La Presse Bisontine 218 - Mars 2020
34 DOSSIER ÉCONOMIE
La Presse Bisontine n°218 - Mars 2020
“Le secteur du petit commerce a particulièrement souffert” Pierre-André Dubreuil est le nouveau président du tribunal de commerce de Besançon. La juridiction commerciale a ouvert l’an dernier 224 procédures collectives, redressements ou liquidations judiciaires. JUSTICE Le nouveau président
L a Presse Bisontine : Vous êtes depuis le 20 janvier le nouveau président du tribunal de commerce de Besançon en remplacement de Pierre Bourgeois. Quel est votre parcours ? Pierre-André Dubreuil : Je suis désormais en retraite,même si j’ai gardé une petite société de conseil. Auparavant, j’ai été directeur administratif et financier pen- dant une quinzaine d’années avant de créer avec un ami associé un groupe industriel dans lamétallurgie, composé de trois sociétés :une tôlerie industrielle, une entreprise de mécanique de préci- sion, et une troisième spécialisée dans la mécano-soudure pour le militaire (fabrication de caisses de véhicules blin- dés,de tourelles de chars…).Pontissalien d’origine, je suis revenu sur le secteur de Besançon après avoir cédémes parts dans les sociétés il y a une dizaine d’an- nées. Je suis juge du tribunal de com- merce depuis six ans. L.P.B. : Quelles sont les nouveautés de l’année au tribunal de commerce ? P.-A.D. : Nous avons accueilli trois nou- veaux juges à l’occasion de notre audience de rentrée le 20 janvier : Serge Roland, ancien directeur environnement Le rôle du tribunal de commerce Le tribunal de commerce est compé- tent en matière de litiges entre com- merçants, entre banques ou entre eux, ainsi que de contestations entre sociétés commerciales. Il l’est éga- lement en cas de conflits portant sur des actes de commerce. Le tribunal est également compétent en matière de procédures collectives. Il a notam- ment le pouvoir d’ouvrir une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire à l’encontre d’une entreprise en difficultés. n
et sécurité chez Frans Bonhomme, Luc Gentit, dirigeant d’une entreprise de T.P., et Ange Alez-Martin, dirigeant de Créations Perrin à Orchamps-Vennes. Le fait que le législateur ait permis aux juges de faire un cinquièmemandat alors que la loi en limitait le nombre à quatre jusqu’à maintenant nous a permis de reconduire certains juges expérimentés et c’est un vrai plus pour notre tribunal composé de 19 juges très investis pour cette cause qui, je le rap- pelle, est totalement bénévole. L.P.B. : La conjoncture économique s’est-elle dégradée ou au contraire améliorée ? P.-A.D. : Le nombre de procédures col- lectives en cours (redressements, sau- vegardes, liquidations…) est de 1 349 pour l’année 2019, contre 1 380 l’année précédente. Le tribunal a prononcé 56 liquidations judiciaires contre 47 en 2019. Ce n’est donc pas en aggravation. Le constat que l’on peut faire cependant, c’est que le secteur du petit commerce a particulièrement souffert et qu’on déplore une part importante des liqui- dations dans le petit commerce, les boulangeries notamment. Et en ce moment, on est particulièrement atten- tifs à la situation de la trentaine de commerces de Planoise suite à l’incendie de la fourrière. Certains commerçants sont dans une situation dramatique et pourraient ne pas se relever de ce drame. L.P.B. : Serez-vous en rupture par rapport à votre prédécesseur ? P.-A.D. : Je souhaite poursuivre les efforts qu’il avait initiés et apporter d’autres projets. Ce tribunal fonctionne bien, les délais de traitement des affaires ont été raccourcis. La durée d’un procès avant mise en délibéré est ainsi passée de 5,20 à 4,72 mois. Et à partir de la plaidoirie, le délai pour rendre le juge- ment est passé à 2 mois au lieu de 2,4 mois. Je ne suis pas un révolutionnaire, cependant il y a plusieurs points sur lesquels je souhaite qu’on avance plus
Pierre-André Dubreuil est le nouveau président du tribunal de commerce de Besançon.
