La Presse Bisontine 130 - Mars 2012

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 130 - Mars 2012

45

RECHERCHE

Laboratoire F.E.M.T.O.-S.T.

Les trois défis

de Nicolas Chaillet Il remplace depuis le début de l’année Michel de Labachelerie à la tête du plus grand laboratoire de France dans le domaine des sciences de l’ingénieur. Nicolas Chaillet livre ses objectifs pour les prochaines années.

Nicolas Chaillet a

ZOOM

Une spin-off de F.E.M.T.O.-S.T. Une nouvelle société née du labo Quartz-Tech Sylvain Ballandras crée une entreprise pour la mise au point de composants innovants fabriqués au sein du laboratoire

pris la tête de l’institut F.E.M.T.O.- S.T. le 1 er janvier dernier.

L a Presse Bisontine : Quel est votre parcours Nico- las Chaillet ? Nicolas Chaillet : Franc-Comtois d’origine, j’ai suivi une classe préparatoire à Clermont- Ferrand, puis une école d’ingénieur physique à Strasbourg, avec un doctorat dans le domai- ne de la robotique, avant de revenir à Besan- çon pour démarrer un cursus dans l’enseignement supérieur en tant que maître de conférences et chercheur au laboratoire d’automatique de Besançon, avec notamment une mission : créer une activité de recherche enmicrorobotique, qui est devenue très connue dans le monde. C’est notamment notre labo- ratoire qui a créé une micro-pince de pré- hension pour les très petits objets (visible au musée du Temps), à l’origine de la socié- té Percipio Robotics dirigée aujourd’hui par David Hériban. Notre labo a d’ailleurs gagné par deux fois le championnat du monde de microrobotique, devant les universités amé- ricaines. Une grande fierté pour nous. L.P.B. : Vous passez du statut de responsable d’un des départements de F.E.M.T.O.-S.T. à celui de direc- teur de F.E.M.T.O.-S.T., un des plus grands labos de France avec quelque 650 chercheurs. En prenant la suite de Michel de Labachelerie, quelles sont les mis- sions que vous vous êtes fixées ? N.C. : À très court terme, il faudra d’abord gérer l’élargissement de F.E.M.T.O.-S.T. avec l’intégration du laboratoire d’informatique de Franche-Comté, avec sa centaine de cher- cheurs, qui devient le septième département de F.E.M.T.O.-S.T. Le laboratoire F.E.M.T.O.- S.T. couvre désormais un champ immense, de la molécule unique au système métrique, de Besançon à Belfort, de la recherche fon- damentale au système économique avec la création de start-up . L’ambition de notre ins- titut est que le champ de la connaissance s’élargisse de telle sorte qu’on crée des inter- faces de l’innovation concurrentielle. L.P.B. : Il faut donc employer au moins 650 chercheurs pour être visible en tant que labo de recherche cré- dible ? N.C. : Pour être visible, d’abord il faut être bon, avant d’être nombreux. Mais se struc- turer à un niveau plus large donne un effet de levier considérable, c’est en effet une ques- tion de visibilité sur le plan mondial. Et c’est aussi ce phénomène de pluridisciplinarité qui doit être exploité au mieux. L’originalité de F.E.M.T.O.-S.T., par rapport aux autres labos, est qu’il intègre des mécaniciens et de la microrobotique. Avec sa taille actuelle et sa structuration, F.E.M.T.O.-S.T. fait désor- mais partie des plus gros laboratoires de France. Dans le domaine des sciences de l’ingénieur, c’est sans doute le plus gros labo- ratoire de France.

