Journal C'est à dire 311 - Décembre 2024
DOSS I ER
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Audience correctionnelle
Une coupable indifférence à la souffrance animale
La deuxième affaire portée devant la cour du tribunal correctionnel ce vendredi 29 novembre relate un sordide cas de maltraitance animale. Quatre poneys, laissés à l’abandon, pataugeaient dans des excréments et mouraient de faim.
I ls étaient connus pour avoir promené des générations d’enfants dans le parc Micaud à Besançon. Les poneys de Micaud comme il était coutume de les appeler ont connu un sort peu enviable ces derniers mois. En mars dernier, à la suite d’un signalement à la S.P.A. de la maire d’Ouvans sur des chiens affamés errants dans le village, l’association découvre dans cette ferme un spectacle abominable. Quatre équidés pataugeaient dans plusieurs centimètres d’excréments et témoignaient d’une extrême maigreur. Trois autres poneys Ce jour, au tribunal, c’est donc le gardien de ces animaux, à la ferme, et la propriétaire des ani maux qui étaient jugés. En pre mier lieu, le renvoi demandé par la prévenue, au titre que son avocate ne pouvait être pré sente a été rejeté. La prévenue déroule ensuite un récit où la misère, financière, sociale, affec tive, n’est jamais loin. Des embrouilles avec son ex-belle n’ont pas survécu, leurs restes dissémi nés sur le terrain par des chiens, affamés eux aussi.
famille, l’incapacité qu’elle a de garder ses animaux pour son activité de mini-ferme, ses poneys qu’elle ne peut pas tous les garder dans sa pâture, des personnes malveillantes, selon elle, coupaient sa clôture pour qu’ils s’échappent. Alors la pré venue conclut un accord sans contrepartie avec celui qui deviendra le gardien de ces poneys dans sa ferme. “Pourquoi ne pas les vendre ?” , interroge le président De Lauriston. “J’ai essayé, personne n’en a voulu, ce sont des animaux d’une dizaine d’années qui n'intéres saient personne. J’ai fait “Vous dites que vous aimez vos animaux, mais vous n’allez pas les voir pendant plusieurs mois, je m’interroge.” “Je n’ai pas de voiture, pas d’argent, j’ai trois enfants à charge, je vais aux Restos du Cœur pour me nourrir, c’est difficile pour moi, répond elle des sanglots dans la voix. Mes animaux, c’était toute ma vie, j’ai dû tout abandonner.” De son côté, le deuxième pré confiance à A., je lui ai demandé de m’aider, il a volontiers accepté, je n’aurais pas dû.” Le président relève :
Les poneys ont été retrouvés en mars dernier dans une ferme d’Ouvans dans un état proche de la mort (photo S.P.A.).
Dans une misère sociale et financière.
ressources des prévenus, des peines d’amendes différenciées. 2 900 euros pour le gardien, technicien de maintenance jus tifiant d’un salaire, 1 915 euros pour la propriétaire au R.S.A. qui a à charge trois enfants Le verdict sera rendu le 20 décem bre. Épilogue de ce désastre en matière de protection animale, les quatre poneys survivants ont été confiés à l’association Canima. n L.P.
laquelle ne peut répondre le pro cureur Maillard-Salin : “J’en tends les demandes des parties civiles mais je ne peux pas au regard de la loi requérir des peines complémentaires.” Il pour suit : “Ces animaux étaient clai rement à l’article de la mort ou déjà morts, dans un état de dénu trition tel que le corps s’auto consomme, comme s’il se man geait lui-même” , précise-t-il pour marquer les esprits. Le ministère public requiert, au vu de la gravité des faits et des
dot, Association Stéphane Lamart et la Fondation 30 mil lions d’amis). L’avocate de la Fondation 30 millions d’amis souligne que “la situation de fragilité sociale n’excuse pas les maltraitances sur animaux, ce sont des comportements insou ciants et irresponsables.” Le conseil de la S.P.A. va même plus loin et souhaite que les pré venus aient une interdiction à vie de détenir des animaux et d’exercer une profession en lien avec les animaux. Demandes à
venu, dans un baragouinement souvent inaudible, tente de jus tifier le manque de soins, lui qui n’habitait pas sur place. “Je pas sais donner à manger, mais pas suffisamment apparemment. C’est dramatique d’en arriver là.” Pour son avocat Maître Bon not, son client “s’est complète ment fait avoir.” Cette indifférence à la souffrance animale indigne les cinq asso ciations de protection animale, portées parties civiles (S.P.A., Canima, Fondation Brigitte Bar
