Journal C'est à dire 309 - Octobre 2024

DOSS I ER

22

“Dans le secteur de la maison individuelle, on sent un début de frémissement” Construction

À la tête d’une des principales entreprises de construction de la région (240 salariés), Patrick De Giorgi analyse le marché régional avec un brin d’optimisme dans un contexte où de plus petites entreprises traversent de grosses difficultés. Interview.

P.D.G. : Notre carnet de commandes dans le gros œuvre est plein pour une année et nous avons environ 8 à 10 mois de visibilité, ce qui est plutôt bien dans le contexte. Ce qui fait que sur les six premiers mois de 2025, nous sommes à peu près tranquilles. Et même dans le secteur de la maison individuelle, on sent un début de frémissement sur la centaine de lots que nous avons en cours. Càd : Qu’attendez-vous des mesures de relance annoncées par le nouveau gou vernement ? P.D.G. : L’annonce faite par le gouver nement sur l’extension du prêt à taux

C’ e st à dire: Comment se porte le marché du gros œuvre dans la région ? Patrick De Giorgi : Sur les secteurs où nous travaillons beaucoup comme Besançon, Dijon, Vesoul, Montbéliard ou encore le Jura, le gros œuvre n’est pas forcément très impacté par les dif ficultés actuelles dans le secteur du bâtiment. Parce qu’il y a toujours des projets lancés par les collectivités locales ou les bailleurs sociaux, des donneurs d’ordres pour lesquels nous travaillons beaucoup. Je nuancerais le propos pour le Haut-Doubs où il n’y a plus de gros chantiers pour le moment. Pour nos activités gros œuvre, on a même dû embaucher ces derniers mois, nous sommes passés de 200 à 230 salariés. Nous sommes une entreprise de taille moyenne. Je sais aussi que certaines petites entreprises de maçonnerie ont beaucoup souffert ces derniers mois et qu’en même temps, les grands groupes comme Bouygues, Eiffage ou Vinci ont leurs carnets de commandes pleins. C’est donc un constat nuancé pour l’en semble de la profession. Càd: Le moral est donc au beau fixe dans toutes vos activités ? P.D.G. : Alors non. Le marché de la mai son individuelle en revanche s’est com

plètement effondré. Le volume d’affaires a fondu en deux ans. Il représente seu lement 10 % de notre activité, donc nous pouvons le compenser aisément avec notre activité dans le gros œuvre. Mais globalement, ce marché de la maison individuelle est toujours en berne. Nous sentons tout de même un léger frémis sement depuis quelques semaines. Il a suffi que les taux d’intérêt baissent un

zéro peut être très intéres sante surtout si elle n’est pas limitée aux primo-accé dants. Càd : Vous augmentez aussi votre rayon géographique d’action pour assurer un maintien de votre crois

peu pour que les futurs acqué reurs réapparaissent. Il a fallu quelques facteurs pour que le marché de la maison individuelle dévisse: le fameux taux d’usure des banques il y a un peu plus d’un an, et la hausse des prix des matériaux.

Patrick De Giorgi, P.D.G. de l’entreprise éponyme dont le siège est à Pontarlier.

“Sur les six premiers mois de 2025, nous sommes à peu près tranquilles.”

P.D.G. : Nous avions repris il y a quelques années l’entreprise Invernizzi de La Clude-et-Mijoux avec une tren taine de salariés. L’an dernier, nous avons racheté l’entreprise de T.P. Mesnier ainsi que l’entreprise Jeannin à Censeau (terrassement et carrières), ce qui nous a ouvert les portes du Jura, et l’entre prise de maçonnerie Vieille à Levier (spécialisée dans les bâtiments agricoles). Ce rachat d’entreprise, c’est aussi une façon différente de maintenir de l’emploi et de diversifier nos savoir-faire. n

Haut-Doubs ? P.D.G. : Au chapitre de la maison indi viduelle, on a plusieurs projets de lotis sements. Un à Doubs avec 25 lots, un autre aux Longevilles-Mont-d’Or avec une quinzaine de lots, un autre d’une quinzaine de lots également à La Lon geville dans le Saugeais. On attend un permis de construire à Pontarlier avec une vingtaine de lots à la clé, et nous avons encore un autre projet à Migno villard dans le Jura voisin. Càd : Vous poursuivez votre croissance externe ?

sance ? P.D.G. : Nous rayonnons à une centaine de kilomètres autour de Besançon. Nous sommes déjà allés du côté de Reims, mais il y a déjà beaucoup de choses à faire dans la région. Nous sommes en train de faire une tour de 10 étages à Quétigny près de Dijon. Notre activité poursuit sa croissance, notre chiffre d’affaires continue à augmenter tous les ans. Il est désormais à 60 millions d’euros.

