Journal C'est à dire 292 - Mars 2023

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“On est bien loin de l’imaginaire d’une justice laxiste” Le procureur de la République Étienne Manteaux commente l’évolution des chiffres de la délinquance dans notre département avec un fait marquant : les procédures en matière de trafics de stupéfiants. Le procureur de la République

C’ est à dire : Les chiffres de la délinquance sont toujours délicats à manier et le public a par fois du mal à s’y fier. Com ment les interpréter le plus justement ? Étienne Manteaux : C’est vrai, car il existe ce qu’on appelle les “chiffres gris” de la délinquance. C’est la différence entre le nom bre de faits dénoncés et jugés, et les faits commis. Ces chiffres gris, en matière de cambriolages par exemple, sont très faibles

familiales ont augmenté de plus de 43 %. Comment l’ex pliquez-vous ? É.M. : La société d’aujourd’hui n’est plus la même que celle d’il y a 25 ans et sans doute que la libération de la parole explique, en partie, l’explosion du nombre de faits. Càd : Les cambriolages, eux, sont en baisse de 30 %, alors que le sentiment d’insécurité semble être au plus haut ? É.M. : C’est un bon exemple du ressenti d’une bonne partie de

la population qui est intimement convain cue que la délin quance explose, ou même qu’on cacherait les vrais chiffres ! La baisse sensible des cambriolages est pour

parce qu’un cambrio lage, pour être reconnu et comptabi lisé doit faire systé matiquement l’objet d’un dépôt de plainte. Pour d’autres faits, comme les violences

“Ce qui explose, ce sont les procédures

de trafics de stupéfiants.”

tant une réalité.

conjugales par exemple, ces chif fres gris sont sans doute plus élevés que les chiffres recensés. Càd : Ces violences conju gales et plus largement intra

Càd : Comment faut-il ana lyser les chiffres concernant les atteintes aux personnes ? É.M. : De manière nuancée là

Le procureur de la République Étienne Manteaux estime que la police et la gendarmerie traitent les affaires “de façon plus diligente qu’avant” dit-il.

c’est tant mieux, ce qui est très négatif, c’est la forte augmen tation du nombre d’accidents corporels : + 25 % en 2022 par rapport à 2019. Il y a eu un réel relâchement sur la route avec, toujours en causes principales, la vitesse et l’alcool. Càd : L’activité judiciaire a t-elle sensiblement augmenté en 2022 ? É.M. : Énormément. En 2018, 300 personnes avaient été défé rées au Parquet après une mesure de garde à vue. En 2022, ce nombre est monté à 750, soit 2,5 fois plus ! Ces chiffres tra duisent très clairement la qualité du travail effectué dans ce dépar tement par la police et la gen darmerie qui élucident beaucoup plus d’affaires car celles-ci sont traitées de façon beaucoup plus diligente. Un autre facteur d’ex plication, c’est le nombre d’élu cidations réalisées en matière de stupéfiants. Càd : Vous réfutez donc tout procès en laxisme ? É.M. : Au regard de ces chiffres, en effet, on est bien loin de l’ima ginaire d’une justice laxiste qui laisserait tout le monde en liberté. À la maison d’arrêt de Besançon, on dénombre actuel lement 420 détenus, alors que le nombre de cellules indivi duelles est de 220 seulement. On subit ici une surpopulation carcérale très inquiétante. n Propos recueillis par J.-F.H.

de la consommation. On dit que les jeunes ont subi plusieurs types de souffrance avec le confi nement, l’angoisse du réchauf fement climatique ou d’une société qui fait moins rêver. Tout cela les aurait incités à augmen ter la consommation de stupé fiants, mais il est difficile d’avoir des données précises sur ce point. Càd : L’augmentation des affaires liées aux stupéfiants montre aussi que c’est devenu une priorité dans ce dépar tement ? É.M. : Les chiffres montrent en effet très bien la hausse des pro cédures. En 2018, rien que dans le quartier de Planoise, on dénombrait 32 places de deal. Aujourd’hui, elles sont entre 8

encore. Les vols à la tire, à l’ar raché, les violences crapuleuses sont en baisse dans notre dépar tement, mais ce qui augmente justement dans cette catégorie des atteintes aux personnes, ce sont les violences intrafamiliales. Les hommes ne sont pas forcé ment plus violents qu’avant, mais toute la différence, c’est que les femmes déposent beau coup plus plainte et que les ser vices de police et de gendarmerie reçoivent les femmes battues de manière beaucoup plus quali tative qu’avant. Càd : Globalement, on ne peut donc pas parler d’une explo sion de la délinquance dans notre département ? É.M. : L’évolution des chiffres

et C’est-à-dire, Pre Publipres

de deux hors série annuel. esse Bisontine, Presse P sse éditeur des journaux mensuels l.

Pontissalienne mensuels

et 14, dont 3 très actives. Et, les points presse que j’organise trop souvent le mon trent, on assiste aussi à une forte augmen tation des règlements de compte sur fond de

ne traduit pas en effet une explosion de la délinquance. En revanche, ce qui explose, ce sont les procédures de trafics de stupéfiants parce que les trafics sont par

“On subit une surpopulation carcérale très inquiétante.”

trafic. Après une baisse en 2021, ces faits ont repris de façon tra gique en 2022 à Besançon. Càd : Un commentaire sur la délinquance routière ? É.M. : Avec 25 morts sur les routes du département en 2022, on est proche du chiffre le plus bas de 2020 (24 décès), et on est bien loin de la centaine de morts par an qu’on déplorait dans les années soixante-dix. Si les chif fres des décès ont bien baissé et

nature des I.R.A.S., ces fameuses infractions révélées par l’action des services. Si on ne va pas chercher ces infractions liées aux stupéfiants, personne évi demment n’ira porter plainte. En général, les consommateurs n’iront jamais dénoncer une place de deal ! Ce dont on manque en matière de statis tiques liées aux stupéfiants, ce sont les données épidémiolo giques pour savoir si on assiste vraiment à une augmentation

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