Journal C'est à dire 319 - Septembre 2025

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LE CAHIER HABITAT

“On assiste à une individualisation du logement” Sociologie de l’habitat

Existe-t-il plusieurs façons d’habiter ? Comment évoluent-elles ? Sophie Némoz est maître de confé rences en sociologie et anthropologie à l’Université Marie et Louis Pasteur de Besançon, spécialisée dans la sociologie de l’habitat. Elle apporte son éclairage sur l’évolution de l’habitat, étroitement liée à celle de la société et de la prise en compte de l’environnement.

mobiles. Les configurations habitantes se démultiplient. Càd : Cette pluralisation des façons d’habiter s’observe-t-elle partout ? Ou est-ce principalement en milieu urbain? S.N. : C’est valable aussi pour les milieux ruraux. Il n’y a pas un exode rural unilatéral, on voit aussi une dyna mique dans le sens inverse, avec un éloignement des centres-villes. Tous ces mouvements sont concomitants. Càd: Quel impact le changement climatique a-t-il sur les façons d’ha biter? S.N. : Je travaille également sur la question : comment les considérations environnementales influencent la manière d’habiter ? Je regarde les effets du changement climatique et les phé nomènes de catastrophe naturelle, notamment la sécheresse. Je travaille sur les phénomènes de fissuration qui touche l’habitat, ce qu’on appelle tech niquement le retrait-gonflement des sols argileux. On observe une accélé ration et une intensification des épisodes de sécheresse. Comment habiter avec les phénomènes de catastrophe natu relle? Un autre axe de ce travail sur les considérations environnementales concerne les aspirations des politiques publiques à être plus respectueuses de l’environnement en réduisant les pol lutions et les nuisances. Le bâtiment

C’ est à dire : Pouvez-vous en préambule expliquer exactement en quoi consiste la sociologie de l’habitat ? Sophie Némoz : La sociologie de l’ha bitat est un domaine assez ancien qui remonte à plusieurs siècles de travaux en sociologie et anthropologie sur cette question : dans quelle mesure l’habitat relie socialement? Les habitants, les professionnels du secteur, les politiques, etc. Comment dans nos sociétés l’habitat suscite des interactions ? La sociologie de l’habitat ne s’arrête pas aux murs matériels des constructions. On voit une territorialisation des groupes et des individus : comment ils façonnent et considèrent leur chez-soi. Càd: Peut-on parler de nouvelles façons d’habiter? S.N. : Il existe différentes façons socio culturelles d’habiter. Plutôt que de nou velles façons d’habiter, on parle de recomposition, c’est-à-dire un nouvel assemblage d’éléments qui préexistent. Par exemple, habiter sous le même toit sans forcément lien de parenté. Aupa ravant, on voyait des maisonnées, soit le fait de vivre ensemble bien qu’on ne

le vieillissement de nos sociétés, ce sont les associations, ces petites structures associatives ou privées qui mettent en relation des seniors pour des coloca tions. Càd: Pour autant, l’une des pro blématiques de l’habitat est l’écla tement des cellules familiales, avec des parents séparés, des familles monoparentales, etc. qui demande plus de logement… S.N. : On assiste effectivement à un fractionnement de l’habitat individuel. Le nombre d’unités habitantes n’a cessé d’augmenter et le nombre de personnes par habitant de diminuer. Il faut mettre en regard ce constat avec l’individua lisation de nos sociétés. Cette multi plication d’unités habitantes aiguise la demande de plus de logements construits. Mais la réglementation des politiques publiques a intégré des contraintes environnementales. À cela s’ajoute l’augmentation de la démogra phie. Plusieurs facteurs interagissent entre eux, ce qui conduit à des façons d’habiter qui se pluralisent. Avec l'in dividualisation du logement, il y a une diversité, il n’y a pas un seul schéma normé. Nos sociétés sont aussi plus

soit pas lié par l’alliance ou le sang. C’était souvent autour d’une unité de production. Une des tendances du XX ème siècle a été un habitat plus resserré autour de la famille nucléaire. La ten dance était : une unité habitante = une unité familiale. Mes travaux de recherche depuis plusieurs décennies montrent la formation de nouvelles maisonnées, avec par exemple le renou vellement de l’habitat intergénération nel depuis 2000, en Europe, début XXI ème siècle, sous l’effet de contraintes d’accès au logement, notamment pour les étu diants. Cette tension sur le marché du logement étudiant est un phénomène qui ne cesse de s’accentuer. Pour les personnes à la retraite, ce qui s’accentue, ce sont l’isolement et les contraintes économiques avec une augmentation du coût de la vie. Cet habitat intergé nérationnel leur permet de conserver un logement et surtout d’éviter la soli tude, de se retrouver seul dans des loge ments très grands et de différer l’ins tallation en maison de retraite. Une autre façon récente d’habiter est le coli ving, souvent pratiqué par des asso ciations ou des start-up qui proposent un espace locatif privatif dans un ensemble commun. Ce qui émerge avec

est un des secteurs les plus polluants. Les habitants ont aussi des aspirations avec des logements qui ne polluent pas, ne mettent pas en danger leur santé grâce à des matériaux biosourcés, etc. Il s’agit de voir comment réduire l’im pact que le fait d’habiter a sur l’envi ronnement. Je mène aussi un pro gramme de recherche sur la justice sociale, comment l’injonction à prendre en considération l’environnement peut être une source de droits et d’iniquités entre les groupes sociaux. La sociologie de l’habitat est un domaine toujours en mouvement, qui amène à poursuivre des recherches et à en engager d’autres. On est sur des pratiques qui sont tou jours en mouvement, peut-être même de plus en plus. n Propos recueillis par L.P. Sophie Némoz, maître de conférences en sociologie-anthropo logie à l’Université Marie et Louis Pasteur, est spécialisée entre autres en sociologie de l’habitat.

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