La Presse Bisontine 218 - Mars 2020
ÉCONOMIE
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La Presse Bisontine n°218 - Mars 2020
SÂONE
80 salariés au total
Recherche boulangers et pâtissiers désespérément
Philippe Roy, patron du Fournil de Morteau, aurait besoin d’environ huit pâtissiers sup- plémentaires pour assurer la croissance de ses différentes boulangeries.
L e problème est si criant pour Philippe Roy, à la tête de plusieurs boulangeries-pâtis- series, qu’il a été contraint de délocaliser son laboratoire de pâtisserie dans une de ses boulangeries les plus éloignées du Haut- Doubs, à Saône, pour répondre à la demande. Pourtant, ses locaux de Morteau avaient été dimensionnés tout exprès, investissements en matériel à l’appui. Seulement, “au lieu de pouvoir compter sur huit pâtissiers comme c’était encore
Le chômage est au plus bas et les entreprises ont un mal fou à recruter. Illustration dans un des secteurs d’activité les plus touchés, la boulangerie, chez un des principaux acteurs du secteur.
le cas il y a un peu plus d’un an, nous n’en avons plus que trois. J’ai donc été obligé de concentrer la fabrication des gâteaux à Saône et nous livrons tous les jours nos autres boulangeries du Haut-Doubs. Les problèmes de recrutement ont toujours existé mais depuis un an et demi, c’est devenu particulièrement compliqué” déplore Philippe Roy. Ses boulangeries-pâtisseries de Morteau, Pontarlier, Oye-et-Pallet, Goux-les-Usiers et Amancey sont toutes plus oumoins concernées par le phénomène. Seule celle de Saône est pour le moment épargnée. Le problème est devenu tellement aigu que la fabrication n’a pas pu être assurée dans une de ses boulangeries à la fin de l’été dernier pendant plusieurs semaines. Au total, le patron doit composer avec un effectif variant autour des 80 salariés. “Il m’en faudrait 10 % de plus, soit 7 ou 8 supplémentaires” dit-il. Problème supplé- mentaire : quand un salarié part (en Suisse notamment), c’est toute une organisation qui est bouleversée. “Si un pâtissier s’en va, la charge de travail retombe naturel- lement sur les autres et au bout d’unmoment, ça coince. C’est un cercle vicieux duquel il est difficile de sortir” ajoute le patron. Un vrai paradoxe alors que l’activité de ses fournils connaît une activité croissante depuis 2007, année où Philippe Roy ouvre sa première bou- langerie. “Nous atteignons les 5,5 millions d’euros de chiffre d’affaires et nous connaissons d’une année sur l’autre une croissance à deux chiffres. Mais notre déve- loppement est bloqué par ces questions de main-d’œuvre.” Autre obstacle paradoxal pour lui : tous les produits qui sortent de ses ateliers sont fabriqués artisanalement, que ce soit le pain ou les pâtisseries. “Nous avons donc besoin de personnes qui savent travailler. J’ai déjà vu beaucoup de personnes qui avaient passé une partie de leur vie professionnelle dans des enseignes où ils ne fabriquaient pas grand-chose et se contentaient de cuire des produits surgelés. Ici, ce n’est pas le cas, c’est donc d’autant plus difficile de trouver des bons professionnels.” Les salariés qui travaillent dans ses fournils sont donc précieux. “Et comme ils travaillent très bien,ils intéressent beaucoup la concurrence. De notre côté, nous faisons tout pour les garder en les payant très correctement, mais ça reste compliqué” ajouteAnne, son épouse chargée de la gestion administrative. Philippe et Anne Roy usent de tous les canaux pour tenter de trouver les perles rares :
annonces presse, sites Internet spécialisés dans les petites annonces, affichettes dans les boulangeries…Rien n’y fait. “Le site de Saône est notre ballon d’oxygène, heureusement qu’on l’a, sinon je ne sais pas comment on y arriverait.” Dans ce point de vente et de fabrication, Philippe Roy a réussi à embaucher deux pâtissiers de plus. Le problème est particulièrement criant en fabrication, mais il existe éga- lement en vente où le turn-over du per- sonnel existe aussi. Philippe Roy pourrait opter pour la solu- tion de facilité en commercialisant des produits tout faits et cuits sur place, comme de nombreuses franchises ou grandes enseignes le font. Il s’y refuse. Pour lui, la qualité artisanale est sacrée et vaut bien ces difficultés et quelques sacrifices. Il lui arrive quand il le faut de devoir cumuler sa fonction de dirigeant avec celle de boulanger en production. n J.-F.H.
“Le site de Saône est notre ballon d’oxygène.”
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