La Presse Bisontine 243 - Septembre 2022

6 L’ÉVÉNEMENT

La Presse Bisontine n°243 - Septembre 2022

LA PSYCHIATRIE AU BORD DE LA CRISE DE NERFS

Entre 2009 et 2019, le nombre d’admissions aux urgences psychiatriques a doublé dans le Grand Besançon. Et il a encore augmenté de 30 % depuis le premier confinement. Plus de patients et moins de personnels, la psychiatrie est en grande souffrance. État des lieux.

l Santé 10 000 patients par an à Novillars La psychiatrie sombre dans la dépression Ce secteur de la médecine est au bord de la rupture dans le Grand Besançon. Dans un contexte où la santé est malmenée, la psychiatrie semble quasiment à l’abandon. À Novillars, le malaise est palpable. Une nouvelle journée d’action est annoncée.

l’effectif des soignants n’augmente ne serait-ce que de quelques unités. “ Le budget de nos établissements psychia triques est mis à mal tous les ans, avec 150 000, 200 000 ou 300 000 euros de budget en moins chaque année. Ce n’est plus tenable” ajoute le président de la C.M.E. Le son de cloche est le même chez d’au tres praticiens qui jonglent désormais avec les délais et les listes d’attente pour pouvoir accueillir des patients. “Toutes nos unités d’hospitalisation sont com plètes. Résultat : nous faisons sortir des patients plus tôt que nécessaire. Il y a selon nous une mise en danger de la population” enchérit le Docteur Thomas Carbonnel, psychiatre aux urgences. À Novillars, chaque unité d’admission ouverte compte 21 lits. Tous complets. “Nous prenons actuellement 22 ou 23

L e 28 juin dernier, une partie du personnel du centre hospitalier de Novillars, comme leurs col lègues du Jura à Dole-Saint Ylie, se joignait à la journée nationale d’action “Sauvons la psychiatrie publique”. Deux mois après ce mouve ment de colère, la tension n’est pas retombée au sein d’une profession qui s’alarme : “Alors que la psychiatrie se trouvait déjà en situation de grande vul nérabilité en raison des diverses politiques nationales d’austérité menées depuis plusieurs décennies, la crise sanitaire liée au Covid-19 a entraîné des réper cussions dramatiques sur la qualité des soins dans notre discipline. Nous obser vons avec inquiétude unmanque d’effectif soignant au sein de nos hôpitaux, direc tement causé par une perte de sens et de reconnaissance de nos missions. Nous assistons à la destruction de l’hôpital

Les Docteurs Jeannin, Tissot et Carbonnel, dénoncent une situation devenue intenable.

public et notamment au délitement de la psychiatrie publique” déplore le Doc teur Edgar Tissot, président de la com mission médicale d’établissement (C.M.E.) du groupement de Psychiatrie Médico-Social Doubs-Jura qui regroupe le C.H.S. de Novillars et celui de Dole. En visitant cet été l’immense site de ce centre hospitalier situé à quelques kilo mètres de Besançon, nous avons croisé des patriciens, sinon épuisés, du moins écœurés par la situation. “Nous sommes attachés à l’équité d’accès aux soins pour tous, or notre capacité à faire du soin diminue d’année en année. Avant même le Covid, un tiers des postes de psychiatres publics étaient vacants en France. Là, nous arrivons à un point de rupture” ajoute le D r Tissot. Le contexte sanitaire et social actuel (Covid, crise financière, guerre en Ukraine…) n’a fait qu’accen tuer les demandes de soins, sans que

le Dr Tissot. Au 1 er octobre, il manquera au C.H.S. de Novillars 35 postes infir miers, soit 12 à 13 % de l’effectif, risquant d’amener l’établissement à fermer 20 lits. Le Ségur de la Santé est bien loin d’avoir résolu les problèmes en psychiatrie. De nombreux praticiens, médecins ou infir mières quittent l’hôpital pour se mettre en libéral ou même changer de métier. Chaque année, le C.H. de Novillars doit pourtant assurer 80 000 journées d’hos pitalisation complète pour 10 000 patients différents. Pour tenter une nouvelle fois d’alerter l’opinion, l’intersyndicale de la psychia trie appelle à une nouvelle journée d’ac tion le 15 septembre. n J.-F.H.

urgences, normalement pour 24 à 48 heures, doivent y être maintenus jusqu’à 8 jours faute de place dans les autres unités d’accueil. “On voit aussi des gens devoir rester sur des bran cards…” ajoute un praticien. Tous dénoncent également la bureau cratisation croissante des fonctions au détriment des soins apportés aux patients. Exemple avec la dernière réforme de l’isolement et de la contention qui nécessite désormais l’intervention systématique d’un juge des libertés. “Une réforme dénuée de sens” selon ces professionnels de la psychiatrie qui crai gnent plus que tout la rentrée où “on pourrait avoir une cinquantaine de lits de psychiatrie gelés, faute de personnel, soit l’équivalent de deux unités” craint

patients par unité.” Même constat pour les 49 lits réservés aux per sonnes âgées et pour l’unité réservée aux ado lescents : toutes gèrent des listes d’attente. “On a affaire à des patients qui ont des pensées sui cidaires chez eux et qu’on ne peut même pas accueillir temporaire ment ici” souffle le Doc teur Rémi Jeannin, psy chiatre praticien hospitalier. Il n’est pas rare non plus que des patients accueillis aux

Au 1 er octobre, il manquera 35 postes infirmiers.

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