La Presse Bisontine 160 - Décembre 2014

LES NOUVEAUX VISAGES DE LA VIE PUBLIQUE

La Presse Bisontine n° 160 - Décembre 2014

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L’ÉLUE DU MOIS

Ilva Sugny

Le combat d’une femme pour les femmes À 61 ans, Ilva Sugny a senti que le moment était venu pour elle de s’engager en politique. Elle a suivi Jean-Louis Fousseret qui lui a confié la délégation du droit des femmes. Un sujet sur mesure pour cette femme de convictions.

A vant d’être élue pour la première fois en mars dans l’équipe de Jean- Louis Fousseret, Ilva Sugny ne s’était jamais engagée en politique. Le conseil munici- pal a donc accueilli ce visage aus- si nouveau que la délégation qu’il incarne, celle du droit des femmes. “Cela n’existait pas jusqu’à pré- sent à Besançon contrairement à d’autres villes comme Rennes où elle est en place depuis une ving- taine d’années. Je vais tout faire pour donner à cette délégation de la consistance. Tout est à créer. J’aime ces causes où il faut se sor- tir les tripes pour faire avancer des idées” annonce Ilva Sugny. Le ton est direct. Ses mots disent tout de son tempérament volon- taire et déterminé. Elle est désor- mais mobilisée tout entière pour faire avancer le combat des femmes, ici, à Besançon. Si on parle beaucoup de la nécessaire égalité entre les gents féminine et masculine, l’équilibre n’est pas atteint. Petit à petit, l’écart se comble dans le milieu profes- sionnel où à compétences égales, le salaire est égal. “En revanche, à la maison, on est loin du comp-

te pour ce qui est de l’égalité domes- tique” observe l’élue qui rejoint en beaucoup de points la position de Najat Vallaud-Belkacem lors- qu’elle était ministre du Droit des femmes à l’initiative de l’A.B.C.D. de l’égalité. S’attaquer aux ori- gines du “mâle”, “c’est là qu’il faut agir, dès l’enfance.” Ilva Sugny part donc d’une feuille blanche dans sa délégation, qu’elle a commencé à noircir. “Nous tra- vaillons avec les services sur la signature courant 2015 d’une charte européenne sur l’égalité hommes-femmes. Elle sera sui- vie d’un plan d’actions en direc- tion des services de la Ville et des

services publics de Besançon.” A ce sta- de de la réflexion, la conseillère muni- cipale déléguée ne veut pas donner plus de détails sur les améliorations qui pourraient être apportées pour réduire les inéga- lités hommes- femmes dans des services publics locaux. Par contre,

“Il vaut mieux que tu réussisses ta vie de maman.”

elle réfléchit déjà à la manière d’élargir le futur plan d’actions au territoire de la communauté d’agglomération du Grand Besançon. L’élue est décidée à Ilva Sugny découvre l’envers d’une collectivité qu’elle a sollicitée lorsqu’elle était investie dans le monde associatif.

user du pouvoir qui lui a été conféré pour mener à bien sa mission. Se taire serait contre- productif par rapport à la cau- se qu’elle défend, et jouer les potiches serait encore pire. Ilva Sugny est une femme d’initiatives depuis toujours. Sa fraîcheur en politique et son peu d’expérience en la matière ne l’écarteront pas de cette ligne de conduite. Les circonstances de la vie lui ont appris à faire preuve de ténacité et à ne jamais baisser les bras quelle que soit la situation. Cette ex-cadre com- merciale de l’industrie phar- maceutique qui a côtoyé des hommes sans souffrir de son sta- tut de femme, est aussi mère de trois enfants. Une de ses filles, Ella, 24 ans, est handicapée. C’est pour elle qu’elle s’est battue et qu’elle se bat encore. C’est pour Ella qu’Ilva a abandonné son job il y a quin- ze ans, préférant faire une croix sur sa carrière professionnelle alors qu’on lui proposait une promotion en Italie, son pays natal. “Je me suis dit il vaut mieux que tu réussisses ta vie de maman.” Pour sa fille, elle a fondé avec Danièle Marandet l’association pour les loisirs des enfants différents mais déter- minés (A.L.E.D.D.).Tout est par- ti du constat d’un besoin. “Mes enfants fréquentaient un centre de loisirs pendant leur temps libre. Ella m’a demandé un jour quand est-ce qu’elle pourrait elle- même faire des activités. J’ai trouvé sa demande légitime. J’ai commencé par faire un état des lieux des structures en mesure de proposer des loisirs. Il n’y en avait pas. Nous avons créé l’A.L.E.D.D.” Aujourd’hui l’association prend en charge entre 20 et 25 enfants, âgés de 6 à 20 ans, tous les mercredis. Des séjours sont également orga- nisés. “Cette structure est une

bouffée d’oxygène pour beaucoup de parents” remarque, satisfaite, Ilva Sugny. Son expérience du handicap lui permet d’ajuster son jugement lorsqu’elle travaille dans le cadre de sa délégation sur la commission de sécurité chargée de vérifier la conformité des bâti- ments accueillant du public. “Je suis partagée, car j’ai le souvenir des galères vécues. Mais j’ai aus- si le souci de la responsabilité éco- nomique. Les normes d’accessibilité sont coûteuses. Je suis mesurée entre cette donne économique et la liberté des personnes handica- pées d’aller et venir. Je crois qu’il faut accepter qu’elles ne peuvent accéder à tous les espaces.” Pourtant, pour Ella, Ilva Sugny ne s’est jamais résignée. Elle est allée au bout d’un autre projet très innovant qui avait pour objec- tif de donner à Ella l’indépendance qu’elle souhaitait en lui permet- tant de vivre en appartement.Ain- si, elle a créé en 2012 une colo- cation pour jeunes majeurs handicapés. Pour concrétiser le projet, elle a dû convaincre le Conseil général du Doubs garant de l’aide sociale. “Ce genre de dis- positif n’existait pas. Cela n’a pas été simple de persuader le Dépar- tement, mais à force de persévé- rance et d’opiniâtreté, j’y suis arri- vée.” Comme à son habitude, elle n’a rien lâché. Une détermination héritée de son père qui par convic- tion, a osé déserter l’armée ita- lienne pendant la guerre, refu- sant de défendre la cause d’un dictateur fasciste. De sa fuite en Europe de l’Est, il ramènera ce prénom bulgare, “Ilva” qu’il don- nera à sa fille. Ce n’est pas un hasard si Ilva Sugny est si attachée à son indé- pendance. La nouvelle élue issue de la société civile est sans éti- quette politique. Elle n’est d’aucun parti et reste maîtresse de sa liber- té de parole. Les machos n’ont qu’à bien se tenir… T.C.

Bio express Née le 23 avril 1952 à Concordia (Italie) 1957, elle arrive en France 1970, obtient un Bac littéraire et part en Italie dans une école d’interprète. Interprète au centre dans l’industrie pharmaceutique jusqu’en 2001. 2001 : elle crée l’A.L.E.D.D. 2012 : elle crée la colocation pour jeunes majeurs handicapés. 2014 : élue avec la majorité municipale. Sa devise : “Faire bien ce que l’on a à faire, là où on est, avec les moyens que l’on a” (Roosevelt) des Congrès de Milan. Intègre le groupe Accor 1986 : elle travaille

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