l’appui de plusieurs institutions (A.R.S., U.R.A.S.S., O.R.S.*, etc.) et col lectivités. La démarche sera très locale au départ et concernera deux territoires : l’agglomération bisontine et celle du Grand Pon tarlier. L’idée est de conduire une expérimentation pendant 4

à 5 ans, pour la généraliser ensuite à l’échelle nationale. L.P.B. : Quelles actions seront menées concrètement ? R.A. : Cet institut veut permettre d’évaluer les besoins des patients en situation de vulnérabilité et mettre en place un suivi adapté. Cela passera par l’expérimen tation clinique de nouveaux modes de soin. Plusieurs patients sortant de l’hôpital et pour les quels on a détecté des vulnéra bilités, seront suivis dans leurs parcours, en partenariat avec les Communautés profession nelles territoriales de santé (C.P.T.S.) et l’Assurance maladie. Il y aura aussi la création d’un observatoire pour quantifier et décrire ce phénomène, et on cher chera à développer la recherche et la formation. L.P.B. : Quels enjeux se cachent der rière ? En quoi cela fait-il écho au projet

* Agence régionale de santé, Union Régionale du Secteur Social et Médico-social, Obser vatoire régional de la santé…

Le professeur Régis Aubry est membre du Comité consultatif national d’éthique.

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