La Presse Bisontine 113 - Septembre 2010

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Bisontine n° 113 - Septembre 2010

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Le 8 juillet, Robert Schwint était invité dans la salle des mariages de l’Hôtel de Ville pour dévoiler son portrait officiel, qui trône désormais à côté des maires qui l’ont précédé. Les apparitions en public de celui qui occupa la fonction de premier magis- trat de la capitale régionale pendant vingt-quatre ans (1977-2001) sont rares, tout autant que sa parole. Âgé de 82 ans, Robert Schwint a accepté de se confier à La Presse Bisontine. Hier élu, aujourd’hui citoyen, l’homme politique porte un regard lucide sur la ville de Besançon qu’il regarde évoluer, et sur ceux qui la font vivre. Confidences pour confidences, sans amertume, ni remords. “Jean-Louis Fousseret n’était pas mon poulain” Depuis qu’il est en retraite, l’ancien maire de Besançon Robert Schwint se tient à l’écart de la vie politique. Ses apparitions en public se font rares. Un recul qui ne l’empêche pas de porter un regard lucide de citoyen sur sa ville et ceux qui la font vivre. Confidences pour confidences. ROBERT SCHWINT : CONFIDENCES POUR CONFIDENCES COMMENTAIRE Robert Schwint

L a Presse Bisontine : Comment allez-vous M. Schwint ? Robert Schwint : Ça va bien. J’ai certes quelques difficultés liées à l’âge. Mais le moral est bon. Je vais encore aumar- ché, faire un tour en ville. J’ai 82 ans et je commence à sentir le poids des années. Le seul inconvénient de ma retraite est que je suis vite loin des pro- blèmes. Je n’ai plus tous les tenants et aboutissants. Mais je continue à me tenir informé. Je lis la presse chaque matin. L.P.B. :Vos apparitions en public sont rares. La dernière en date remonte à juillet,lors de l’hom- mage que lamairie vous a rendu en accrochant votre portrait à l’hôtel de ville, à côté de celui de Jean Minjoz. On vous a vu d’ailleurs très ému ? R.S. : C’est rare que je fasse un discours avec autant d’émotion. Une émotion que je n’ai pas pu cacher en évoquant

parallèle sur le projet de modernisa- tion du réseau de bus, pour pouvoir com- parer ensuite les deux dossiers. Il me semble que les conséquences financières et structurelles du tram n’ont pas été suffisamment appréciées. La décision a été prise, maintenant elle ne se dis- cute plus. Je n’ai pas non plus une connaissance suffisante du dossier pour dire qu’il aurait été possible de faire différemment. L.P.B. : Robert Schwint aurait-il fait le tram ? R.S. : Un chantier comme celui-ci coûte très cher. Franchement, j’aurais hésité à m’y engager. Une fois encore, le choix a été fait, je le respecte, chacun devra assumer ses responsabilités. Je suis diplomate et démocrate. L.P.B. :Récemment,vous avez d’ailleurs repro- ché à Jean-Louis Fousseret son entêtement pour le tram. Des commentaires surprenants à l’égard de celui qui vous a succédé et qui était votre poulain ? R.S. : Contrairement à ce que certains disent, Jean-Louis Fousseret n’était pas mon poulain. Quand je me suis retiré des affaires, j’ai laissé le choix au par- ti socialiste de désigner mon succes- seur. J’ai expliqué à l’époque que le choix de P.S. serait le mien. À un moment donné, je sais que le nom de Claude Jeannerot circulait. C’est quelqu’un qui aurait sans doute eu le profil requis pour être maire de Besançon. L.P.B. : Le tram a un coût financier. Peut-il éga- lement coûter cher politiquement à Jean-Louis Fousseret ? R.S. : Si ça se passe mal, les Bisontins auront sans doute dumal à pardonner. Mais je n’ai pas de jugement à porter L.P.B. : Le projet a divisé la majorité plurielle. LesVerts s’y sont farouchement opposés. Cela risque de créer des tensions à gauche lors des

un moment très important de vie poli- tique. L.P.B. :Régulièrement,on voit réapparaître l’idée d’un téléphérique ou d’un funiculaire pour accé- der à la Citadelle. C’est un projet que vous avez porté mais qui n’a pas abouti. Cela reste un échec pour vous ? R.S. : C’est un échec malgré toute la bon- ne volonté déployée pour réaliser ce projet. On y croyait à ce funiculaire de la Citadelle. Je suis allé plaider le dos- sier jusqu’au ministère de l’Équipe- ment. En vain. Nous n’avons pas pu négocier. À mon sens, l’État a refusé ce projet par opposition politique au mai- re socialiste que j’étais. J’ai d’ailleurs rarement senti une telle opposition à mon égard. Enfin, on ne peut pas avoir que des réussites (sourire). L.P.B. : Vous aviez la réputation d’être un mai- re exigeant avec vos adjoints comme avec les services. Cela commençait par le respect des horaires. La recette Robert Schwint était-elle une main de fer dans un gant de velours ? R.S. : C’est vrai, j’étais très exigeant avec mes adjoints. Ce trait de caractère est lié peut-être à mon métier de prof. On m’a toujours appris que l’exactitude est la politesse des rois. J’étais aussi exi- geant avec les élus, les services, mes collaborateurs, que je l’étais enversmoi- même. L.P.B. : Après l’échec de Sonorama, des élus qui vous ont côtoyé racontaient que si vous aviez été aux affaires, vous n’auriez pas par- donné cela à votre adjoint ? R.S. : J’ai suivi de loin Sonorama.Appa- remment, ce fut un échec. Je ne l’au- rais pas admis. S’il fallait hausser le ton, je le faisais volontiers. Quand on est maire, il faut de l’autorité et ne pas laisser passer n’importe quoi.

