La Presse Bisontine 232 - Octobre 2021
L’interview du mois 5
bouleversement global : là où certaines parties du globe se refroidiront, la séche- resse et la chaleur seront présentes ail- leurs. L.P.B. : Comment l’historien que vous êtes va-t- il croiser ses données avec les scientifiques du M.I.T. ou de Harvard ? E.G. : Un travail de médiation avec des experts de sciences sociales et les clima- tologues sera mené. Ces derniers sont souvent très désorientés lorsque nous arrivons, nous les historiens, avec des bases de données écrites. Toutefois, nous parvenons à convertir ces données en chiffres, d’où l’importance de notre travail pour comprendre. L.P.B. : Cette étude, qui doit aboutir d’ici deux ans, sera-t-elle une lanceuse d’alerte pour nous prémunir d’éventuelles catastrophes ? E.G. : Les anciens savaient qu’il ne fallait pas construire à tel endroit car il risquait d’être inondé. Il faut imposer un cahier des charges strict sur les constructions. Tondre toutes les semaines son gazon, pourquoi ? Les eaux vont ruisseler, lessiver les sols, alors qu’il n’y a plus de zone de rétention. Ceci explique la soudaineté des aléas climatiques comparée au passé où l’on “avait le temps” de voir l’eau monter. L.P.B. : Collaborer avec ces instituts qui figurent en tête du classement universitaire de Shanghai, c’est une responsabilité ! E.G. : (rires). Un peu. Ce que je souhaite, c’est que le Covid n’empêche pas les Amé- ricains de venir étudier en France. n Propos recueillis par E.Ch.
disparaissait au niveau de l’Hôtel-Dieu. On sait également quand se sont déroulées des tempêtes parce qu’elles ont eu un impact sur la marine ou parce que des arbres ont été cassés. En 1739, un ouragan a dévasté l’Europe par exemple, à l’image de la tempête de 1999 ou de Xynthia. L.P.B. : Annoncer que cette partie du globe pourrait se refroidir, n’est-ce pas être climatosceptique ? E.G. : Pas du tout. Le C.N.R.S. a publié un communiqué dans lequel le refroidisse- ment de 2 à 3 °C en moins de dix ans en Atlantique Nord est possible, du fait du ralentissement de la circulation atmo- sphérique. Ce n’est pas de l’utopie. C’est un scénario possible et à étudier. 50 % des modèles annoncent ce refroidissement
pour l’Atlantique Nord qui toucherait tous les pays lit- toraux européens, la France au même titre que l’Angle- terre, l’Espagne. L.P.B. : Est-on en train de se dés- armer en occultant cette possi- bilité de refroidissement ? E.G. : Certains climatologues sont très inquiets car l’on se désarme totalement en matière de préparation au froid. Nos sociétés, notre agriculture, ne sont pas prêtes. Encore une fois, cet épisode n’est en aucun cas en contradiction avec le réchauffement climatique auquel nous sommes déjà confrontés. Il s’agit d’un
“On doit apprendre de notre passé pour appréhender l’avenir.”
Emmanuel Garnier conduit un projet
de recherche sur le climat, mi-bisontin mi-bostonien.
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