La Presse Bisontine 112 - Juillet-Août 2010

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Bisontine n° 112 - Juillet-août 2010

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CHANTIERS PUBLICS : QUAND LA

L’heure est aux économies au plus sommet de l’État. On rogne sur les frais de fonctionnement des ministères, on supprime les chasses présidentielles, on réduit les logements de fonction… Poudre aux yeux disent certains, ces mesures de rigueur souhaitées par le président de la République sont censées faire économiser quelques centaines de millions d’euros par an. Cet “arbre” médiatisé à outrance cache en fait la vraie “forêt” des dépenses et des gaspillages en tout genre qui plombent les comptes publics. Vu sous l’angle local, c’est dans la gestion des gros dossiers d’investissement que le dérapage des dépenses est le plus criant. À tra- vers quatre exemples en pleine actualité, La Presse Bisontine illustre à sa manière le grand écart qui existe parfois entre les discours de bonne gestion des deniers publics et la réalité des chiffres. Alors erreurs de calculs, failles dans les études, imprécision des services ou imprévoyance des élus ? Un peu de tout cela à la fois sans doute. Dérapage des chantiers : la preuve par quatre.

Avoir voulu garder à tout prix le bâtiment en briques de la future Cité des Arts alourdirait encore la facture de 3,5 millions d’euros.

ORNANS

Polémique entre gestionnaires 9 millions d’euros… et la moitié des Courbet ? À un moment où il investit 9 millions

je milite pour une chose : nous sommes là pour défendre l’aura de Courbet et le développement de l’art. Quand je fais une expo- sition à Barcelone ou à Saint-Domingue, elle contribue aussi à la notoriété du musée Courbet d’Ornans. Une fois encore, je suis d’accord pour que nous prêtions des œuvres, mais je suis opposé à ce que nous les laissions en dépôt” ajoute M. Fernier. La position que semble prendre l’Institut Courbet indigne Jean- Louis Simon qui a pris ses distances vis-à-vis de cet organisme suite au contentieux judiciaire qui l’a opposé à lui et qui lui a pourtant donné raison. “Cette position fragilise le musée Cour- bet d’Ornans qui ne va peut-être fonctionner qu’avec la moitié des œuvres” déclare celui qui est aussi président du comité d’éthique. Un élément pourrait mettre tout le monde d’accord : il s’agit du rapport de la Chambre régionale des Comptes qui devrait être rendu public dans les prochaines semaines. À la demande du Conseil général, la C.R.C. a contrôlé l’Institut Courbet grasse- ment subventionné par le Département (jusqu’à 400 000 euros par an). Le document en préparation pourrait fournir des argu- ments de premier choix à Claude Jeannerot pour négocier la futu- re convention de mise à disposition des œuvres. Le président a d’ailleurs décidé de suspendre le versement des subventions à l’Institut tant que la Chambre des Comptes n’a pas rendu ses conclusions. Si l’Institut Courbet s’est constitué le patrimoine pictural dont il dispose, c’est aussi grâce à l’aide financière de la collectivité. À ce seul titre, il n’est pas improbable que le Département exi- ge que le musée puisse jouir comme il l’entend d’au moins une partie des œuvres qui appartiennent à l’Institut Courbet. T.C.

du maître, au motif que ceux-ci voyagent d’une exposition à l’autre pourrait bien faire grincer des dents les contribuables du Doubs. “Il y a quatre ans, nous avons fait une exposition au Japon qui a duré cinq mois. Tous les jours, nous faisions face à des critiques du public qui s’étonnait du peu d’œuvres présentées à Ornans” prévient Jean-Louis Simon, secrétaire de l’Institut Courbet, démis de ses fonctions de façon cavalière, réhabilité à ce poste par déci- sion de justice, qui vient de créer l’association “Chez Courbet”. Pour donner au musée Courbet sa consistance et par là même se mettre à l’abri de critiques éventuelles, Claude Jeannerot, le président du Conseil général souhaite qu’une convention de mise à disposition des œuvres soit signée entre la collectivité et l’Institut. “Cela me semble impératif par rapport à l’esprit du projet. Je serais attaché à ce que les 10 œuvres majeures que possède l’Institut soient mises en toute priorité à disposition du musée, et ne puis- sent pas faire l’objet d’une quelconque autre utilisation. Je suis certain que l’Institut fera cet effort” estime Claude Jeannerot.

L es travaux se poursuivent. Dans un an, le nouveau musée Courbet ouvrira ses portes à Ornans. Mais alors combien de tableaux signés du maître seront accrochés au mur de ce prestigieux écrin culturel de 9 millions d’euros dédié au peintre, réalisé par le Conseil général du Doubs ? A priori , elles devraient toutes être là, les 53 toiles de Gustave Courbet, visibles actuellement pour une partie d’entre elles à la Saline Royale d’Arc-et-Senans dans le cadre de l’exposition “Cour- bet, Proudhon l’art et le peuple”. Le Département est proprié- taire de 25 tableaux, l’Institut Courbet en possède autant, la Vil- le d’Ornans en a deux dont “le Château de Chillon”, une œuvre majeure, tandis que la commune de Saules en détient un. Si le public est d’ores et déjà assuré de découvrir les toiles qui appartiennent au Conseil général lorsqu’il se rendra au musée, la présence des tableaux que possède l’Institut Courbet risque d’être plus aléatoire. Cet organisme créé pour animer le musée a bien l’intention de continuer à faire tourner ses œuvres à tra- vers le monde quand bon lui semble au gré des sollicitations. Cette position gêne le Conseil général qui a fait de Courbet un élément majeur de sa politique culturelle. Or, un musée Cour- bet, coûteux, dans lequel il manquerait la moitié des tableaux d’euros dans le musée Courbet, le Conseil général du Doubs veut que l’Institut Courbet laisse à résidence une partie des tableaux dont il est propriétaires. Désaccord en vue.

Jean-Jacques Fernier, le vice-président de l’Institut Courbet, marque un temps de réticence à cette idée. “Il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas de ter- rain d’entente avec le Conseil général. Tout cela doit être défini et se faire dans une politique d’amitié au bénéfice de l’art en Franche-Comté” dit-il d’emblée. Un accord, oui, mais pas à n’importe quelles condi- tions. “Chacun doit rester dans ses obligations. Il est normal que nous prêtions des œuvres, mais nous ne les laisserons pas en dépôt.” Au-delà de la nuance sémantique, il semblerait que le dépôt implique une notion de durée importante pendant laquelle l’Institut ne pourrait pas jouir pleine- ment de l’utilisation des œuvres de Courbet. “Moi

“Cette position fragilise le musée Courbet.”

Le musée départemental Courbet ouvrira ses portes dans un an.

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