la vie publique. J’étais bien dans ma peau, bien dansmes baskets. Jeme suis engagé par conviction. Les calculs poli- tiques n’ont jamais été ma tasse de thé. Néanmoins, j’ai une certaine satisfac- tion à avoir gravi les échelons. Né à Montbéliard, dans un milieu pauvre, protestant, de gauche, j’ai essayé de res- ter fidèle àmes convictions tout au long de mon parcours. L.P.B. : La politique semble être devenue une affaire de communication plus que de convic- tion. Percevez-vous une rupture entre votre génération d’élus et celle qui arrive ? R.S. : La fonction politique publique a changé. À mon époque, l’engagement pour la collectivité était une valeur qu’on défendait. Aujourd’hui, il s’agit davantage d’une recherche de pouvoir et de reconnaissance. L.P.B. : Cette évolution n’est pas non plus l’ex- plication à la rupture qui s’opère entre la clas- se politique et la population qui se mesure au moment des élections par un vertigineux taux d’abstention ? R.S. : L’abstention m’interpelle. C’est dramatique pour une démocratie que l’on se détourne à ce point du bulletin de vote qui est justement le b.a.-ba de la démocratie. Les hommes politiques ont leur part de responsabilité. Ils se sont petit à petit détournés de leur mis- sion préalable qui est de servir les citoyens. La faute est aussi en partie liée auxmédias qui jouent un rôle impor- tant dans cette organisation. L.P.B. : Quel(s) moment(s) fort(s) devriez-vous retenir de vos vingt-quatre ans de mandat de maire de Besançon ? R.S. : Le moment le plus fort, c’est l’élec- tion. Il y a d’abord la campagne élec- torale que vous menez avec votre équi- pe. Vient ensuite le vote des citoyens. Et quand vous parvenez à passer, c’est

Besançon. Cette ville a des atouts et pourtant elle peine à asseoir sa notoriété. Le débat n’est pas nouveau. Quemanque-t-il à cette ville pour qu’elle gagne de nouveaux galons ? R.S. : Il manque à Besançon de l’indus- trie. Je le reconnais, c’est un dévelop- pement que nous ne sommes pas par- venus à donner à cette ville ces dernières années. Nous n’avons sans doute pas recherché suffisamment les causes réelles à un avenir qui se présentait sous une forme un peu trop plate. Ce n’est pas que nous ayons voulu rester en dehors de tout développement éco- nomique voire même démographique. Nous avons fait le maximum de ce que nous pouvions faire pour maintenir cet- te capitale régionale dans son rôle de grande ville. Des projets ont été menés pour accompagner les industriels.Mal- gré tout, Besançon est devenu une vil- le tournée vers le tertiaire, trop sans doute. Cela peut être un handicap à ter- me. Il a manqué quelque chose pour passer un cap mais je ne sais pas quoi. J’ai le temps d’y réfléchir (rire). L.P.B. : Le nord Franche-Comté a cette image industrielle. Ce territoire paraît se développer de façon autonome. Il a un essor actuel que l’on pourrait attendre d’une capitale régiona- le ? R.S. : Peut-être que dans le nordFranche- Comté, ils sont plus efficaces que nous… L.P.B. : Un projet comme le tram peut-il contri- buer au rayonnement de Besançon ? R.S. : Certainement, mais je n’en suis pas convaincu. L.P.B. :Vous n’avez pas caché votre opposition au tram. Que reprochez-vous à ce projet ? R.S. : Je pense que la décision de faire le tram a été prise de façon trop rapi- de. Pour ma part, j’aurais été plus pru- dent quitte à mettre quelques années de plus. J’aurais peut-être travaillé en

vingt-quatre ans pas- sés aux côtés des Bison- tins, à mener des pro- jets. C’est tout un monde que l’on ne quit- te pas sans un pince- ment au cœur. Je me suis attaché à cette vil- le qui pourtant n’est pas ma ville natale. L.P.B. : Vous regrettez cet- te époque où vous étiez aux affaires municipales,ou au contraire la page est tour- née ? R.S. : J’ai tourné la page, vraiment. Je n’aurais pas souhaité garder un pied dedans et un dehors.J’ai aimé ce bou- lot, celui de maire sur- tout. J’ai été heureux de cet engagement dans

“Quand on est maire, il ne faut pas laisser passer n’importe quoi.”

L.P.B. : On parle beaucoup du rayonnement de

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