La Presse Bisontine 225 - Février 2021
La Presse Bisontine n°225 - Février 2021
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l Interview La présidente de la Région “On a eu à cœur de prendre
le meilleur de chaque côté”
L a Presse Bisontine : Cinq ans qua- siment jour pour jour après la fusion des anciennes Franche-Comté et Bourgogne, jugez-vous cette opé- ration réussie ? Marie-Guite Dufay : Je défends le bilan de cette opération, nous présenterons d’ailleurs lors de notre séance publique de février un bilan exhaustif de notre stratégie de mandat. Je rappelle quand même que ce n’est pas moi qui ai eu l’idée de cette fusion des Régions et il a fallu tout de même préparer cette gigantesque opération. Sur les 300 politiques et règlements d’intervention qui étaient en vigueur en Franche- Comté comme en Bourgogne avant la fusion, il y en avait à peine 20 iden- tiques entre les deux Régions ! Le chal- lenge était donc immense : qu’on soit de la Nièvre, de Doubs ou duTerritoire de Belfort, l’enjeu était d’apporter à tous une seule et même réponse. On a donc déjà passé deux ans à travailler à l’harmonisation de ces politiques d’intervention. Si ça a été très difficile, je refuse d’entendre qu’on ait été dans l’impréparation totale. Nous avons jus- tement anticipé de six mois la fusion pour bien préparer les choses. L.P.B. : L’organisation a quand même cafouillé pendant des mois ? M.-G.D. : On nous a en effet reproché l’organisation en bi-site que nous avions imaginée. Mais si on n’avait pas prévu cette organisation en bi-site, on aurait fait quoi ? Dumono-site ? À Besançon ? Ou à Dijon ? Quand mon challenger François Sauvadet proposait de créer à Besançon le grand pôle européen de la Région, ça représentait à peine 80 personnes, sur une administration qui compte aujourd’hui 600 personnes à Dijon et 500 à Besançon. Personne depuis, y compris de la part des orga- nisations professionnelles, ne se plaint de cette organisation en bi-site. De plus, l’actualité sanitaire avec la géné- ralisation du télé-travail qu’elle a ame- née conforte encore plus cette idée. L.P.B. : La fusion était censée apporter des économies. Or, tout a été harmonisé vers le haut, notamment les régimes indemnitaires. Où sont les économies ? M.-G.D. : Les agents bourguignons ont en effet bénéficié du système indem- nitaire des agents francs-comtois, qui était plus favorable. Aurait-on pu un instant imaginer le contraire ? Il était hors de question, et l’opposition ne peut pas dire le contraire, d’envisager une harmonisation vers le bas ! L’harmonisation s’est faite également sur nos politiques d’intervention. En matière de culture par exemple, on a harmonisé la Bourgogne sur la Franche-Comté. Pour les conservatoires de musique, on a baissé Dijon pour Ayant “subi” comme toutes les autres régions, la fusion il y a tout juste cinq ans, et bientôt à l’heure du bilan, Marie-Guite Dufay défend les bienfaits de l’opération fusion.
M.-G.D. : Ceux qui affirment cela n’al- laient pas plus souvent au siège de la Région à Besançon quand tous les ser- vices y étaient installés. La Région a toujours été une collectivité un peu compliquée à appréhender par les citoyens parce qu’elle ne s’adresse pas à eux en direct, ce constat est directe- ment lié à ses missions. La Région s’adresse aux entreprises, aux orga- nismes de formation, au milieu asso- ciatif, aux corps intermédiaires, aux autres collectivités locales. Auprès de tous ces interlocuteurs, je pense qu’on aura assez de mal à trouver un rejet massif de la Région. L.P.B. : Le tourisme a-t-il gagné dans la fusion ? M.-G.D. : Honnêtement, de quoi parle- t-on le plus actuellement, c’est bien des Montagnes du Jura ! On ne peut pas dire que l’ancienne Franche-Comté y ait perdu en matière de promotion touristique, au contraire. Le Comité régional du tourisme a été un des pre- miers organismes à fusionner. La dyna- mique touristique en Bourgogne et en Franche-Comté est réelle depuis la fusion. Il y a une dynamique, et des échanges intra-régionaux. L.P.B. : Et sur le plan économique ? M.-G.D. : Le développement économique est LA grande compétence de la Région. Sur ce point, la fusion nous a justement donné des moyens supplémentaires pour les filières et la recherche. Si on n’avait pas fusionné, jamais on aurait pu engager le projet I-Site pour l’Uni- versité. Jamais les pôles automobiles du Nord Franche-Comté et du Niver- nais auraient pu aussi bien collaborer, jamais Le Creusot et Belfort n’auraient pu aussi vite trouver des synergies autour de l’hydrogène. Sans la fusion, cette filière hydrogène aurait été bien plus longue à se mettre en place. Le constat est le même pour la transition numérique du territoire, qui n’aurait pas pu être aussi rapide sans la fusion. L.P.B. : Côté ambiance, vous ne regrettez pas l’époque où vous présidiez la seule Franche- Comté ? M.-G.D. : Ce n’est pas la même ambiance en effet, avec une majorité qui était plus complexe, avec deux groupes à gérer, les Verts et les socialistes, et qui créait une vraie dynamique. Avec la grande Région, il y a peut-être moins d’émulation au sein de la majorité. J’ai toujours regretté l’absence de la com- posante verte depuis 2015. Cela faisait du bien aux socialistes d’être challengés par les Verts, et vice-versa. Avec la fusion, nous avons également hérité d’un groupe R.N. particulièrement vio- lent mais qui a eu l’avantage de souder notre camp. L.P.B. : Serez-vous candidate à un nouveau mandat ? M.-G.D. : Je me positionnerai en mars sur cette question. n Propos recueillis par J.-F.H.