Pôle régional de l’environnement “Le premier enjeu est d’arriver à réparer les atteintes”
mel. Pour les atteintes à l’environnement, il y a 19 mesures ainsi que la réparation des préjudices : l’amende de composition, un stage de citoyenneté avec une asso ciation pour une sensibilisation à l’en vironnement, des travaux non rému nérés pour la réparation du dommage par exemple. Ce sont des mesures alter natives qu’on utilise assez largement. Ensuite, il y a la C.J.I.P. (convention judiciaire d’intérêt public). Celle-ci peut être appliquée seulement pour des contentieux de l’environnement, de l’éco nomie, du financier. C’est plus confiden tiel, la société incriminée s’engage dans une voie plus conciliante. Et formelle ment, cela évite une déclaration de cul pabilité. Le Parquet s’occupe de l’en semble des négociations, tout reste à la main du Parquet. Un magistrat de siège valide seulement la C.J.I.P. avec les deux parties. Que ce soit la composition pénale ou la C.J.I.P., l’objectif est d’arriver à la remise en état du milieu, d’une manière ou d’une autre. Le premier enjeu du P.R.E. est d’arriver à réparer les atteintes. Les peines encourues peuvent être des amendes mais un certain nombre de délits sont passibles de peines d’empri sonnement. Càd : Que représente le contentieux envi ronnemental par rapport aux autres
Depuis septembre dernier, le substitut du procureur Lucas Maillard Salin a remplacé Claire Keller comme référent du Pôle régional de l’environnement (P.R.E.) au tribunal judiciaire de Besançon. Aux côtés d’Anouk Rozzi, assistante spécialisée, il a siégé à sa première audience dédiée aux atteintes de l’environnement.
C’ est à dire : Quelle est la dif férence entre une audience dédiée aux atteintes environ nementales et une audience de droit commun ? Lucas Maillard-Salin : Les affaires se situent entre le contentieux classique du droit commun et les contentieux dits techniques. Le raisonnement n’est pas toujours le même, les débats sont plus techniques, il y a l’appréciation du droit en lui-même. Et s’ajoute le droit admi nistratif de l’environnement. On est au carrefour du droit administratif et du droit pénal. Càd : Anouk Rozzi, vous êtes arrivée au sein du P.R.E. il y a un peu plus d’un an comme assistante spécialisée. Quel est votre rôle ? Anouk Rozzi : J’assiste le magistrat du parquet, je prépare le dossier, j’aide à la décision, s’il y a une alternative aux poursuites, laquelle, etc. J’ai aussi la fonction d’animation du réseau en lien avec les substituts des autres parquets,
les associations qui peuvent se porter partie civile L.M.-S. : C’est un renfort bienvenu. Elle est la mémoire du P.R.E. Elle assure une permanence dans le suivi des dos siers. Le principe du P.R.E. est que chaque parquet de compétence territo riale a chasse gardée sur son son ressort. Mais pour une délinquance environne mentale qui nécessite une spécialisation, sur les dossiers les plus complexes, les plus techniques, je peux prendre l’as cendant. À la demande des autres par quets où je décide de demander le trans fert de certains dossiers. Càd : Vous parlez d’alternatives aux poursuites. Quelles sont-elles ? L.M.-S. : À une extrémité, il y a le clas sement sans suite ou le classement sous conditions, c’est-à-dire que l’on demande aux gens de faire quelque chose. À l’autre extrémité, il y a les poursuites. Entre les deux, il y a les alternatives. On a la composition pénale qui est comme le classement sous conditions, en plus for
Lucas Maillard Salin, référent du Pôle régional de l’environne ment, et Anouk Rozzi,
assistante spécialisée au P.R.E.
contentieux ? A.R. : Il représente environ 1,5 % des contentieux globaux. Au P.R.E., nous avons une soixantaine de dossiers en cours. L.M.-S. : En comparaison, pour un par quetier, en France, en moyenne, c’est 2 000 procès-verbaux de manière géné rale. Surtout, l’intérêt du P.R.E. est qu’il n’est pas lié aux contingences politiques.
Le Parquet ne sera pas dissuadé d’aller regarder vers le tissu économique local, on est libre de toutes les contingences politiques locales. Le P.R.E. a adopté une démarche volontariste, nous sommes un des P.R.E. les plus dynamiques de France. À l’avenir, l’orientation du P.R.E. mettra l’accent sur la qualité des eaux et les constructions illégales. n Propos recueillis par L.P.
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