La Presse Bisontine 116 - Décembre 2010

BESANÇON 16

La Presse Bisontine n° 116 - Décembre 2010

VIE MUNICIPALE

Un brillant parcours Hayatte Akodad, une élue qui a du punch

Elle fera une carrière de médecin, mais elle n’abandonnera pas la politique. D’origine franco-marocaine, Hayatte Akodad a trouvé son équilibre entre l’hôpital, la boxe, sa famille et sa fonction de conseillère municipale en charge des animations sportives.

Ce qu’ils disent d’elle

nique du sport féminin est indéniable. J’aimerais que les femmes pratiquent de la boxe, du rugby. Mais il faut leur laisser le temps de progresser dans ces disciplines qui sont nouvelles pour elles.” Entre la médecine, le sport, et la politique, Hayat- te Akodad a presque un agenda de ministre. Ce rythme soutenu convient bien à cette femme bou- limique de travail. Elle a besoin de se sentir uti- le. Mais cette hyperactivité déplaît parfois à des conseillers municipaux qui déplorent son absen- ce parce qu’elle est sur le ring ou retenu à l’hôpital à Paris. “Ceux qui me reprochent mes absences ne se doutent pas à quel point cela m’atteint. C’est indépendant de ma volonté. J’ai été élue. Je ne suis pas là pour faire de la figuration. Je reviens de Paris aussi souvent que je le peux” plaide Hayat- te Akodad qui s’attend néanmoins à prendre des coups sur ce petit manque d’assiduité à la fin du mandat, au moment du bilan. Mais il en faudra plus pour la freiner dans son élan et entamer sa détermination. Plutôt dis- crète au conseil municipal, l’élue estime agir sur le terrain pour développer les animations spor- tives à Besançon. Bientôt elle mobilisera son énergie pour le parti socialiste. Elle est déjà prê- te à monter sur le ring pour prendre part au com- bat de la présidentielle de 2012, au terme de laquelle elle espère voire la gauche s’imposer. HayatteAkodad est décidée à jouer les militantes actives. “S’il faut être dans la rue, je le serai.” Mais elle prévient : “Il ne faut pas croire que la partie est déjà gagnée. La politique, c’est comme dans un combat de boxe, on peut mener trois rounds et prendre un K.-O. dans le quatrième.” T.C. Quand elle a été élue, elle était à Besançon. Sa profession l’a amené à se déplacer sur Paris. L’important est qu’elle soit présente sur le terrain, avec les associations, qu’elle suive les manifestations comme Vital’Été ou Énergie Jeunes. On peut lui reprocher de ne pas être toujours présente, mais ce n’est pas un souci car quand elle traite un dossier, elle le fait bien. Elle est discrète, simple, elle aime être au service des gens. Elle a une honnêteté intellectuelle. Mais c’est aussi quelqu’un qui a du caractère.” Édouard Sassard opposition municipale “Sportive et intellectuelle, elle réussit sur les deux tableaux” “De toute évidence, Hayatte Akodad apparaît comme une fille d’action. Elle a su concilier ses études et le sport. Elle réussit sur les deux tableaux. C’est une référence par rapport à beaucoup de jeunes. En terme de conviction politique, elle est plus difficile à cerner. Cette élue est discrète, elle intervient peu au conseil municipal. Néanmoins, je pense qu’elle doit faire preuve de grande qualité dans le travail. C’est une personne qui doit mériter d’être connue, et avec laquelle il est sans doute intéressant de confronter des idées.” Abdel Ghezali, adjoint à la vie des quartiers “L’important est qu’elle soit présente sur le terrain” “Hayatte Akodad est une grande bosseuse. La diversité ne s’arrête pas à un nom ou à un prénom, elle est dans les compétences et dans l’engagement. Tant au niveau politique que d’un point de vue personnel, cette élue a beaucoup de cœur. Elle porte des valeurs de partage et de solidarité. On pourrait se poser la question de ses absences du Conseil municipal si elle était adjointe. Mais en tant que conseillère municipale déléguée, elle tient son rôle.

Hayatte Akodad a commencé la boxe au Ring Olympique Bisontin

à Besançon. En 2012, elle pourrait participer aux Jeux Olympiques de Londres.

