La Presse Bisontine 106 - Janvier 2010

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ÉTAT DES LIEUX Viotte, Battant, Helvétie Une trentaine de prostituées sur le trottoir bisontin Le phénomène de la prostitution est peu marqué dans la capitale régionale comparé à d’autres villes, mais il existe.

À Besançon, une tren- taine de prostituées arpentent le trottoir. Elles se trouvent prin- cipalement dans le secteur de la gare Viotte où les filles sont surtout d’origine africaine. Le secteur de Battant est princi- palement occupé par des filles de l’Est, alors que du côté de l’Helvétie, “il y a à la fois des filles de l’Est et des Françaises” observent les services de la poli- ce nationale à Besançon. Fina- lement, dans la capitale régio- nale, la prostitution existe mais elle reste assez marginale com- parée à des villes comme Mul- house où il y a peu de temps encore plus de 200 prostituées étaient recensées. À Besançon, les chiffres sont stables, ce qui n’empêche le “turn over” des filles qui pour la majo- rité d’entre elles ne sont que de passage. Quelles soient Bul- gares, ou Roumaines, il est pro- bable que ces prostituées soient là par l’intermédiaire de réseaux. Il y a deux ans, les services de police bisontins avaient d’ailleurs démantelé un important réseau de filles de l’Est qui s’était sol- dé par l’interpellation à Bruxelles d’un proxénète. Les filles qui se prostituent de façon indépendante sont fran- çaises et se font rares sur le trot- toir bisontin. Leur vie de galè- re les conduit là, comme cette jeune fille de 23 ans qui a été abusée sexuellement dans son enfance, qui se drogue, et qui se prostitue pour vivre mais aussi pour acheter les stupé- fiants dont elle a besoin. La pros- titution est souvent le résultat

çon “où le nombre de boursiers est environ 30 % plus important qu’ailleurs en France. L’O.M.S. observe une aug- mentation de la prostitution chez les jeunes, qu’ils suivent des études ou non. Confrontés à des difficultés, ils sont contraints

d’une accumulation de facteurs dans une histoire personnelle difficile. En revanche, à Besançon, la prostitution dite privée serait marginale. Il s’agit d’étudiantes par exemple, qui pour arrondir leurs fins de mois, passent des petites annonces sur le Net sur des sites de rencontre. Elles ne s’identifient pas comme prosti- tuées, mais finissent par expli- quer à l’interlocuteur qui les contacte que la rencontre sera payante. Sur le Net, la prosti- tution est difficilement identi- fiable. Néanmoins, Annie Ménétrier, conseillère municipale déléguée à la lutte contre les discrimi- nations et les questions huma- nitaires redoute que la paupé- risation des jeunes et des étudiants fasse le lit de la pros- titution. En particulier à Besan-

“Des filles de l’Est et des Françaises.”

de trouver un moyen pour vivre décemment. Ils s’enlisent dans la prostitution.” En France, plus de 4 500 jeunes sont en situation de pauvreté et 225 000 peinent à payer leurs études. “C’est un réservoir impor- tant pour la prostitution” redou- te l’élue. T.C.

RÉACTION Didier Jaffiol “Rouvrir les maisons closes n’est pas la solution” Implanté à Marseille, Trans Faq est un organisme qui regroupe un ensemble d’intervenants qui donnent des outils à des professionnels pour les aider à appréhender la prostitution. De passage à Besançon, un de ses représentants, Didier Jaffiol, répond.

À Battant, les clients ont affaire à des filles de l’Est.

L a Presse Bisontine :Comment réagissez-vous à la proposi- tion de Christine Boutin de rouvrir les maisons closes ? Didier Jaffiol : Nous ne prenons pas parti, même si on peut comprendre que ce n’est pas satisfaisant qu’une personne qui rentre chez elle avec ses enfants trouve une prostituée avec un client dans le hall de l’immeuble. Malgré tout, la maison close n’est pas la solu- tion car ces lieux sont empreints d’opacité. Le cas échéant, il n’y aurait pas de syndicat pour les filles qui y travailleraient. Nous serions également en droit de nous interroger sur qui seraient les investisseurs. L’argent serait probablement d’origine dou- teuse. Enfin, on le voit en Espagne, ces maisons closes n’empêchent pas la prostitu- tion de rue.Toutefois, en Fran- ce, il est temps de clarifier la situation paradoxale des pros- tituées qui ne cotisent pas à la Sécu, ni aux caisses de retraite et qui pourtant paient des impôts sur les bénéfices non commerciaux. L.P.B. : Est-ce que vous redoutez le développement de nouvelles formes de prostitution qui émergent notam-

une vie dite normale.

ment grâce à Internet ? D.F. : Pour nous tout d’abord, la prostitution n’est pas un mal, du moment que la per- sonne qui décide de faire com- merce de son corps le fasse librement. Des personnes se prostituent et le revendiquent. Dans ce cas, il faut que cette personne puisse être recon- nue. Le problème d’Internet est que nous n’avons aucun moyen d’alerter ces jeunes filles et ces jeunes garçons qui se prostituent et qu’on ne ren-

tution touche les jeunes de plus en plus ? D.F. : Ce qui est clair, c’est que les clients vont plus facile- ment vers une jeune fille.Mais j’ai connu aussi des femmes handicapées qui se prosti- tuaient et qui avaient une clientèle importante.Tout sim- plement parce que la prosti- tution répond à un fantasme à un moment donné. Néan- moins en France, les proxé- nètes savent le risque qu’ils courent à prostituer des mineurs par exemple. L.P.B. : La France met-elle vraiment les moyens pour lutter contre la prostitution ? D.F. : Le problème est que les réseaux ont une capacité d’adaptation importante et nous ne sommes pas assez réactifs. Les effectifs de poli- ce ne sont pas en rapport avec l’ampleur du phénomène. Propos recueillis par T.C.

L.P.B. : Vous avez participé à une conférence à Besançon. Avez-vous eu un aperçu de la prostitution ? D.F. : Besançon fait partie de ces villes de taille moyenne vers lesquelles glissent les réseaux de prostitution des grandes villes. Il y a une com- munauté africaine, une com- munauté de filles de l’Est aus- si. En fait, dans les agglomérations importantes, des équipes spécialisées tra- vaillent aux côtés des prosti- tuées. C’est le cas du Nid par exemple qui apporte un accom- pagnement social, et de la poli- ce qui lutte contre le proxé- nétisme. Cette présence sur le terrain pousse les réseaux à s’adapter. Ils font des opé- rations de “testing” dans villes de moindre importance où ils sont plus tranquilles. L’inté- rêt pour le proxénète est que la fille ait le moins de contacts possibles pour éviter qu’elle sorte du réseau.

contre pas dans la rue. Nous pouvons difficilement les mettre en garde par exemple contre le proxénétisme. Or, une per- sonne qui se prostitue a cent fois plus de risques d’être agres- sée qu’une femme qui a

“Les réseaux ont une capacité d’adaptation.”

Renseignements : www.transfaq.fr

Didier Jaffiol, est éducateur spécialisé.

L.P.B. : Il semblerait que la prosti-

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