La Presse Bisontine 240 - Juin 2022
6 L’ÉVÉNEMENT
La Presse Bisontine n°240 - Juin 2022
L’HÔPITAL DE BESANÇON, UN PATIENT À SOIGNER
l Santé Les Urgences de Besançon peuvent-elles fermer la nuit ? Soignants à bout de souffle En France, les services des Urgences craquent les uns après les autres. À Besançon, huit postes sont vacants chez les médecins urgentistes, la pression est toujours plus forte sur les équipes. Pour certains, c’est le système qu’il faut changer. Faute de personnel, 100 lits sont fermés à l’hôpital de Besançon, les démissions n’ont jamais été si nombreuses, le bloc opératoire tourne à 80 %. Quant aux urgences, c’est une prouesse qu’elles tiennent encore avec une troisième ligne du S.M.U.R. qui n’intervient plus la nuit. La solution doit venir de l’État.
La société européenne de médecine d’urgence présidée par le docteur bisontin Abdo Khoury pose un diagnostic sur le malaise des urgences
L’ L’hôpital de Bordeaux a fermé ses Urgences la nuit. Seuls les patients en urgence vitale sont accueillis. Chro nique d’un système à bout de souffle que l’on dit éreinté par la Covid qui n’a finalement qu’appuyé sous la sur face de l’eau la tête d’agents asphyxiés. Sur 690 services d’Urgence en France, une centaine aurait réduit leur activité ou l’aurait fermé la nuit. Pour cet agent récemment en retraite de l’hôpital de Besançon, les rustines posées sur l’éta blissement ont craqué : “En 2018, lors d’un comité d’hygiène et de sécurité au travail (C.H.S.C.T.) qui faisait suite à la tentative de suicide d’un médecin, nous avions demandé une expertise pour risque grave aux urgences en rai son du manque de personnel. Il fallait aller vite pour sauver les urgences. Ont découlé des mesures, 63 au total, avec une enveloppe de 7,5 millions d’euros. C’était une belle rustine… sauf que la
le président qui confirme le désespoir des équipes, sinon le burn-out. À Besançon, huit postes de médecins urgentistes manquent à l’appel. Recru ter ? “On n’y arrive pas. Où sont passés ces médecins, nous l’ignorons ?” déclare la directrice de l’hôpital, à la retraite depuis mai (lire en page 8). La médecine de ville a sa part de res ponsabilité, elle qui ferme ses cabinets à 18 heures (pour certains) obligeant les patients à se reporter au C.H.U., comme lesAgences régionales de santé, qui, rappelons-le, ont revu le système des urgences dans les hôpitaux de taille inférieure à Besançon entre 2010 et 2015. L’idée était de regrouper les moyens “sauf que nous avons déshabillé Paul pour ne pas mieux habiller Jacques” image un ex-syndicaliste. Par exemple, les lignes d’urgences ont été retirées à Dole, Champagnole, Gray, Luxeuil, pour créer la troisième ligne à Besançon, fermée depuis peu. L’in
manière de travailler n’a pas changé, du coup, le pneu a éclaté.” Ce constat, le médecin-urgentiste bison tinAdbo Khoury le partage. Président de la Société Européenne de Médecine d’Urgence, le professionnel admet que l’argent injecté dans l’hôpital est un tonneau des Danaïdes tant qu’une réforme, en profondeur, n’est pas enclen chée : “Ce sont tous les services d’ur
au niveau européen, en grande difficulté.
gences au niveau euro péen, voire mondial, qui sont touchés par ce phénomène de manque de personnel et d’afflux grandissant des patients. La démo graphie vieillissante n’a pas été anticipée ! Nous en avons assez de soigner des malades venus pour une grippe. Je ne veux plus les voir aux urgences” expose
“Des grippes aux urgences, je ne veux plus en voir.”
tention, louable au départ, devait per mettre le financement des transports héliportés. Sur le terrain, le compte n’y est pas. Malgré tout, l’hôpital de Besançon tient. “On ne reçoit pas de doléances de personnes qui n’auraient pas été acceptées aux urgences. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas” , ajoute le docteur Gilles Robert, prési dent de l’Ordre des médecins du Doubs. Que certains malades aient pu rester dix heures de suite sur un brancard,
c’est un fait. La médecine, son ubéri sation, ont créé une offre. La demande a suivi, logiquement. Le 27 mai, la Société Européenne de Médecine d’Urgence, l’E.U.S.E.M. (European Society for EmergencyMedi cine) présidée par le médecin bisontin Abdo Khoury présente un état des lieux des urgences. Le diagnostic est posé. Reste à trouver les remèdes. L’ar gent ne semble qu’un placebo. n E.Ch.
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