La Presse Bisontine 141 - Mars 2013

LE GRAND BESANÇON 30

La Presse Bisontine n° 141 - Mars 2013

SPORT

Rencontre Un Bisontin tête pensante du F.C. Barcelone

Laurent Colette est le directeur marketing, commercial, international et exploitation du club de football F.C. Barcelone. Originaire de Besançon où ses parents résident toujours, il évoque son rôle au sein du club catalan, ses relations avec les stars que sont Messi ou Xavi. Sacré parcours.

comme Messi, Pujol,Valdes.C’est une façon d’être moins dépensiers. L.P.B. :Messi,parlons- en. Avez-vous des relations privilégiées avec le triple Ballon d’or ? L.C. : C’est un pro- fessionnel. Je l’ai vudeux fois car les footballeurs vivent dans leur bulle. Les joueurs sont professionnels.J’ai toujours eu des

président.

LaPresseBisontine :CommentunBison- tin a-t-il pu accéder à la tête d’un des plus grands clubs de football au mon- de ? Expliquez-nous votre rôle ? Laurent Colette (50 ans) : J’ai eu de la chance (il est modeste). Grâce àmon travail chez Nike, j’ai ren- contré SandroRossell quim’a fait confiance.Voilà 21 ans que je vis ici et j’ai épousé une Catalane. Je ne pensais jamais accéder à ce poste.On peut dire que le club m’est rentré dans la peau. En tant que directeur marketing, je développe lamarque F.C. Barce- lone notamment dans les pays émergents enmatière de football comme la Chine ou encore les États-Unis. Notre club est en concurrence avec d’autres. L.P.B. : On peut néanmoins penser que l’image F.C.B. se vend sans trop de pro- blèmes. L.C. : Bien sûr, mais il faut que cette image se transforme en espèces sonnantes et trébu- chantes. Il faut en tirer des reve- nus. C’est ça mon rôle : trouver les deux-tiers d’un budget qui avoisine les 300millions d’euros car il faut bienpayer nos joueurs ! L.P.B. :Justement,l’Espagne est en cri- se. Le ressentez-vous ? L.C. : Comme résident, évidem- ment. Je suis entouré d’amis qui parlent de plans sociaux. L.P.B. : Est-ce pour cela que le Barça a acceptéd’afficherdeslogossurlemaillot pour renflouer des caisses vides ? L.C. : Voilà deux saisons que nous avons un sponsor en plus de l’U.N.I.C.E.F.,que nous affichons à but humanitaire. Nous avons un sponsor bien sûr pour des rai- sons financières car les caisses du club étaient dans un état plus dramatique que ce que nous pen- sions le trouver en 2010 lorsque Sandro Rossell est devenu pré- sident. L.P.B. : Des clubs espagnols sont en faillite comme le F.C. Valence. Le vôtre est-il pérenne ? L.C. : Il y a encore un fardeau de dettes d’environ 300 millions d’eurosmaisnous sommes sereins car il y a beaucoup de rentrée d’argent. On commence à voir la sortie du tunnel. L.P.B. :À l’inverse des Français,les clubs espagnols n’ont pas de gendarme finan- cier pour les rappeler à l’ordre. C’est le point faible de votre système. L.C. : On paye nos impôts. Nous restons ambitieux car nous pos- sédons un centre de formation qui a permis de sortir des joueurs

C’ est le premier Français à avoir accédé à un poste de cadre dans l’histoire du F.C. Barcelone. En terre catalane, prière de montrer patte blanche car le F.C.B. est une institution en Espagne. Les supporters y vouent une passion, faisant de ce club le plus populaire dumon- de. Laurent Colette est arrivé au Camp Nou en 2003 grâce à ses compétences acquises alors qu’il était directeur marketing de Nike Espagne et Portugal et surtout grâce à son amitié liée avec le vice-président du club de l’époque.Viré du F.C. Barcelone en 2006 car trop proche de San- dro Rossell en conflit avec Joan Laporta le président du club, il est victime “du nettoyage eth- nique” dit-il. Laurent revient en 2010 une fois Sandro Rossell élu

“Le club a un fardeau de dettes.”

Le Bisontin Laurent Colette, un des cadres du F.C. Barcelone, parcourt le monde entier pour vendre l’image du club catalan.

contacts avec ÉricAbidal ouSey- dou Keita, les francophones. Le marketing et le sport sont deux mondes différents. L.P.B. :La France justement,quel regard avez-vous depuis l’autre côté de la fron- tière sur la Ligue 1 et le P.S.G., qui a recrutéBeckhametIbrahimovic ?Redou- tez-vous le club de la capitale qui est encore engagé en Ligue des Cham- pions ? L.C. : Je souhaite que ce club pren- ne une dimension internationa- le qu’il n’a pas encore. L.P.B. : Le Qatar finance le P.S.G. com- me Barcelone. Quels sont vos liens ? L.C. : LeQatar est propriétaire du P.S.G. mais ils ne sont que par- rains de Barcelone. Ils n’influent pas dans nos décisions. L.P.B. : La Catalogne a fait valoir son désir d’indépendance. Peut-on espérer voir Barcelone jouer en Ligue 1 ? L.C. : Ce sont des bêtises. Il y eut effectivement des rumeurs à la suite de la situationpolitique.On joue en Espagne. L.P.B. :Plus localement,avez-vous sui- vi les déboires du B.R.C. qui a déposé le bilan ? L.C. : Simes parentshabitent enco- re Besançon, je n’ai pas suivi le dépôt de bilan.J’ai quelques sou- venirs deLéo-Lagrange et notam- ment 1978 où le club a failli accé- der en L 1. Je ne suis plus sûr de la date (rires). Le club de mon cœur,c’est Sochaux,un club avec de vrais supporters. Ils ne sont pas millionnaires mais se bat- tent. J’ai d’ailleurs été invité par le président Lacombe à assister à un match. L.P.B. :Aurait-il besoin de vos conseils ? L.C. : Sochaux n’a pas besoin de moi. J’adore Barcelone. J’ai une chance hallucinante d’être ici même si j’ai beaucoup de pres- sion. À chaque jour suffit sa pei- ne. Propos recueillis par E.Ch.