S i elle s’était laissée écraser par le poids des clichés, Hayatte Akodad ne serait pas arrivée là où elle est. Elle n’aurait pas fait médecine, si en seconde elle avait écouté l’infirmière du lycée qui tentait de la décourager de suivre ces études esti- mant qu’il s’agissait là de métiers d’hommes. Elle ne pratiquerait pas non plus la boxe au plus haut niveau, si elle s’était laissée convaincre qu’elle n’était pas faite pour se sport il y a sept ans après un premier combat qui s’est achevé par une dou- loureuse défaite. “Au lieu de m’encourager, onm’a dénigré. J’ai même entendu “celle-ci, on ne le reverra plus jamais sur un ring.” J’avais trois mois de boxe à mon actif, mon adversaire cinq ans.” Mademoiselle n’en a fait qu’à sa tête, et tant mieux ! À 29 ans, elle est dans le service de car- diologie de l’hôpital d’Argenteuil. Son objectif : devenir médecin urgentiste. En septembre,Hayat- te Akodad a été sacrée championne du monde de savate (boxe française) sous les couleurs duMaroc, sa patrie d’origine. En compétition, elle défend toujours l’un des deux drapeaux pour rappeler qu’elle porte dans son cœur ces deux pays avec la même affection. Armée d’un caractère bien trempé, la jeune fem- me a fait voler en éclat les barrières qui entra- vaient sa route pour vivre sa vie comme elle l’entendait. “Il faut croire, rêver, travailler, être déterminé, et je le dis, rien n’est impossible” répond- elle à ceux qui un jour ont pu douter de sa capa- cité à réussir. Hayatte Akodad s’est approprié cette citation d’Oscar Wilde : “Il faut toujours viser la lune car même en cas d’échec, on atterrit

dans les étoiles.” Ses mots résonnent comme un message d’espoir. Le recevra qui voudra. Lors- qu’elle regarde vers le passé, elle est fière de son histoire qui débute à Montbéliard, la ville où elle a grandi. Hayatte Akodad est issue d’un milieu populaire, avec un papa ouvrier chez Peugeot et une maman au foyer. Elle a quatre frères et trois sœurs. Très tôt, elle s’est éveillée à la politique. C’est dans ce contexte social et culturel qu’elle s’est forgée une sensibilité de gauche qu’elle a affirmé en rejoi- gnant le parti socialiste (elle a milité au M.J.S.) à Besançon où elle suivait ses études de méde- cine. La défaite de Ségolène Royal à la prési- dentielle de 2007 a été un déclic. Ce n’était pas seulement la gauche qui venait de perdre à ses yeux, mais les femmes qui, comme elle, revendi- quent l’égalité avec les hommes en politique, dans le sport comme au travail. “Notre société se dit ouverte, mais elle n’est pas encore prête à accep-

gation qui me tient à cœur. C’est un choix. Malheureusement aux yeux des gens, les personnes qui comme moi sont issues de la diver- sité héritent forcément du sport. C’est un vrai cliché” et un de plus auquel la boxeuse franco-maro- caine s’évertue à tordre le cou. Mais voilà, au regard de la socié- té, les jeunes issus de l’immigration, qui plus est ban- lieusards, doivent faire leurs preuves plus que les autres pour être considérés. “C’est agaçant, on a l’impression qu’on doit tra- vailler dix fois plus. Je porte en

Elle a presque un agenda de ministre.

mois la diversité culturelle. Je ne l’impose pas mais je la propose et je ne demande qu’à prendre celle des autres. On s’enrichit de la différence. Les gens ont oublié que nous étions tous des citoyens du monde” et à ce titre, les étiquettes devraient tomber, mais elles sont tenaces. La conseillère municipale ne s’arrête pas à ces considérations regrettables. Elle a pris son tra- vail d’élu à bras-le-corps, animée par l’envie d’ouvrir aux femmes des sports dits masculins. Elle a commencé à travailler sur le football, une discipline qui se féminise petit à petit mais que le public comme les médias ont encore du mal à reconnaître. Dans le cadre d’une opération de promotion, Besançon a reçu la visite de l’équipe de France féminine. “Dès qu’il s’agit de filles, on pense qu’elles sont là pour se crêper le chignon. Si physiquement, c’est vrai, il n’y a pas de com- paraison possible avec les hommes, la qualité tech-

ter une femme au pouvoir. L’égalité est une chimère, il faut se battre pour faire sa place” observeHayat- te Akodad qui le sait mieux que quiconque. Alors, quand en 2008 Jean-Louis Fousseret l’a invitée à rejoindre son équipe, elle ne s’est pas fait prier. Assumant son côté fémi- niste, c’était pour elle l’occasion de faire cheminer ce principe d’égalité en prenant des respon- sabilités à la ville. Le maire lui a confié la délégation des anima- tions sportives. “C’est une délé-

“Prendre un K.-O. dans le quatrième round.”

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