La Presse Bisontine 138 - Décembre 2012

22 DOSSIER

La Presse Bisontine n° 138 - Décembre 2012

RÉACTION

Barbara Romagnan “La position des cumulards peut avoir un effet catastrophique sur l’opinion”

Ses combats contre le cumul des mandats et pour la transparence financière des parlementaires en font une députée un peu à part dans l’Hémicycle. Barbara Romagnan justifie ses positions.

L a Presse Bisontine : La com- mission Jospin a rendu ses conclusions sur la réforme des institutions politiques. Elles vont dans le bon sens ? Barbara Romagnan : Dans les conclusions de cette commis- sion, on retrouve une grande partie des engagements de Fran- çois Hollande lors de sa cam- pagne. Les Français les connais- saient, qu’il s’agisse de la responsabilité du président de la République, du renforcement des sanctions financières en cas de non-respect de la parité, de l’instauration d’une dose de pro- portionnelle, de la suppression de la Cour de Justice de la Répu- blique, de la limitation du cumul, etc. Il n’y a rien de nouveau, sauf qu’elles n’abordent pas, par exemple, le droit de vote des étrangers. Ce rapport reprend juste ce qu’on prône depuis bien longtemps. Il reste à espérer que les conclusions de cette com- mission se traduisent rapide- ment dans les faits.

vent les remplacer dans leur mandat local des gens aussi com- pétents qu’eux. Ce n’est pas cet- te mesure qui va régler les grands problèmes de la Fran- ce. Mais commençons par la vali- der et qu’on passe ensuite aux vraies questions comme la lut- te contre le chômage. L.P.B. : Comment jugez-vous Claude Jeannerot qui continue à défendre bec et ongles le bien-fondé du cumul ? B.R. : Je veux bien entendre les arguments de chacun, mais il faut que ces partisans du cumul finissent par comprendre que, même s’ils ont des arguments recevables à entendre, leur posi- tion peut avoir un effet catas- trophique en terme de crédibi- lité aux yeux de l’opinion. Aller au bout des engagements des socialistes participera à cette crédibilité. Mais à l’Assemblée comme au Sénat, il y a un lob- by qui continue à défendre ses intérêts. L.P.B. : L’attache locale est un argu- ment “bidon” ?

non-cumul, comment jugez-vous tous les parlementaires qui traînent autant des pieds pour mettre en pratique cet engagement moral ? B.R. : La quasi-totalité des par- lementaires socialistes ont signé un document, avant les der- nières élections, par lequel ils s’engageaient à démissionner dans un délai de trois mois, de leur exécutif local. Quelques dizaines l’ont fait, pas plus, eux ont tenu leur engagement, beau- coup d’autres pas encore. Cha- cun avance ses raisons. Je ne pense pas que ce soit une ques- tion de rémunération. Je ne nie pas qu’il y a parfois des raisons compréhensibles, comme cer- tains jeunes collègues qui entrent en politique et qui ont été élus maire de leur commune en 2008 et député en 2012. Le problè- me, c’est qu’on a tellement été dans la caricature, dans la déme- sure du cumul pendant des décennies, qu’il est nécessaire de prendre une bonne fois pour toutes une décision sur ce point. Il faut que ceux qui s’accrochent au cumul admettent que peu-

L.P.B. : Partisane depuis toujours du

Barbara Romagnan : “Je ne soutiendrai pas une commune qui refait une fontaine ou un rond-point.”

B.R. : Je me demande juste com- ment je ferais dans mon canton pour remplir toutes mes obliga- tions si j’étais restée conseillère générale. Les habitants de Pla- noise ont la chance d’avoir à leurs côtés un conseiller général plei- nement dédié à sa fonction. L.P.B. : Cette loi sur la réforme pas- sera quand ? B.R. : Ce qui me choque c’est que ça n’ait pas encore été fait. Il faudra qu’elle soit votée pour être mise en application dès les prochaines élections de 2014. L.P.B. : Votre avis sur la proportion- nelle ? B.R. : J’y suis favorable à cette dose de proportionnelle. Elle permettra une représentation plus démocratique et aura l’avantage de politiser plus le débat et donc de dépersonnali- ser les choses. Il n’est pas nor- mal que des groupes politiques qui pèsent sur l’ensemble du territoire national ne puissent pas être représentés, fût-il le F.N. L.P.B. : Même si les choses vont en s’améliorant, vous n’êtes que 27 % de femmes à l’Assemblée, elles ne sont que 22 % au Sénat. La parité, également présente dans le rapport Jospin, est toujours un leurre ? B.R. : Je fais juste remarquer qu’au sein du groupe P.S., c’est quasiment 40 %. Et les avan- cées de ce côté-là sont toujours le fait de la gauche.