BUSY

Rencontre L’histoire d’une gueule cassée devenue champion de sport L’adjudant David Travadon raconte comment il a perdu sa main droite et son œil lors d’une opération de déminage au Liban. Après avoir frôlé la mort, le militaire du 13 ème R.G. de Valdahon qui réside à Busy a compensé par le sport. Au point de penser aux Jeux paralympiques de Rio en 2016.

P our ses camarades militaires du 13 ème régiment du génie de Valdahon, DavidTravadon est un exemple de courage. Il fait partie comme des milliers d’autres militaires des blessés de guerre, des hommes ou des femmes qui ont per- du un membre lors d’une opération extérieure. Son histoire est atypique : gravement blessé, le militaire du Val- dahon a surpassé ses douleurs phy- siques et mentales en moins de deux ans pour devenir le porte-drapeau de l’équipe paralympique militaire fran- çaise. Le sport : son médicament. Pour David, 35 ans et 16 ans de service, la vie a basculé au Liban lors d’une opé- ration de déminage menée conjointe- ment avec des officiers libanais et israéliens sous contrôle de la F.I.N.U.L. (Force intérimaire des Nations Unies au Liban). C’était le 18 novembre 2009.

Trois ans et demi après cet accident, il n’a rien oublié. Projeté à plusieurs mètres de l’impact, il ne perdra pas connaissance. “Quand on se relève, on fait le bilan. Je me suis dit : je ne dois pas être mort tellement j’ai mal. J’aurai aimé perdre connaissance. Je me suis relevé - mais pas longtemps - car je perdais beaucoup de sang. J’aurai dû être mort mais grâce à la formation des hommes qui étaient avec moi, j’ai survécu. C’est un de mes sous-officiers, un bout de femme, qui m’a sauvé la vie” raconte-t-il.Après avoir reçu deux litres de sang dans l’hélicoptère, il est transporté en moins d’une demi-heu- re à l’hôpital de Saïda au Liban. “C’est une prouesse.” Malgré des éclats métalliques dans le crâne et un pronostic vital engagé, David survivra après avoir été rapa- trié en France avec une artère sec- tionnée et un œil en moins. À l’hôpital militaire, personne ne souhaite l’opérer. Son cas est jugé trop risqué. Aveugle, l’adjudant signe alors une décharge pour passer sur la table d’opération. “Je ne pouvais pas vivre comme ça. C’était ça passe ou ça casse… et ils ont finalement pu résorber le saignement.” À son chevet, son épouse le soutient, l’aide. Par chance, il récupère son deuxième œil. La rééducation phy- sique et morale peut alors débuter. “Je ne vais pas me plaindre. Je n’ai pas fauté. J’aurais pu y rester comme d’autres” avoue le Valdahonnais qui pense bien évidemment à l’adjudant

Mozic (décédé en 2011) ou encore au lieutenant Damien Boiteux mort dans le conflit armé au Mali. David a accepté le fait qu’il ne pour- rait plus remporter les cross du régi- ment mais n’a pas pour autant fait une croix sur sa vie de militaire. Il for- me actuellement les cadres dans la préparation des concours. Accompagné de sa femme, sportive, il remonte très vite la pente malgré cinq opérations qu’il appelle “de finition.” En mars dernier, il a représenté la France au Wounded Warrior Trial, à Camp Pendleton aux États-Unis, une compétition qui réunit les blessés de guerre. Il y a remporté une médaille d’argent et le bronze en course à vélo et 100 m sprint. Il deviendra même vice-champion du monde de duathlon en octobre dernier à Nancy. Avec un entraînement hebdomadai- re de 12 heures à 20 heures par semai- ne, David est devenu le porte-drapeau régional de l’association des “Gueules cassées” qui l’aide financièrement. Son régiment lui alloue des plages horaires afin qu’il puisse s’entraîner correctement. Si sa vie est différente d’avant, l’adjudant la juge “plus riche.” Son souhait n’est pas de se mettre en avant mais “montrer aux blessés qu’il y a des choses à faire.” Le militaire s’est fixé un objectif : participer aux Jeux para- lympiques de Rio. Pas de doute : l’adjudant est un combattant. E.Ch.

Avec d’autres militaires, l’adjudant s’échinait depuis 70 jours à détrui- re ses engins “instables” sur la Blue Line, un pas- sage de deux mètres de large truffé de mines anti- personnelles déposées entre 1984 et 1985 lors de la guerre du Liban. “J’étais chargé de leur des- truction avec mon équi- pe. J’ai engagé la charge explosive à côté la mine après avoir nettoyé. Et elle a explosé” dit-il.

“Ça passe ou ça casse.”

David Travadon, blessé de guerre, est aujourd’hui le porte- drapeau du sport para- lympique mili- taire français.

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