La Presse Bisontine 190 - Septembre 2017

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 190 - Septembre 2017

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début de la maladie. “Il allait bien jus- qu’à ce mois de mars où tout a chan- gé. Dès lors que le médecin lui a annon- cé froidement qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre, Hervé a changé” témoigne une amie de la famil- le. Carole Guyot a (re)déposé plainte quelques jours après le décès dans l’es- poir de comprendre pourquoi l’état de santé a pu se détériorer si vite. Le par- quet de Besançon, qui ne lui pas enco- re répondu, “apportera les suites qui conviennent dès le retour de la procé- dure” fait savoir Edwige Roux-Mori- zot, procureure de la République à Besançon. Madame Guyot a entre-temps reçu le 2 août un rapport de l’A.R.S. de 4 pages apportant des éclaircissements. Mais pas d’excuses. “Les seules excuses qui nous ont été données par rapport au médicament périmé ont été de nous dire que mon conjoint ne pouvait pas bénéficier de ce traitement car il n’était pas destiné à sa pathologie. Et en rai- son de son prix (environ 2 800 euros pour 15 jours), la Sécurité sociale ne nous rembourserait pas. Alors pour- quoi le lui donner ? Je m’interroge sur les traitements antérieurs qu’Hervé a pu recevoir et le mauvais suivi de son dossier” conclut Carole Guyot. Trois jours après l’enterrement, elle rece- vait un appel de l’hôpital de Dijon - où Hervé avait décidé de transférer son dossier finmars là-bas - lui expliquant que l’analyse de sang faite 7 jours auparavant était mauvaise, qu’il fal- lait d’urgence l’hospitaliser. Il était trop tard. Lors de cet entretien, la compagne du défunt a insisté sur son désir de com- prendre. Il ne s’agit, en aucun cas, d’une procédure pour obtenir de l’ar- gent. n E.Ch.

SANTÉ

“Le C.H.U. a fait une erreur” selon l’A.R.S. L’ Agence régionale de santé Bour- gogne-Franche-Comté a procédé à une analyse pharmaceutique et médi- cale réalisée par le médecin et le pharma- cien inspecteurs de l’A.R.S. Le résultat a été communiqué le 2 août à la famille. L’ex- pertise conclut que “la prescription hors A.M.M. a été faite selon les règles du Code de la santé publique, dans l’intérêt du patient, et après consultation multidisciplinaire, explique l’Agence. Effectivement, une erreur a été commise par le C.H.U. en distribuant des comprimés périmés mais cela n’a eu aucun lien avec son décès car le patient n’en a pris qu’un seul avant que le C.H.U. se rende compte de son erreur et à 24 heures de la prise, il ne présentait aucun trouble et aucun effet secondaire en rapport avec la prise du médicament.” La conjointe du malade contredit le rap- port : “Il a pris deux fois 25 mg par jour et pendant deux jours de Sunitinib, soit 4 com- primés. Et ce n’est pas l’hôpital qui s’est rendu compte de la boîte périmée… mais nous.” Concernant le fait qu’il s’agissait d’un médi- cament non utilisé et rapporté par un patient, l’A.R.S. explique que la réutilisation est interdite. L’agence “a rappelé au C.H.U. qu’il convient de faire appliquer dans tous les services, l’interdiction de toute distri- bution et de mise à disposition de médi- caments non utilisés.” Elle ne précise pas si desmesures disciplinaires ont été prises. n

Une enquête est ouverte

“Pourquoi lui avoir administré

un traitement périmé et sans ordonnance ?” Suivi pour un cancer de la thyroïde au C.H.R.U. de Besançon, Hervé Bernard est décédé sur son lit d’hôpital. Sa compagne a porté plainte pour comprendre pourquoi des comprimés traitant le cancer du rein, périmés d’un an et sans ordonnance, lui ont été délivrés.

Carole Guyot et son fils Mathis.

plusieurs jours !” témoigne Carole Guyot. Ce procédé est interdit d’au- tant que la boîte était celle d’un autre patient qui l’avait rapportée au ser- vice de soin. Le service médical explique “que le Sunitinib devait privilégier la quali- té de vie du patient du fait de douleurs importantes liées à l’envahissement pleural et médiastinal.” L’Agence régio- nale de santé n’établit d’ailleurs pas de lien entre la prise du médicament périmé et le décès (lire par ailleurs). Mais la famille représentée par Maître Myriam Kabbouri émet des doutes : “Des zones d’ombre doivent être levées. Nous demandons une nouvelle exper- tise car on ne peut pas déconsidérer les risques qui ont été pris” explique l’avocate. La famille veut savoir si l’A.R.S. (qui valide les propositions de traitement) a donné son accord pour celui-ci. Après avoir quitté le 16 avril son domi- cile de Montgesoye pour être admis en urgence à l’hôpital de Besançon, Hervé s’éteint dans la nuit après un arrêt cardio-respiratoire et une insuf- fisance rénale aiguë, 6 ans après le

E lle avait promis à son conjoint de ne rien lâcher. Carole tient parole. Pour la mémoire de son homme décédé à 46 ans, celle de leur fils Mathis (10 ans), de sa fille Marine et ses deux autres enfants, la mère de famille se bat. Si la douleur d’avoir perdu un être cher se rappelle à chaque instant, elle lui donne cette force d’éplucher les dossiers médicaux. “Ma seule motiva- tion est de connaître la vérité et éviter cela à d’autres patients. J’ai l’impres- sion que beaucoup de choses ont traî- né dans le suivi médical d’Hervé. Et surtout que l’on peut, à l’hôpital, don- ner des médicaments périmés et sans ordonnance ! Ce n’est peut-être pas le médicament périmé qui a causé samort mais plutôt la non-adéquation de ce traitement avec sa pathologie. On lui donne un cachet pour le cancer du rein

alors qu’on lui diagnostique un can- cer de la thyroïde.Tout est allé très vite une fois le traitement pris : ses reins se sont bloqués” dit-elle. Trois jours avant qu’Hervé Bernard ne décède (le 17 avril dernier), il avait porté plainte auprès du procureur de laRépublique de Besançon pour “empoi- sonnement.” Cette décision, le mala- de l’avait prise après s’être rendu comp- te que les comprimés donnés par le service d’oncologie dépassaient d’un an et demi la date de validité. Il s’agis- sait d’une boîte de Sunitinib - pour traiter le cancer du rein - délivrée sans ordonnance lors d’un entretien le 28 mars. “On nous a donné les médi- caments comme cela. Quand on a fait remarquer la date à l’hôpital, on nous a redonné une boîte… qui se périmait en avril, soit trois jours plus tard alors que le traitement devait encore durer

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