REPÈRES

Les détails des rémunérations Ce que gagnent les députés

L.P.B. : La transparence financière fait également partie de vos engagements. Comment se traduit-elle dans les faits pour l’instant ? B.R. : Sur cette question, scan- daleuse àmes yeux, des réserves parlementaires dont l’utilisation est toujours aussi obscure, je me suis engagée, en attendant une réforme de ce système, à publier précisément l’utilisation que j’en fais. J’ai établi quatre critères stricts : la santé, l’enfance, l’éducation et le déve- loppement durable. Je souhai- te par exemple aider des asso- ciations comme T.R.I. ou le Nid, je ne soutiendrai pas une com- mune qui refait une fontaine ou un rond-point. Le deuxième volet de la trans- parence, c’est sur nos revenus. Je publierai une fois par an l’utilisation précise des 6 000 et quelques euros que nous per- cevons tous les mois au titre de l’indemnité représentative des frais de mandat (I.R.F.M.), dont l’utilisation est quasiment libre. J’utilise plus d’un tiers de cet- te indemnité à la rémunération de mes collaborateurs, en plus de l’enveloppe destinée à cela que nous attribue l’Assemblée (j’ai 4,5 collaborateurs), j’utilise également plus de 1 000 euros par mois pour payer le loyer de ma permanence à Besançon, la location de la photocopieuse, etc. Tout sera clairement expliqué à mes concitoyens. Propos recueillis par J.-F.H.

un niveau de rémunération pratique- ment identique à celui d’un sénateur. Cela correspond au salaire d’un cadre supérieur. Ils font partie des 5 % des Français les mieux payés.

plaide pour plus de transparence dans l’utilisation de l’I.R.F.M. qui s’élève à 44 millions d’euros par an à l’échelle de l’Assemblée Nationale. “Ce travail de transparence est nécessaire car à ce jour, tout ce que l’on sait, c’est qu’un député a utilisé l’I.R.F.M. pour autre chose que de la représentation, et qu’une dizaine d’autres, dont je suis, affichent dans le détail la manière dont ils uti- lisent cette indemnité. J’ajoute encore qu’un rapport de commission indique que l’I.R.F.M. pouvait entraîner une augmentation du patrimoine d’un par- lementaire de l’ordre de 200 000 euros. Cela signifie que des élus capitalisent au moins une partie de cette indemni- té” commente-t-il. Les députés viennent de consentir à une diminution de 10 % de l’I.R.F.M., ce qui ne se traduit pas par une éco- nomie, puisque ces 10 % ont été trans- férés sur le crédit affecté à la rému- nération des collaborateurs. En 2011, les charges parlementaires (salaires et indemnités des députés) représentaient 56,62 % du budget de l’Assemblée Nationale, soit 289,26 mil- lions d’euros. Grâce à leurs indemni- tés, nos députés sont parmi les mieux payés d’Europe. Ce que pèse la rémunération des 577 députés

“Le salaire” de base des députés : 5 189,27 euros nets par mois “Le salaire” d’un député se décompo- se en trois parties : l’indemnité parle- mentaire calculée sur la grille des hauts fonctionnaires qui est de 5 514,68 euros bruts. S’ajoute ensuite une seconde indemnité dite de résidence qui per- met aux députés qui viennent du Doubs par exemple de se rendre à Paris. Elle est de 165,44 euros par mois. La troi- sième partie est l’indemnité de rési- dence, qui s’élève à 1 420 euros. Lors- qu’on additionne le tout, “le salaire” atteint 7 100 euros bruts. Cette som- me est amputée par des charges diverses comme la CS.G. et la C.R.D.S. Au final, le salaire du député est de 5 189 euros nets, soumis à l’impôt, soit Les députés ont consenti à une baisse de 10 % de leur indemnité de frais de représentation. Pour autant, on ne peut pas parler d’économie. Voici en détail, ce qu’ils perçoivent.

“Le crédit affecté à la rémunération des collaborateurs”

Chaque député perçoit le crédit affec- té à la rémunération des collabora- teurs qui, comme son nom l’indique, lui permet de payer les personnes qui travaillent à ses côtés (3 à 5 personnes). Ce crédit s’élève à 9 138 euros bruts par mois. Cette indemnité de 6 412 euros par mois doit permettre aux parlemen- taires de faire face “aux diverses dépenses liées à l’exercice de leur man- dat qui ne sont pas directement prises en charge ou remboursées par l’Assemblée.” Elle est soumise à la C.S.G. et à la C.R.D.S. Mais elle échap- pe à l’impôt ainsi qu’à tout contrôle fiscal. Les députés n’ont de compte à rendre à personne quant à l’utilisation de cette enveloppe mensuelle. Les séna- teurs disposent à quelques dizaines d’euros près de la même enveloppe. Une opacité que dénonce le député socialiste de l’Aisne René Dosière qui L’indemnité représentative de frais de mandat (I.R.F.M.).

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