La Presse Bisontine 245 - Novembre 2022

Le portrait 39

La Presse Bisontine n°245 - Novembre 2022

BESANÇON

Anatole Productions, le Cylindre, la Rodia…

Manou Comby, tout pour les musiques Le directeur de la Rodia referme le livre de 40 ans d’aventure professionnelle au service de la musique. Le taulier s’apprête à passer le relais à son successeur David Demange.

L e 14 novembre, quand les lumières s’allumeront sur la Rodia, la salle des musiques actuelles construite en 2011 aux Prés-de-Vaux, Manou Comby les regardera briller de l’exté rieur. Il aura passé les clés en toute sérénité à son successeur, l’actuel direc teur du Moloco à Audincourt. Et s’ap prêtera à tourner la page après plus de 40 ans consacrés à la production et à la promotion de la musique, sous presque toutes ses formes. “Je ne me mettrai pas complètement en retrait parce que je resterai président encore pour un an, justement avec David, de la F.E.M.A., la Fédération des musiques actuelles de Franche-Comté et Bour gogne qui regroupe environ 80 structures de toute la région” précise Manou Comby. Si on remonte le fil de sa vie, on y L’avenir de Détonation C’est un des derniers combats profes sionnels de Manou Comby : faire per durer le festival Détonation et lui garantir une indépendance par rapport à la Rodia. “Le bébé est devenu presque aussi gros que la mère, image Manou Comby. “Déto” représente aujourd’hui un tiers du budget de la Rodia, c’est trop risqué.” Afin de garantir sa pérennité - l’équilibre financier de la dernière édition est pré caire -, Détonation pourrait donc devenir dès l’an prochain, sans pour autant changer la recette qui fait son succès, une organisation indépendante de la Rodia, avec un budget séparé et conso lidé. “Besançon mérite de garder un tel festival !” estime son créateur. n

trouve très tôt la musique. Dès les années soixante où le petit Emmanuel et sa famille recevaient chaque année des cousins canadiens qui arrivaient dans le petit village jurassien de la famille Comby les valises pleines de vinyles américains. Un premier choc pour lui. Puis dès la fin des années soixante, le jeune Manou écumait ses premières boums au son de Pink Floyd, des Beatles ou des Stones. “Ma mère aimait la musique, mon père n’aimait pas ce qu’il appelait les tam-tam du rock, et moi j’ai rapidement adoré le rock, le jazz et le blues.” Élève “pas très assidu” , il monte assez rapidement à Besançon où il découvre tout un univers musical nouveau pour lui. “C’était à la fin des années soixante-dix, j’ai été épaté par la dynamique musicale de cette ville. Il y avait à cette époque une scène chanson et jazz étonnante, liée notamment aux luttes sociales Lip et Rhodia-Ceta avec des artistes comme François Béranger ou Colette Magny. J’assistais à plein de concerts, au Lux ou au Montjoye” se souvient Manou. Comme la musique ne nourrissait pas son homme, il a bien fallu penser à gagner sa vie. “Je suis donc reparti à Lons, j’ai terminé ma formation en santé et j’ai travaillé trois ans comme infirmier en psychiatrie à Novillars.” Pendant ses années lédoniennes, Manou en profite pour s’initier à la pratique de la musique et apprend la guitare basse. “Je jouais du jazz dans les restos de Lons. Puis j’ai monté le groupe Formica avec des potes. Nous avons tourné dans toute la France et même à l’étranger. Formica a connu un certain succès mais nous avons sans doute raté le coche” reconnaît-il aujourd’hui. Les années Mitterrand arrivent avec son cortège de libérations. Avec Jack Lang à la culture, le rock a commencé à sortir des caves, il est devenu un art institutionnalisé. Besançon n’a pas

Manou Comby quittera la Rodia le 14 novembre.

salles de concerts. Mais faute de pos sibilités dans la capitale, c’est à Larnod que Manou Comby et Mario parvien dront à leurs fins en créant le Cylindre, une salle de musique de 356 places aménagée au sous-sol d’une ancienne salle des fêtes. Ils posaient là les pré mices d’une S.M.A.C., comme salle des musiques actuelles, le label de la Rodia aujourd’hui. “L’aventure du Cylindre a démarré en 1998, elle s’est poursuivie jusqu’en 2010. Avec des moments forts et une fin malheureuse…” Manou allait alors entamer le dernier chapitre de sa vie professionnelle avec la grande aventure de la Rodia. Un projet que le maire Jean-Louis Fous seret avait inscrit noir sur blanc sur son programme électoral en 2001 et qui aura finalement mis dix ans à se concrétiser. “Ce projet a failli capoter. Il aura été très bien porté par l’adjoint à la Culture de l’époque Michel Roignot, également par Bernard Billot le direc teur de la culture, tous deux très effi caces.” La Rodia verra le jour lors du deuxième mandat Fousseret, en 2011, avec l’élu Frank Monneur en tant que chargé des musiques actuelles qui a

échappé à la vague : des dizaines de groupes se sont formés, ont investi des sites comme le Bastion, et la tradition a perduré. “On compte quasiment 400 formations dans le secteur encore aujourd’hui. Nous avons toujours été une ville de musique, mais sans avoir toujours su en tirer parti” estime le directeur de la Rodia. Le monde de la musique a commencé à se structurer, avec des personnages comme Philippe Rénahy et son Centre info rock, Fran

suivi le chantier de réalisation. Depuis dix ans, le taulier aura donc réussi à faire de ce lieu culturel, épaulé par 24 salariés (14 équivalents temps plein) une des S.M.A.C les plus fré quentées de France et un chiffre d’af faires annuel de 2,5 millions d’euros au lieu d’1 million espéré au départ. Et ce, grâce notamment à un système de mécénat, un indispensable parte nariat public-privé qui fait aussi l’ori ginalité du lieu. “Plus de la moitié de nos ressources sont des recettes propres (billetterie, bar et mécénat) et les aides publiques complètent le budget. Mais elles n’ont jamais été aussi nécessaires que dans le contexte actuel” insiste Manou Comby comme un dernier appel du pied avant de passer le relais. Après le 14 novembre, Manou Comby reprendra alors sa basse, retrouvera quelques-uns de ses potes du groupe de sa jeunesse, et grattera la guitare comme si les quarante années qui le séparent de cette époque n’avaient laissé aucune trace sur son enthou siasme, teinté, tout de même aujourd’hui, d’un peu plus de sagesse. n J.-F.H.

çois Pinard et Los Pro duction, et des dizaines d’autres acteurs moti vés pour promouvoir les musiques. Et Manou Comby dans tout cela ? “J’ai monté avec mon complice Mario Lontananza la société Anatole Produc tions qui produisait des concerts et créait de l’événementiel.” Problème : après la fer meture du Lux puis du Montjoye, Besançon était sous-doté en

Une des S.M.A.C les plus fréquentées de France.

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