L.P.B. :Au-delà du court terme, quelles sont vos ambi- tions pour F.E.M.T.O.-S.T. ? N.C. : C’est donner ce cœur d’activité qui don- ne à F.E.M.T.O.-S.T.une visibilité sur un domai- ne interdisciplinaire : les systèmes et struc- tures intelligents. Ce sont les systèmes qui réagissent aux stimuli de leur environnement, capables de faire de la reconfiguration, de l’autodiagnostic de leur état de santé, ou enco- re de modifier leur forme. Nous sommes aux balbutiements de tout cela, c’est un des grands défis de F.E.M.T.O.-S.T. Nous voulons inté- grer au plus près de lamatière ce type de fonc- tions. Pour nous, c’est LE projet scientifique interdisciplinaire, qui correspond à une exploi- tation à plein des microtechniques. L.P.B. : Les écoles d’ingénieurs de la région sont-elles également “visibles” de l’extérieur ? N.C. : Justement, c’est notre troisième projet. Il s’agit de structurer le secteur ingénierie dans notre région, entre l’E.N.S.M.M., l’U.T.B.M., la formation à l’Université, etc. L’idée est d’articuler le secteur des forma- tions pour avoir une offre qui forme un pac- kage complet visible et lisible. Si on veut continuer à se développer, je pense qu’il faut que l’on change de modèle de formation pour créer un vrai triptyque recherche, formation et valorisation-innovation, qu’on puisse mar- cher sur ces trois pieds pour créer une sor- te de “M.I.T. franc-comtois” (N.D.L.R. Mas- sachusetts institute of technology). Nous comptons 4 000 étudiants en ingénierie en Franche-Comté. On a tous les outils pour le faire, alors faisons-le. L.P.B. : Quand la recherche sort des laboratoires, elle doit savoir créer de l’emploi. Quel est le taux de créa- tion de start-up au sein de F.E.M.T.O.-S.T. ? N.C. : Une dizaine de start-up (voir zoom) sont sorties de l’institut en dix ans, soit une cen- taine d’emplois déjà créés. On prouve par l’exemple notre savoir-faire. Mais je suis per- suadé que ça peut être plus. Cette dynamique- là doit perdurer. Ceci dit, si tous les chercheurs se mettent à faire des start-up , qui va faire la recherche ? (rires). Il faut d’abord remplir les étagères avant de les vider. L.P.B. : Quel est le budget de F.E.M.T.O.-S.T. ? N.C. : Il est de 22 millions d’euros en consoli- dé (salaires compris), dont 9 millions en res- sources opérationnelles. Sur ces 9 millions, il y a un peu plus de 5 millions de ressources propres, qu’on va chercher “avec les dents”, à travers des projets financés au niveau régio- nal, national ou européen. F.E.M.T.O.-S.T. a totalisé 250 contrats de recherche l’an der- nier. Il ne faut pas oublier que la majorité de l’argent dont on a besoin pour travailler, c’est à nous d’aller le chercher. Propos recueillis par J.-F.H.

Quartz-Tech. Un exemple de plus du passage entre recherche et applications concrètes.

D es filtres acousto-élec- troniques présents notamment dans les téléphones portables. Voilà, décrits de la manière la plus simple possible, l’application concrète que Syl- vain Ballandras, directeur de recherche à F.E.M.T.O.- S.T., souhaite commerciali- ser à travers la société qu’il est en train de créer. Cette spin-off (issue de) de F.E.M.T.O.-S.T. sera une nou- velle illustration de la capa- cité des chercheurs bisontins à créer des passerelles concrètes entre la recherche et la création d’entreprises. Cette nouvelle entreprise

allongera la liste de celles déjà créées depuis 10 ans au sein de F.E.M.T.O.-S.T. : A.R. Électronique compte aujour- d’hui 42 salariés, Photline Technologies

à onde acoustique qui per- mettent d’envisager le rem- placement des solutions exis- tantes en créant de nouvelles fonctionnalités devrait atteindre plus de 8,4 mil- liards de dollars dès l’année prochaine. La ligne-pilote présente au sein de F.E.M.T.O.-S.T. devrait donc donner de réelles oppor- tunités de développement à la société nouvellement créée par Sylvain Ballandras. “On tente ce défi qui est très pro- metteur” note le chercheur qui a troqué sa blouse contre un costume de chef d’entreprise. J.-F.H.

une trentaine, Silmach une dizaine… La spin-off créée par Sylvain Ballan- dras se posi- tionne sur ce marché des microcapteurs qui a été estimé à 3,2 milliards de dollars en 2008. Le marché de ces capteurs

Plus de 8,4 milliards de dollars.

Dans la salle blanche du laboratoire Quartz-Tech, on crée des composants acoustiques en quartz pour les télécommunications (photo F.E.M.T.O.-S.T.)..

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker