La Presse Bisontine 134 - Juillet-Août 2012

SANTÉ

La Presse Bisontine n° 134 - Juillet-août 2012

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Le foie et la foi Le professeur Vincent Di Martino a fait du fonctionnement du foie son quotidien de médecin. Il dirige un service qui fait référence en France depuis que des pionniers bisontins ont érigé l’hépatologie et les greffes de foie en fer de lance du C.H.U. de Besançon. LES POINTURES DU C.H.U. Vincent Di Martino

C e sont ses “ambitions hos- pitalo-universitaires” qui ont poussé Vincent Di Martino à quitter Paris d’où il est originaire et où il a fait ses études pour rejoindre la capitale comtoise. Pas seulement. C’était aussi pour répondre à l’appel du pied de son prédécesseur à la tête du service hépatologie, Jean- Philippe Miguet. “Il m’a courtisé” reconnaît Vincent Di Martino.Mais c’est d’abord l’attrait pour cette dis- cipline aux champs d’investigation particulièrement larges qui a mis le Parisien d’origine sur cette voie professionnelle. Car l’hépato-gas- tro-entérologie est une spécialité qui regroupe comme le dit le pro-

fesseur, “ceux qui créent les recettes et ceux qui les appliquent” , une dis- cipline “à la fois technique et intel- lectuelle” résume le spécialiste. Parmi les activités multiples cha- peautées par le professeur Di Mar-

Vincent Di Martino : “Quand on fait une transplanta- tion à un malade, on lui dit : “La société investit sur vous, elle croit en vous.” En face, le malade a donc des devoirs.

tion des actions initiées par son prédécesseur qui a mis en place à Besançon un réseau ville-hôpital pour l’hépatite C, “réseau repris sur le plan national” précise le profes- seur qui se dit “frappé par l’implication ici des acteurs de la santé, beaucoup plus qu’à Paris.” Seule ombre au tableau : le finan- cement de ce réseau par l’A.R.S. qui a fondu de moitié. En matière de greffe du foie, le C.H.U. de Besançon est résolument pionnier également par le fait que la sélection des malades est faite, contrairement à d’autres hôpitaux, sur des critères complètement objec- tifs. “On a mené la seule étude où on tirait au sort la greffe chez ceux qui créent une cirrhose à un stade pré-terminal” illustre Vincent Di Martino. Une étude menée sur plu- sieurs années à Besançon a égale- ment permis de déterminer le moment optimal où il fallait pro- céder à la greffe, “pas trop tôt, sinon le risque de développer un cancer est plus important.” Cette expé- rience bisontine a donné lieu à une étude nationale destinée à savoir à qui précisément faire bénéficier les greffons. Prioritairement donc aux malades les plus graves, c’est une chose désormais reconnue et admise par tous. Le contexte de pénuries de greffes rend la tâche plus compliquée évidemment. L’hépatologie, ce n’est pas non plus que les greffes. Dans le service du professeur Di Martino, on traite également les hépatites A, les hépa- tites B, très fréquentes en Franche- Comté, les malades du Sida qui ont huit risques sur dix de développer une hépatite C et même quelques enfants, notamment ceux atteints de la maladie de Wilson, heureu- sement rare, qui provoque des cir- rhoses dues à un déficit de sécré- tion du cuivre. Le foie, grande cause du professeur Di Martino, reste pourtant un orga- ne étonnamment méconnu du public. Pourtant, il joue un rôle capi- tal dans le corps humain : il parti- cipe à la détoxification des produits étrangers, fabrique des protéines, notamment l’albumine, joue un rôle immunitaire et dans tous les méta- bolismes, aide à la sécrétion de la bile et transforme le sucre en graisses de stockage. Un organe vital que la science n’a pas encore réussi à reproduire artificiellement. Le champ des avancées médicales est encore large. J.-F.H.

magique pour les malades. Ils sont quasiment mourants et 15 jours après, ils ont rajeuni de 20 ans. Bien sûr, c’est très gratifiant pour les équipes médicales.” Mais la vraie vocation de Vincent Di Martino pour cette discipline, il faut d’abord aller la chercher dans sa jeunesse. À l’époque où son père a été confronté à cette terrible mala- die qu’est l’hépatite C. “Atteint d’une cirrhose, le stade ultime de toutes les maladies du foie, il a été greffé du foie. Il m’a beaucoup impliqué

dans sa prise en charge. Puis il a fallu le retransplanter. C’était en 1992. Depuis, j’ai toujours été convaincu que je deviendrais un spécialiste du foie” raconte le pra- ticien. Aujourd’hui à la tête de ce service qui mobilise six médecins à plein-temps, il est le digne suc- cesseur de ces deux professeurs qui ont hissé le C.H.U. de Besançon au rang de modèle et qui ont notam- ment organisé la collaboration quo- tidienne avec le C.H.U. de Dijon : Jean-Philippe Miguet et Georges Mantion. La greffe du foie, c’est donc à Besançon que ça se passe, pour la plus grande partie des patients de Franche-Comté et de Bourgogne. “On en est à près de 600 transplantations” , à raison de 25 à 30 greffes par an depuis 1986, date de l’ouverture du centre de trans- plantation du foie à Besançon. Le parcours de Vincent Di Marti- no a été marqué l’année de sa pri- se de fonction à la tête du service, en 2006, par le terrible accident qui a coûté la vie à deux praticiens du C.H.U. (un chef de clinique et son interne), au pilote et au copilote de l’avion sanitaire dans le drama- tique crash de La Vèze. Un événe- ment qui aura ébranlé et marqué à jamais tout le service. La grande question de cette disci- pline, c’est qu’il n’existe pour l’heure aucun médicament qui permette au foie de restaurer ses fonctions. “Le virus de certaines maladies, comme l’hépatite C, n’a été décou- vert qu’en 1989” ajoute M. Di Mar- tino qui a contribué à la descrip- tion de l’histoire naturelle de cette pathologie. L’hépatologie entre pour- tant dans une période “historique” note le spécialiste.Après des décen- nies de disette, “on prévoit désor- mais de pouvoir traiter médicale- ment l’hépatite C. D’ici 5 ans, on

tino, il y a bien sûr la greffe du foie, une des grandes causes du C.H.U. bisontin. “Évi- demment, dans les motifs de satisfac- tion, il y a les moments où on réveille un patient pour lui dire qu’on va le greffer. La greffe a ce côté

Quand son père a été confronté à cette terrible maladie.

pourra traiter l’hépatite C par des comprimés à prendre pendant trois mois” précise le professeur bisontin qui estime qu’on pourra à l’avenir “guérir plus de 90%desmalades.” Revers de la médaille, “on va cer- tainement payer le retard de la détec- tion” ajoute-t-il. Sa recommandation : faire du dépistage ciblé.Vincent Di Mar- tino bénéficie en matière de préven-

Seule ombre au tableau : le financement de ce réseau.

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