Journal C'est à dire 285 - Août 2022

A G R I C U L T U R E

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Philippe Monnet, le nouvel homme fort de l’agriculture du Doubs Trévillers

Préposé à la succession de Daniel Prieur à la tête de la chambre interdépartementale d’agriculture Doubs-Territoire de Belfort, Philippe Monnet a pris ses nouvelles fonctions en juin en laissant la présidence de la F.D.S.E.A. du Doubs à Florian Dornier installé à Ville-du-Pont. Retour sur la trajectoire ascendante d’un agriculteur plus que jamais soucieux de promouvoir une politique agricole et alimentaire axée sur l’autonomie sous toutes ses formes.

C’ est à dire : Pourquoi ce changement de prési dence à la Chambre d’agriculture en cours de mandat ? Philippe Monnet : Tout était pro grammé dans ce sens. Daniel Prieur avait prévu de s’arrêter quand il serait en retraite. De mon côté, je me sentais prêt à assumer ce type de responsabilité. D’où l’envie du président sortant de transmettre les clefs du camion à un agriculteur jeune, expérimenté et repré sentatif. Cemouvement donne lieu à un jeu de chaises musicales. Càd : Qui est concerné ? P.M. : Florent Dornier me remplace à la tête de la F.D.S.E.A.. Lui aussi était prêt à reprendre le flambeau. Le départ de Daniel Prieur libère aussi une place dans le collège des exploitants. Cette place revient à Émilien Claudepierre. Michel Jeannot devient quant à lui second vice-président de la Chambre d’agriculture. Càd :Quelquesmots sur votre exploi tation ? P.M. : J’ai 47 ans et je suis installé à Trévillers sur une ferme de 48 hectares avec 35 vaches laitières et 30 génisses. J’adhère à la coopérative des Fruitières loppement d’un réseau de distribution comprenant des magasins à Trévillers, Belfort, dans le Pays de Montbéliard et en Alsace. J’ai aussi un atelier porcin avec 1 200 places. Càd : À quand remonte votre enga gement dans le mouvement agri cole ? P.M. : J’ai commencé à 18 ans au sein des J.A. où j’ai progressivement pris des responsabilités au niveau cantonal, départemental pour exercer finalement pendant 4 ans en tant que vice-président national. J’ai poursuivi mon parcours au sein de la F.D.S.E.A. du Doubs. Je suis également impliqué dans la filière porcine en tant que président d’Interporc Franche-Comté et au niveau de la coo pérative Franche-Comté Élevage. Loca lement, je suis au conseil d’administration de la coop de Trévillers. Càd : Comment résumer lesmissions de la chambre d’agricultureDoubs Territoire de Belfort ? P.M. : Rappelons que la chambre d’agri culture est un organisme semi-public qui emploie une cinquantaine de salariés. Son fonctionnement repose sur la base d’un projet agricole et alimentaire inter départemental ayant pour objectif de répondre en priorité aux besoins ali mentaires des habitants du Doubs et du Territoire de Belfort. On est là pour soutenir les filières existantes et aussi réunies deTrévillers qui pro duit du comté, morbier, raclette et du gruyère. La particularité de cette coopé rative réside dans le déve

pour accompagner la diversification de l’offre agricole dans les deux départe ments. Il faut savoir accepter les risques inhérents à l’innovation car d’une manière ou d’une autre, cela permet de créer de la valeur ajoutée dans les exploi tations. La Chambre d’agriculture apporte aussi une aide financière, et des conseils aux structures collectives comme les coopératives. Càd : Avec la transition climatique, le foncier est sans doute l’un des enjeux essentiels de ces territoires. Comment gérer cetteproblématique ? P.M. : On sait que la pression foncière est très forte autour des villes, sur la bande frontalière.On doit conserver une politique d’accueil de nouveauxhabitants mais sortir du modèle 100 % pavillon naire. C’est possible en encourageant la mixité dans les formes d’habitat, en réhabilitant le bâti ancien. La chambre d’agriculture émet un avis sur chaque document d’urbanisme enmettant l’ac cent sur la préservation du foncier. On sera de plus en plus strict sur le sujet. On arrive à obtenir de bons résultats quand on a la possibilité de travailler en amont sur des projets qualitatifs. Cette démarche a été appliquée sur les anciens jardins de Cocagne à Besançon où l’on a pu structurer un espace pour favoriser l’installation de jeunes maraîchers. Quand il y a une transmission d’ex ploitation où une cessation d’activité, avec la S.A.F.E.R., on essaie de proposer les terrains libé rés. Càd : Comment la Chambre d'agri culture peut intervenir dans le renouvellement des générations ? P.M. : La politique d’installation est por tée par les J.A.On souhaite accompagner aumieux les candidats pour qu’ils réus sissent leur installation. Càd : Comment s’adapter à la tran sition climatique ? P.M. : La Chambre dispose d’un service dédié aux économies d’énergie sur les exploitations ou à la mise en place de solutions pour en produire. On est de plus en plus interrogé sur le bilan car bone. On peut effectuer des audits de consommation poste par poste pour défi nir ensuite des plans d’actions, proposer des équipements de production, de récu pération de chaleur : séchage en grange solaire, toitures en panneaux photovol taïques… On n’est pas contre les éoliennes car on veut éviter le dévelop pement des installations photovoltaïques en plein champ. On voudrait aussi que ces projets éoliens soient portés par des acteurs du territoire. L’augmentation du prix des énergies fossiles encourage les agriculteurs àadopter cette démarche. Ceux qui ne s’engagent pas auront for cémentmoins de résilience sur les coûts. On doit jouer un rôlemoteur sur la thé matique énergétique.

