La Presse Bisontine 248 - Février 2023
22 Le dossier
La Presse Bisontine n°248 - Février 2023
l Partenariats Humbert-Droz à Besançon La coopération France-Suisse pour renforcer l’horlogerie française
Des sociétés françaises nouent régulièrement des relations avec des marques suisses. Dernier exemple en date avec le Bisontin Humbert-Droz qui monte, en France, des mouvements suisses de Lajoux-Perret. Mais ce système a-t-il ses limites ?
L es barrières entre les deux pays n’ont jamais vraiment existé tant le nombre de co-traitants français de l’horlogerie suisse est nombreux. La principale barrière, c’est celles du taux de change et du système social. Quand le préfet évoque son rêve de voir des entreprises construire des usines en France, Julien Humbert-Droz répond, dubitatif : “Quel serait leur intérêt avec la lourdeur des charges sociales en France !” Pourtant, le jeune horloger français y croit dur comme fer aux partenariats franco-suisses. Sa marque Humbert Droz a conclu il y a un an un accord avec le fabricant suisse de mouvements Lajoux-Perret et son patron Jean Claude Eggen. L’idée : assembler pour des marques françaises dans les ateliers bisontins d’Humbert-Droz, des mou vements Lajoux-Perret fabriqués à La Chaux-de-Fonds. Et ça marche ! “En un an, on a déjà assemblé près de 3 000 mouvements Lajoux-Perret pour des marques françaises partenaires comme March Lab ou Charlie Paris notam ment. Jean-Claude Eggen, le patron de
de neige encourageant” se félicite Julien Humbert-Droz. Un bémol cependant à ce bel élan : le taux de change entre le franc suisse et l’euro, quasiment à parité, qui enché rit durement le coût d’importation vers la France des pièces des mouvements Lajoux-Perret. Ajoutée à cela l’aspira tion toujours plus forte de la main d’œuvre qualifiée française vers nos voisins suisses qui n’hésitent pas à gonfler les salaires faute de personnel suffisant, et l’horlogerie française est toujours, malgré tous les efforts déployés, dans une situation de relative faiblesse par rapport à son voisin. “Le vrai problème si on veut rapatrier à grande échelle la production en France, c’est que le coût du travail est encore beaucoup trop élevé” pointe Julien Hum bert-Droz qui se félicite tout de même que l’État français se penche sur le sort de ce fleuron historique de notre région. À un moment où la société Humbert Droz arrive à la croisée des chemins : soit elle continue à miser sur sa propre marque avec le lancement de nouveaux modèles, nécessitant, de fait, de gros efforts financiers en termes de mar keting et de communication. À ce pro pos, Humbert-Droz prépare la sortie pour l’été de sa première montre de plongée. Soit elle mise plus sur cette récente opportunité de développer l’assemblage de mouvements pour des marques par tenaires. Cette activité représente déjà près de 25 % du chiffre d’affaires de la P.M.E. bisontine. Deux personnes sup plémentaires ont été embauchées et “si tous les devis qu’on est en train de faire en ce début d’année 2023 se confir ment, nous aurons encore besoin d’une personne supplémentaire.” n J.-F.H.
Julien Humbert-Droz, de la marque éponyme, dans ses ateliers de la rue Jacquard à Besançon.
l Perspectives Étude de la Convention patronale La Suisse aura besoin de près de 4 000 horlogers d’ici 5 ans Une enquête récente de la
Lajoux-Perret a compris qu’il fallait arrêter d’op poser la France et la Suisse. Cette année, la montée en puissance devrait se confirmer, Lip vient d’annoncer qu’il rejoindrait ce partena riat. On devrait doubler le nombre de mouve ments assemblés avec en prime, le montage du nouveau chronographe automatique d’Alain Maric de March Lab. De plus en plus de marques nous sollici tent, il y a un effet boule
“Lip vient d’annoncer qu’il rejoindrait ce partenariat.”
Convention patronale de l’industrie horlogère
D ans une longue enquête très fournie, la Convention patronale de l’industrie horlogère suisse (C.P.) recense les besoins en personnel de la filière horlogère d’ici 2026. Une quinzaine de métiers de l’horlogerie sont recensés, et près de 150 entre prises horlogères ont répondu à l’en quête, comptant au total près de 37000 emplois. Dans le contexte actuel post-Covid, troublé par les difficultés d’approvi sionnement en matière première et dans un marché mondial secoué par la guerre en Ukraine, les perspectives de la branche horlogère suisse restent très optimistes malgré les doutes. “La volonté de consommation des produits microtechniques suisses de qualité semble se maintenir. Par consé quent, les perspectives à court et moyen terme prévoient des effectifs en hausse” résume prudemment la C.P. qui rap pelle que dans les trente dernières années, “l’industrie horlogère et micro technique a presque doublé ses effec tifs, passant de 30000 à plus de 57000 travailleurs.” Et depuis plusieurs années, les for mations horlogères suisses peinent suisse détaille les besoins de la filière pour les pro chaines années. L’aspiration de main-d’œuvre par nos voisins ne ralentira pas.
Les entreprises horlogères suisses enregistreront près de 2 400 départs en retraite dans les cinq ans à venir (photo archive L.P.B.).
métiers de régleurs, rhabilleurs, hor logers C.F.C. “méthodes indus trielles”, graveurs, polisseurs, ter mineurs en habillage horloger, émailleurs, ingénieurs-designers en produits horlogers… sont également concernés. Au total, la Convention patronale table sur une augmentation des besoins de formation initiale “de 12,5 % d’ici 2026.” Ce qui représente concrètement 1 466 nouveaux postes de travail. Mais c’est sans compter sur les 2 369 départs en retraite pré visibles dans le même laps de temps. Ce qui préfigure donc que l’horlogerie suisse aura besoin de former ou de recruter 3 855 nouveaux profession nels dans la branche dans les 5 pro chaines années. De quoi donner des perspectives à tous les élèves formés au lycée de Morteau ainsi qu’aux adultes sortants de l’A.F.P.A. de Besançon ou du G.R.E.T.A. n J.-F.H.
à alimenter à elles seules les besoins. “Le nombre d’opérateurs en horlogerie formés n’est toujours pas suffisant pour atteindre les objectifs” confirme la Convention patronale dont une des principales inquiétudes dans un pays où la démographie n’est pas orientée à la hausse est le départ en retraite de nombreux profession nels. “D’ici les 5 prochaines années, le secteur de la production horlogère enregistrera entre 2369 et 2737 départs à la retraite” note l’enquête qui ajoute que “les métiers techniques ont de plus en plus de mal à trouver des jeunes intéressés au domaine et qui ont les compétences et la moti vation pour se lancer dans un appren tissage.” Rien que sur le métier d’opérateur en horlogerie, l’analyse de la C.P. met en évidence qu’il faudra dans les 5 prochaines années 1090 opé rateurs en horlogerie, soit 218 per sonnes à former tous les ans. Les
La société bisontine emploie des horlogers issus du lycée de Morteau, ou des adultes formés à l’A.F.P.A. de Besançon, ou au G.R.E.T.A.
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