La Presse Bisontine 190 - Septembre 2017
LE PORTRAIT
39 La Presse Bisontine n° 190 - Septembre 2017
HUMANITAIRE
Ella a embarqué sur l’Aquarius
Sauveteuse en mer, sauveteuse de rêves
La Franc-Comtoise Mathilde Auvillain a plaqué son métier de journaliste pour sauver les réfugiés en Méditerranée. Après avoir embarqué à bord de l’Aquarius, sa vie n’est définitivement plus la même.
L es cris désespérés des hommes, les pleurs terrifiés des bébés, l’odeur âcre des corps baignés d’essence sont autant d’images imprégnées dans la tête qui ne laissent per- sonne insensible.MathildeAuvillain, bien- tôt 35 ans, a vécu cela de près. Ces bruits venus transpercer le clapotis des vagues frappant la coque du bateau résonnent encore en elle. “C’est d’autant plus trou- blant que le reste du temps, la mer est cal- me” confie-t-elle. Mais la jeune femme originaire du Jura refuse de comptabili- ser le nombre de personnes qu’elle a sau- vées lorsqu’elle était à bord de l’Aqua- rius, un bateau d’une O.N.G. venant en aide aux réfugiés. “Ce n’est pas une peti- te médaille que je recherche en faisant cela : je le fais parce qu’un drame humain qui se noue là-bas, dit-elle avec humilité. Je ne fais rien d’autre que de tendre la main à des personnes.” L’hiver dernier, elle a sauvé entre 4 000 et 5 000 per- sonnes. Journaliste basée à Rome en Italie depuis 2006, Mathilde aurait pu se contenter de suivre et de narrer l’actualité depuis la capitale transalpine où elle était corres- pondante pour R.F.I., l’Agence France Presse, B.F.M. T.V. et d’autres médias de renom. Son métier l’a amenée à couvrir sur le terrain le sujet des réfugiés à Lam-
Bio express
34 ans
l
Journaliste
l
l Native de Saint-Maur (près de Lons-le-Saunier), hypokhâgne et khâgne au lycée Carnot (Dijon), puis Maîtrise à Lyon, Erasmus en Angleterre puis à Bruxelles. En 2006, elle est correspondante en Italie pour Radio France, B.F.M. T.V., Radio Vatican. l En 2013, elle couvre les premiers sujets sur les réfugiés arrivant à Lampedusa. l
Mathilde Auvillain accueille des réfugiés à bout de force sur le bateau de S.O.S. Méditerranée.
pedusa, dès 2013. Elle pensait bien connaître le sujet. Mais un départ le 15 octobre dernier va la transformer. “Cette expérience a bou- leversé ma vie professionnelle et humai- ne. Je suis en devoir de continuer ce pro- jet et à m’investir pour cette cause. Après avoir vécu cela, il est impossible de reve- nir à une vie normale” dit-elle. Une déci- sion remarquable qui fait la fierté de Jean, son papa, qui admet être parfois inquiet pour sa fille. Secourir des per-
sonnes n’est effectivement pas sans dan- ger. Dernièrement, des militaires libyens ont tiré en l’air pour intimider un bateau venant en aide à des embarcations. La sauveteuse mesure les dangers. Mais les images de corps flottant sur la mer ou les récits de ces femmes violées par les pas- seurs lui donnent le courage de continuer. “On découvre des gens incroyables qui ont tout sacrifié en quête d’une vie meilleure. Sur le bateau, on rassure, on donne à man- ger, des vêtements, on soigne. On peut avoir parfois de grandes discussions avec les personnes secourues en parlant famille, foot, culture. J’ai même eu la chance d’as- sister à la naissance d’un petit garçon.” Actuellement en Sicile, Mathilde n’est plus sur le bateau mais travaille pour le compte de l’O.N.G. au service communi- cation. Elle a quitté son travail en mer. “Je me sens plus utile ici. Si je ne racon- te plus directement par ma plume ce qui se passe, je transmets cette réalité. Cela a peut-être plus d’impact” dit la Française qui travaille avec Médecins sans fron- tières. Presque un aveu d’impuissance pour son métier. À l’heure où certains pays d’Europe veu- lent fermer les frontières, la secouriste et reporter se charge d’accompagner les journalistes, de leur délivrer des infor- mations. Elle doit aussi répondre aux cri- tiques de ceux qui estiment que les O.N.G. créent un appel d’air en allant secourir les “migrants”, terme banni par la plu-
mitive qui préfère parler de réfugiés. Qui n’est pas allé sur le terrain ignore le drame méditerranéen à l’heure où les rafiots sont toujours plus nombreux à quitter les côtes libyennes. “Les personnes arrivent en guenilles car les passeurs les obligent à enlever leurs vêtements pour alléger au maximum l’embarcation. Ils donnent de l’eau mélangée à de l’essence. Cela a pour but de calmer les personnes mais cela crée de graves séquelles sur la santé, et des étourdissements.” Un trafic humain se noue aux portes de l’Europe.
l Octobre 2016 : première mission en Méditerranée sur l’Aquarius.
l Elle gère la communication de S.O.S. Méditerranée.
Comme une goutte d’eau dans cette mer, immense, la journaliste engagée avance à contre-courant face à ceux qui préfèrent le repli. Seuls les politiques ont, selon elle, la solution à ce fléau qui enlève tou- te dignité humaine.Mathil- de, elle, redonne une par- tie de cette dignité. Surtout, elle permet à ces hommes et femmes de rêver à des jours meilleurs… n E.Ch.
Peu de vêtements pour alléger les embarcations.
L’embarcation, à la limite de chavirer, va être secourue par l’Aquarius. La plupart des départs de réfu- giés se font depuis la Libye.
Pour faire des dons à S.O.S. Méditerranée (un jour en mer coûte 11 000 euros) : www.sosmediterranee.fr
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