L’agriculteur de Trévillers cumule les postes à responsabilité que ce soit à la tête de la Chambre d’agriculture Doubs-Territoire de Belfort ou en présidant la coopérative Franche-Comté Élevage.

“On doit sortir du modèle 100 % pavillonnaire.”

P.M. : On va essayer de faire les choses bien, pour que notre agriculture soit encore plus vertueuse et résiliente dans 30 ou40ans. Il faut se poser les questions, ne pas se voiler la face. Càd : Autre “promotion” récente, vous venez de prendre la présidence de la coopérative Franche-Comté Élevage. C’est une lourde responsa bilité ? P.M. : Je succède ainsi àChristophe Jac quin. Florent Jacquemin-Verguet qui était directeur financier et administratif a pris la direction générale de F.C.E. en janvier dernier. Il succède à Philippe Pierrat parti en retraite. En quelques mots, cette coopérative qui compte 200 adhérents s’est d’abord concentrée sur la collecte d’animaux avant d’acquérir àBesançon etValdahondes outils d’abat tage et de transformation qui ont permis demieux valoriser les animaux et d’ap porter unemeilleure rémunération aux adhérents. On dispose également d’un réseau de distribution plus étoffé avec cinq centres répartis sur le Grand Est. La partie amont de la filière est bien en place.Nos efforts portent désormais sur la partie aval en gardant cet objectif de rester sur desmarchés viande spécialisés autour des signes de qualité. C’est là que le développement doit se faire si l’on veut rester compétitif. Le groupe Franche-Comté Élevage emploie 350 salariés. n Propos recueillis par F.C.

sent les quantités des fourrages, cer tains s’adaptent en réduisant le cheptel de génisses. Une bonne solu tion ? P.M. : Oui, cette stratégie tend à se déve lopper en se concentrant davantage sur les animaux productifs. Sur le volet éco nomique, laChambre d’agriculture essaie d’être en veille avec les interprofessions pour saisir toutes les opportunités qui permettront de garder de la valeur ajou tée sur nos territoires. Càd : Comment percevez-vous le phé nomène d’agribashing qui n’est pas forcément exacerbé dans le Doubs ? P.M. : Cela nous blesse car on est des tions en se mettant autour d’une table pour aboutir ensemble à un cadre d’in tervention satisfaisant. On voit aussi le succès des dimanches à la ferme, des comices.On est demandeur de dialogue. Je voudrais aussi rappeler que laCham bre d’agriculture s’occupe de la forêt avec un autre service dédié opérationnel sur le choix des essences, l’aménagement des chantiers forestiers, la problématique des scolytes, le plan de relance. Càd : Comment définir votre ambi tion à la tête de la Chambre d’agri culture ? passionnés mais il faut aussi entendre ça.Quand des gens se posent des questions, je les invite à venir nous voir.On a étémon tré du doigt avec le casse cailloux. On a trouvé des solu

Càd : Quid de la gestion de l’eau ? P.M. : On est des gros consommateurs d’eau avec l’abreuvement des bêtes, le nettoyage des ateliers, l’irrigation pour certains. On doit là aussi trouver des solutions pour réduire nos consomma tions, recycler l’eau, investir dans la réa lisation de citernes qui permettront d’al léger les prélèvements sur les réseaux d’eau publics. Càd :On sait la sensibilité dumilieu karstique à toutes sortes de pollu tions. L’agriculture est souvent poin tée du doigt. Votre point de vue sur ces questions liées à l’impact envi ronnemental ? menter les capacités de stockage et éviter les débordements de fosses. On a axé les efforts pour recréer de l’autonomie sur les exploitations en privilégiant le fumier ou le lisier. Conséquences : on a réduit par cinq ou six la consommation d’engrais sur le territoire.À la chambre d’agriculture, on préconise la mixité entre le fumier et le lisier qui ont des actions complémentaires. On se fixe comme objectif d’avoir lemoins d’impact possible par rapport aux milieux en sachant aussi que le changement cli matique agit sur la qualité de l’eau. Càd : Face aux sécheresses qui rédui P.M. : C’est aussi un sujet prio ritaire sur lequel on travaille depuis plus de 40 ans. Des actions ont été menées en pre mier sur les effluents d’élevage. Il s’agissait d’investir pour aug

“On est demandeur de dialogue.”

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