La Presse Bisontine 246 - Décembre 2022
L’interview du mois 5
est exsangue, en soins palliatifs”
Urgent de remettre l’éthique au cœur de la santé Le Comité consultatif national d’éthique (C.C.N.E.) a publié un avis début novembre sur le système de soins : “Repenser le système de soins sur un fondement éthique. Leçons de la crise sanitaire et hospitalière, diagnostics et perspectives.” Le rapporteur est le Pro fesseur RégisAubry. L’avis dénonce une “organisation du système de soins, liée à une technicisation de plus en plus importante de la pratique soignante avec un modèle économique qui privilégie les actes tech niques au détriment du temps de la relation de soin (…), une approche de la santé trop focalisée sur le traitement de la maladie plutôt que sur une prise en charge globale de la personne. (…). À une crise struc turelle s’ajoute une crise morale aboutissant à une crise globale systémique.” L’avis met également en avant “la souffrance éthique des soignants qui interrogent le sens profond de leur métier, s’estimant contraints d’agir parfois en opposition avec les valeurs éthiques du soin. (…) Il est urgent de remettre l’éthique au cœur de la santé.” Le C.C.N.E. réitère son appel à l’organisation d’états généraux pour une éthique de la santé publique. ■
difficulté, il est exsangue et en soins palliatifs. L.P.B. : Aujourd’hui, pourquoi faire appel à un sursaut citoyen ? L.T. : Nous ne sommes pas très opti mistes sur l’avenir. On ne voit pas le bout du tunnel, on voit que les choses ne bougent pas trop. On ne peut pas quitter le pont et laisser les malades. Mais à un moment, on a aussi un pla fond de verre. Le rapport de force est compliqué. Les usagers ont aussi leur mot à dire. C’est votre santé qu’il faut reprendre en main. La santé est un bien commun, il faut changer de para digme politique et ne pas laisser le gouvernement et les directions décider de ce qui est bien pour vous. Sans une mobilisation massive de la population pour faire pression sur le gouvernement, je ne vois pas comment on pourrait sortir de cette crise. L’hô pital est à bout, le personnel épuisé. Les gens ne veulent pas voir ça car cela fait peur. Mais c’est inéluctable, ça va venir les chercher. Il faut avoir le courage d’agir. Nous ne pouvons pas, après des années de sacrifices, de réorganisations, d’épuisement, de Covid, et de mobilisations diverses continuer à lutter seuls. ■ Propos recueillis par L.P.
pital ? Il n’est tenu qu’à bout de bras par les soignants. Il y a des jours et des semaines où on ne s’en sort pas. On constate une lassitude du person nel. Je comprends ceux qui partent. À un moment, on se tue dans notre travail. C’est déjà lourd au quotidien, on gère des situations vitales, on est confronté aux cancers, aux A.V.C., aux tétraplégies…La neurochirurgie est une spécialité très exigeante. On ne peut pas en plus rajouter ces pro blèmes de conditions de travail et de salaire. Et il n’y a pas de reconnais
par rapport aux besoins pour faire face aux imprévus. C’est juste du bon sens. Qu’une infirmière n’ait pas plus de 8malades dans les services conven tionnels. Là, il y a une infirmière pour 25 malades. À un moment, les deux sont en danger. Il y a une exigence professionnelle qu’on ne peut plus accomplir, on ne peut plus faire de l’humain et on se retrouve en insé curité. À force de surcharger les soi gnants, on en arrive à des pertes de chance pour un malade et au final, ça retombe sur les soignants. Cette dégradation nous impose des risques en plus. On ne peut pas tolérer ça, c’est une souffrance pour nous et on finit par mettre les patients en danger. Où est l’éthique ? Il y a une succession de dysfonctionnements qui aboutis sent au crash. Cela a toujours existé, dans nos métiers, il y a le facteur humain, chance, erreur. Mais ce qui nous inquiète, c’est la fréquence de ces dysfonctionnements et les cir constances. L.P.B. : Vous êtes l’un des rares, sinon le seul, à lancer l’alerte sur la situation de l’hôpital. Avez-vous pour autant songé à quitter le public pour le privé ? L.T. : Si le capitaine du bateau part pendant la tempête, où va aller l’hô
trie. Qu’en pensez-vous ? L.T. : Tout ce qu’on nous donne, on prend. Mais à l’échelle nationale, 400millions, c’est ridicule.Un appareil I.R.M. coûte 10 millions d’euros par exemple. C’est une goutte d’eau pour le système de santé. Surtout, ces 400 millions d’euros sont largement absorbés dans la P.L.F.S.S. (Loi de financement de la sécurité sociale). Il est autorisé de dépasser le budget de 3 % sans tenir compte de l’inflation qui est de 10 %. Donc on nous donne 400 millions mais d’un autre côté, on nous a déjà pris 7 % des 240 milliards d’euros du budget annuel de la Sécu. Soit 14 millions d’euros. C’est scan daleux. Il ne faut pas attendre que Monsieur Macron nous vienne en aide, lui qui a dit qu’il n’y avait pas d’argent magique. Oui, sauf pour ses amis du C.A.C. 40 qui touchent 20mil liards d’aide par an, sauf pour l’éva sion fiscale qu’on tolère à hauteur de 120 milliards par an. Sauf pour les sociétés privées qui ont touché 160 milliards d’aide de l’État en 2021. Sauf pour les superprofits qui ont rapporté aux actionnaires 170 mil liards l’année passée. Pas d’argent magique, que du mépris. L’hôpital ne va pas s'effondrer, il est en train de s’effondrer, il n’est pas en
sance de la pénibilité du travail. Pour être au niveau européen, on a demandé une revalorisation de 300 euros des salaires des infirmières. Le Ségur leur a donné 150 euros. Les mesures du Ségur sont vraiment mini males. Donc le person nel ne manifeste plus, il part. L.P.B. : Le ministère de la Santé a annoncé une nou velle enveloppe de 400mil lions d’euros pour la pédia
Toutes les semaines, il manque jusqu’à 30 à 50 % d’infir mières.”
tuelle. Photo non contrac
Un choix important parmi les
plus grandesmarques
B Zon Tél. FRAN V ESANÇON e alentin Centre - Fa 03 81 50 50 80 CE LITERIE - SAS SOLI AL RCS BESANÇON 892 180 803 V
ce à Carrefour
Made with FlippingBook - Online Brochure Maker