Journal C'est à dire 292 - Mars 2023
ÉCONOM I E
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Installés depuis près de 4 ans dans le G.A.E.C. Les Azurés, Juliette et Nicolas Lecatre adaptent leurs méthodes de travail afin de dégager le moins de gaz à effet de serre possible. Quatre principaux leviers sont utilisés pour arriver - presque - à la neutralité carbone sans pour autant impacter la viabilité de la ferme. Vernierfontaine Réduire ses émissions de carbone, l’exemple du G.A.E.C. Les Azurés
200 mètres de haies ont été nouvellement plantés. Les haies ainsi que les prairies permanentes favorisent
S ur le papier, l’équation est plutôt simple : de faibles émis sions de gaz à effet de serre compensées à 65 % par des pièges à carbone, en l’occur rence ici les haies et les prairies per manentes. Cela aboutit à seulement 0,32 kg équivalent CO2 par litre de lait produit au G.A.E.C. Les Azurés. Soit presque la neutralité carbone. Mais pour arriver à ce résultat, le couple de paysans, Nicolas et Juliette Lecatre ne ménagent pas leurs efforts. Face à l’étable du G.A.E.C. Les Azurés - qui tire son nom du petit papillon aux nuances bleutées - la haie nouvellement plantée montre encore de frêles pousses. Il faudra attendre quelques années pour admirer des beaux végétaux feuil lus. Reste que ces 200 mètres nouvel lement plantés viennent complètement les 44 km de haies que compte le G.A.E.C., servant de pièges à carbone. Soutenue par la F.N.E. (France nature Environnement), cette plantation compte 13 essences différentes (charme, érable champêtre, sorbier des ciseleurs, noisetier, etc.), labellisées végétal local. Des élèves en C.A.P. jardinerie-paysa
dans dix ans. On se donne des contraintes qu’on n’est pas obligé d’avoir aujourd’hui. Mais on essaie d’anticiper, d’être prêts pour la situation dans dix ans” , explique le couple. Prenant en compte le contexte pédo climatique, utilisant des prairies per manentes, n’ayant pas recours ni aux engrais minéraux ni aux terres labou rées et ne réalisant pas de cultures céréalières, le G.A.E.C. produit entre 2002 et 2003 litres de lait par hectare. “On se donne 7-8 ans pour voir si on arrive avec uniquement nos engrais de ferme à faire pâturer nos vaches, à nourrir le troupeau avec le foin produit sur nos parcelles” , reprend Nicolas. L’été dernier, malgré une sécheresse importante, le G.A.E.C. n’a pas eu à racheter de foin, juste un peu de paille pour les génisses. La limitation du nombre de vaches - 36 à eux deux - en dessous de ce qu’au torise le cahier des charges du comté, leur permet d’octroyer 1 100 kg d’ali ments par vaches (400 kg pour les génisses). En comparaison, le cahier des charges du comté, déjà restrictif, autorise jusqu’à 1 800 kg d’aliments
giste du lycée Saint-Joseph des Fon tenelles ont participé au chantier. “Sous les haies, l’herbe sèche moins vite. L’été, les vaches aiment s’y coucher en des sous” , relève Nicolas. “Et puis, cela favo rise la biodiversité” , ajoute Juliette. Planter des haies est l’un des leviers que le couple de paysans utilise pour atténuer autant que possible leurs émissions de gaz à effet de serre. Après avoir repris la ferme en 2019 à Gérard et Nicole Guyot, partis en retraite, le couple élève 36 vaches laitières pour le comté sur 90 hectares de prairies permanentes, c’est-à-dire non labourées. “Quand on retourne un sol, le système de bactérie est relancé et cela dégage, entre autres, du carbone et du nitrate” , illustre Nicolas, auparavant ingénieur agronome spécialisé dans la gestion des prairies et des études du sol à la Chambre d’agriculture. À 38 et 36 ans, Nicolas et Juliette sont très sensibilisés au réchauffement cli matique. “On essaie d’atténuer du mieux qu’on peut mais aucun système n’est parfait. On sait que dans 10 ans, on devra traire 30 % en moins. On s’adapte dès maintenant au monde qu’on aura
le stockage de carbone.
par bête. “On sait que les plus grosses entrées de carbone, ce sont les aliments” , observe Nicolas. “Tout est calculé, on fait au plus juste. On produit entre 230 000 et 250 000 litres de lait par an, transformés en comté à la fruitière de Vernierfontaine alors que le quota est fixé à 300 000 litres par an” , relève Juliette Ces mesures contribuant à une sobriété du système de production sont renfor cées par une bonne gestion des épan dages de purin, moins riche en azote que le lisier, à une consommation d’eau réduite, environ 2 000 m 3 par an. “Nous travaillons avec une étable entravée, il suffit de 200 litres pour laver le système” , poursuit l’éleveur. Tout le foin et la paille, environ 1 tonne par jour, sont donnés à la fourche. “Tout est fait à la main car l’automatisation des process contribue aux gaz à effet de serre” , souligne Nicolas. Conséquence, le G.A.E.C. utilise aussi très peu de
fioul, à peine 1 700 litres à l’année. “Pour l’instant, on s’en sort bien, la ferme est viable, on arrive à se tirer un salaire honnête. On se donne les moyens pour que ça marche. Après, si ça ne marche pas, on rachètera s’il faut un peu d’engrais minéral. Mais ça doit rester une solution tampon pour ne pas mettre en péril la viabilité de la ferme” , précisent Juliette et Nicolas. Adhérents à la Confédération paysanne, Nicolas faisant d’ailleurs partie du bureau départemental, ils ont participé à l’étude du syndicat Clim’A.O.P. Jura en partenariat avec Interbio Franche Comté. Le but de celle-ci est d’identifier les pratiques les plus vertueuses pour le climat et l’environnement sur les fermes laitières de l’A.O.P. tout en rédui sant leurs émissions de gaz à effet de serre. Libre ensuite à chacun de s’em parer de ces outils pour changer ou améliorer sa façon de produire. n L.P.
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