Journal C'est à dire 277 - Novembre 2021

D O S S I E R

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Agriculture

“On sent poindre une vraie inquiétude chez les éleveurs du Haut-Doubs”

“On sent poindre une

vraie inquiétude chez les éleveurs du Haut- Doubs”, constate Pierre-Henry Pagnier, agriculteur à Chaux-Neuve très investi dans le développement du pastoralisme sur le massif jurassien.

Agriculteur à Chaux-Neuve, Pierre-Henry Pagnier préside l’Association Régionale de Développement Agricole et Rural du Massif du Jura, chargée entre autres de mener une politique de soutien vis-à-vis du pastoralisme. Il est forcément attentif à l’arrivée du loup et aux conséquences induites chez les cheptels ovins et surtout bovins du Haut-Doubs. Entretien.

P.-H.P. : Oui, et cela s’explique par les particularités des alpages jurassiens qui sont très boisés et cloisonnés. On y trouve majo- ritairement des élevages bovins, même s’il ne faut pas négliger quelques exploitations ovines qui ont toute leur place dans le paysage agricole. On travaille donc sur des petits allotements où il est très difficile demélanger des veaux et des génisses car les uns comme les autres ont des besoins différents, ce qui implique un suivi spécifique. C’est comme si onmélangeait desmaternelles et des primaires dans unemême classe. Cette séparation, c’est aussi un risque supplémentaire qui complique la mise en place des mesures préventives. Càd : Certains préconisent l’usage des chiens de protec- tion des troupeaux, les fameux Patous. Qu’en pen- sez-vous ? P.-H.P. : Je ne suis pas sûr que cela soit compatible avec le tou- risme grandeur nature plutôt estival qui fait l’attrait du Jura. Cela posera un vrai problème de cohabitation.

C’ est à dire : A quand remonte la dernière attaque du loup sur le secteur ? Pierre-Henry Pagnier : Une attaque sur moutons a eu lieu à Chaux-Neuve au printemps dernier. Càd : Aucun bovin n’a donc été attaqué par le loup dans le Haut-Doubs ? P.-H.P. : Pas pour l’instant,mais aujourd’hui la problématique loup s’étend sur tout le massif. Avec l’installation assez rapide de deux meutes en frontière franco-suisse, on sait que dura- blement, ils sont là. On redoute, bien sûr qu’ils s’attaquent à des bovins comme ils l’ont fait côté suisse sur le massif du Mont Tendre.

P.-H.P. : On sent poindre une vraie inquiétude chez les éleveurs du Haut-Doubs qui sont très attachés à leurs bêtes. On vit dans une région de passionnés d’élevage où la moindre perte dépasse le cadre purement agri- cole et économique.

suggèrent aussi l’idée de regrouper chaque nuit les veaux de plusieurs alpages dans des grands enclos clô- turés. P.-H.P. : Avec le morcellement du prébois, cette solution me semble elle aussi complexe à mettre en œuvre. Je ne suis pas

prévention. Pour l’instant, ce n’est qu’une application à l’étude. Ce sera à chaque chambre dépar- tementale d’agriculture d’investir ou pas dans la réalisation de l’ou- til auquel je suis très favorable. Càd : Des raisons donc d’être inquiets ? P.-H.P. : Tout dépendra de l’évo- lution des populations de loups sur le massif jurassien. En France, le nombre de loups a pro- gressé de 8 % en 2021. Il ne faut pas oublier de se mettre à la place des éleveurs. Tôt ou tard, je pense qu’il faudra se poser la question du statut du loup aujourd’hui protégé par la Convention de Berne. On constate aujourd’hui que c’est une espèce en voie de colonisa- tion. n Propos recueillis par F.C.

Càd : Cela peut-il remettre en cause le travail effectué en faveur du pastoralisme ? P.-H.P. : C’est trop tôt pour le dire. La politique de soutien vis- à-vis du pastoralisme a évolué et les risques de déprise agricole sur ces espaces sont plus limités aujourd’hui. Avec le réchauffe- ment climatique, les alpages attirent de nouveau les éleveurs. Aujourd’hui, dès qu’un alpage se libère, il trouve vite preneur. Les mesures s’articulent davan- tage sur la problématique de l’eau. Càd : En Suisse, les attaques de loup concernaient surtout des veaux qui sont isolés des génisses. Les éleveurs fran- çais procèdent-ils de façon identique ? Si oui, pourquoi cette séparation ?

Càd : Difficile donc de faire de la préven- tion ? P.-H.P. : Il y a quand même des choses qui me semblent efficaces. J’ai présenté au comité

convaincu de l’intérêt environnemental de ces concentrations. Son mon alpage, je pourrais rentrer les veaux assez facilement mais c’est loin d’être aussi évident

“Il faudra se poser la question

du statut du loup.”

départemental Grands Préda- teurs l’application “Maploup” qui permet de cartographier les attaques de loups et d’en infor- mer les éleveurs avec des don- nées sous contrôle de la D.D.T. Ce projet a été développé sur l’arc alpin en vue de faire de la

à l’échelle du massif. Je ne suis pas opposé à l’adaptation mais elle a aussi ses limites. Càd : Comment lemonde pay- san perçoit l’arrivée du loup et ces récentes attaques sur bovins ?

Càd : Les autorités suisses

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