justice et dont le rôle est de trouver un terrain d’entente entre d’un côté une entreprise en difficulté et de l’autre une banque par exemple. Quand une banque souhaite encaisser la caution d’un chef d’entreprise en difficulté, un juge conciliateur peut contribuer à ce que le paiement de cette caution soit échelonné sur 5 ou 10 ans au lieu des 24 mois réglementaires. Au tribunal de commerce de Lyon, 30 % des affaires sont désormais traitées en conciliation. Il faudrait que cette méthode monte en puissance chez nous. L.P.B. : Le tribunal de commerce a-t-il les moyens de ces belles ambitions ? P.-A.D. : C’est justement là que le bât blesse. L’État nous octroie une somme dérisoire pour fonctionner : 2 500 euros par an. Même si le travail d’un juge du tribunal de commerce est basé sur le bénévolat, un principe auquel je suis d’ailleurs très attaché, il est difficilement compréhensible qu’aucune dotation basée sur des critères objectifs n’ait été prévue par le législateur pour assu- rer le bon fonctionnement d’un orga- nisme qui rend un véritable service public. J’ai la désagréable et fâcheuse impression d’être aux commandes d’un fier vaisseau et de ne pas disposer de carburant pour le faire avancer. n Propos recueillis par J.-F.H.
ler sur la marche à sui- vre avant qu’il ne soit trop tard pour eux. Ils peuvent alors bénéficier de plusieurs mesures (le mandat ad hoc , la conciliation, la sauve- garde), desmesures dis- crètes qui ne font pas l’objet d’une publication et qui permettent de prévenir. Quand on nomme unmandataire ad hoc par exemple, ce dernier a le pouvoir de demander au bénéfice
vite.
L.P.B. : Lesquels ? P.-A.D. : Concernant la chambre des sanc- tions notamment. Une de nos missions est d’éliminer les escrocs de la vie des affaires. La chambre des sanctions pro- nonce parfois des interdictions de gérer et il suffisait à ces gens de changer de région pour recréer ailleurs une entre- prise. Nous bénéficions désormais d’un fichier national, ce qui devrait permettre de mieux lutter contre ces entrepre- neurs sans scrupule. Nous devrions également actionner un deuxième levier qui est la faillite personnelle, permettant d’aller prendre les biens de ces gens peu honnêtes. Sur ce point, le tribunal a encore des progrès à faire. Je souhaite également que nous ayons plus de rela- tions avec le Parquet pour pouvoir enga- ger des poursuites pénales. L.P.B. : Nous sommes là sur le domaine de la sanction. Concernant la prévention, quel rôle doit jouer le tribunal de commerce ? P.-A.D. : C’est justement le deuxième point sur lequel je souhaiterais que le tribunal s’améliore. Je souhaiterais que quand un chef d’entreprise traverse des difficultés, il n’hésite pas à nous solliciter car c’est notre rôle également, à travers notre centre d’information sur la prévention (C.I.P.), de les conseil-
“J’ai l’impression d’être aux commandes d’un vaisseau sans carburant.”
du chef d’entreprise un échelonnement aux banques. Je souhaiterais que le tribunal de commerce remplisse mieux son rôle d’espace de conseil, ceci pour éviter le plus possible des procédures de redressement ou de liquidation. L.P.B. : Qu’en est-il de la conciliation ou de la médiation ? P.-A.D. : C’est tout l’objet d’un nouveau chantier àmettre en place, et qui consti- tue le dernier point d’amélioration de ce tribunal de commerce : la mise en place desmodes alternatifs de résolution des différends, les M.A.R.D. dans notre jargon. Il s’agit d’encourager notamment la conciliation par l’intermédiaire d’un de nos 19 juges nommé conciliateur de
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