Càd : Vous avez également une activité “promotion”. Comment se porte-t-elle ? P.D.G. : La promotion représente envi ron 15 % de notre chiffre d’affaires. C’est une activité qui se maintient à peu près bien même si elle a enregistré une baisse. En promotion, on a beaucoup de clients qui ont la chance de ne pas avoir à emprunter car ce sont des gens qui ven dent leur maison pour venir en appar tement. Donc la question des taux ban caires a peu d’impact pour eux. Càd: Quelle visibilité avez-vous?

Propos recueillis par J.-F.H.

Càd: Quels sont vos projets dans le

Les constructeurs réclament “un vrai coup de boost” Maisons individuelles

“I l y a urgence à soigner le mal !” exhorte Lio nel Jacquet, le porte parole des construc teurs de maisons individuelles en tant que vice-président du pôle régional Habitat à la Fédé ration Française du Bâtiment (F.F.B.). Sur le plan national, le marché de la maison indivi duelle s’est effondré, passant de 120 000 maisons construites il y a une quinzaine d’années à 55 000 cette année. Inflation, hausse des taux, renforcement des normes de construction, rareté du foncier, exigences ban caires ou encore amorce du Zéro artificialisation nette (le fameux Z.A.N.) expliquent cette dégrin golade. “À l’échelle nationale, un tiers des constructeurs de maisons individuelles ont dis paru depuis 2022, dont certains gros faiseurs” ajoute Lionel Jac quet. Exemples : le groupe Géoxia, propriétaire des Maisons Phénix, liquidé en 2022, ou encore le groupe Avenir basé à Valence, fait également partie de ces victimes de la crise, contraintes à mettre la clé sous la porte. À l’échelle de la région, le constat n’est guère plus réjouissant. Les

les constructeurs de maisons individuelles misent notam ment, comme c’est le cas de Lio nel Jacquet avec sa société Haut Doubs Créer Bâtir, sur des opérations menées sur des ter rains maîtrisés, c’est-à-dire dont ils deviennent propriétaires, avec des plus petits projets cor respondant à une nouvelle demande d’accédants qui sou haitent être propriétaires, mais ares, au lieu de faire une seule maison comme avant, on en fait trois, et on arrive à proposer des prix très corrects pour des mai sons à haute performance éner gétique” illustre le professionnel. C’est ainsi qu’il mène actuelle ment ce genre de projets à Pier refontaine-les-Varans, Les Combes, La Chaux, Maîche ou encore Morteau (le Sauron). Et pour continuer à communiquer efficacement, il organise dans ses nouveaux locaux du Bas-de la-Chaux un salon “Construire en 2025” à destination des par ticuliers, les 7, 8 et 9 novembre. n J.-F.H. d’une petite sur face, sans avoir la contrainte de l’en tretien d’un grand terrain. “Sur 10

Après plus d’un an de marasme, les constructeurs de maisons individuelles attendent désormais des mesures pour relancer le secteur qui a littéralement dévissé.

commercialisations de maisons individuelles ont chuté de 26,5 % en un an (après une baisse encore plus forte en 2023), les autorisations de chantiers accu sent, elles, un nouveau recul de 16,1 %. “On sent un léger redé marrage, avec un petit + 0,1 % de ventes depuis cet été, mais pour confirmer cette tendance, on a besoin d’un vrai coup de boost” réclame le vice-président au niveau national.” Parmi les motifs d’espoir de la profession, qui restent à confirmer, il y a ce projet d’extension du prêt à taux zéro à l’ensemble du territoire national et non plus seulement aux zones considérées comme tendues. La légère baisse des taux et le comportement des banques qui communiquent à nouveau sur les prêts immobi liers jouent dans ce début de reprise. Avec la baisse d’activité ressentie depuis plus d’un an, les sous-traitants auraient éga lement tendance à baisser un peu leurs prix. Pour tirer leur épingle du jeu, du pôle Habitat qui dit sentir, “enfin, une prise de conscience et une mobilisation

Les commercialisations de maisons ont chuté de 26,5 %.

Vice-président du pôle Habitat à la F.F.B., Lionel Jacquet est à la tête de la société Haut-Doubs Créer Bâtir.

Made with FlippingBook Ebook Creator