Marie-Guite Dufay se positionnera en mars sur un éventuel nouveau mandat (photo D. Cesbron).
M.-G.D. : Là encore, j’as- sume pleinement le fait de ne jamais avoir voulu baisser les dépenses en matière de formation, ni les dépenses concernant les T.E.R. avec une politique ambitieuse de conquête du public, ni les investissements dans les lycées par exemple, qui ont aug- menté de 30 à 40 mil- lions par rapport aux deux anciennes régions. L.P.B. : Malgré tous ces efforts, notre région Bour- gogne-Franche-Comté perd des habitants. Com- ment l’expliquez-vous ?
pouvoir augmenter Besançon et Cha- lon-sur-Saône. Dans tous nos domaines d’intervention, on a eu à cœur de pren- dre le meilleur de chaque côté. L.P.B. : La fusion a également été synonyme d’harmonisation fiscale, avec notamment l’ali- gnement de l’impôt sur les cartes grises au détriment des Francs-Comtois… M.-G.D. : Cette harmonisation a été un choix politique que j’assume pleine- ment. La fiscalité, c’est aussi la soli- darité par l’impôt. On aurait pu le faire progressivement, certes, mais ça aurait entraîné chaque année le même débat. Je rappelle qu’en Franche-Comté, nous étions une des régions avec le plus faible taux d’imposition. En contre- partie, nous avons bénéficié de recettes pour faire du développement pour notre région. S’il y avait un regret à avoir, c’est plus
L.P.B. :Vous parlez de développement au béné- fice de la région. Quels ont été les apports concrets de cette fusion ? M.-G.D. : Nous avons mis en place des politiques contractuelles avec tous les territoires de cette grande région, urbains comme ruraux. Les grandes villes ont ainsi pu bénéficier de 160mil- lions d’euros supplémentaires en pro- venance de la Région, dont 40 millions uniquement pour le Grand Besançon. Les contrats avec les territoires ruraux ont été abondés de 80 millions d’euros supplémentaires. Les contrats avec les bourgs-centres représentent quant à eux 30 millions d’euros. Tout cela aurait été impossible à l’échelle des anciennes Régions.À la fin du mandat, ce que certains redoutaient sur un sup- posé abandon des territoires s’est révélé tout à fait faux. Et la Franche-Comté n’a pas été abîmée par cette fusion, bien au contraire. L.P.B. : Le coût de la fusion atteindrait 23millions d’euros selon la Chambre régionale des comptes, argument repris par l’opposition. M.-G.D. : 23 millions, dont 17 millions pour le seul pôle Viotte à Besançon. Pour être honnête, il ne faut pas oublier de préciser qu’en acquérant ces locaux à Viotte, on se départir de bâtiments et de locaux dont on paie un loyer et qui ne sont plus du tout aux normes thermiques. Cette acquisition est un acte de gestion que je revendique plei- nement. L.P.B. : L’opposition brandit également l’argument de “l’explosion des dépenses de fonctionne- ment.” Votre réponse sur ce point ?
“Ce n’est pas la même ambiance que du temps de la Franche- Comté.”
sur le débat autour de l’augmentation des indemnités des élus mais sur ce point, il me paraissait tout de même justifié de consi- dérer qu’avec le nou- veau territoire de la grande région, les élus verraient leur quantité de travail augmenter, ce qui est vrai. Ce que je regrette, c’est la dimension qu’a pris ce débat autour des indemnités alors que celles-ci représentent une part dérisoire du budget de la Région.
M.-G.D. : Le solde des emplois y est en effet négatif simplement parce que beaucoup de jeunes continuent à quitter la région, ce n’est pas nouveau, pour s’installer dans les grandes métropoles pour leur travail. Nous héritons, c’est ainsi, d’une grande industrie historique qui aura perdu des emplois, mais, et c’est le plus important, qui est en train de se restructurer fortement. Mais la fusion n’a rien à voir dans cette ques- tion. Qu’est-ce qui ne s’est pas fait qui aurait pu se faire si on n’avait pas fusionné ? Rien. L.P.B. : La collectivité territoriale paraît également plus éloignée aux yeux de ses habitants, la Région plus abstraite qu’avant ?
“La Franche- Comté n’a
pas été abîmée
par cette fusion, au contraire.”
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