Journal C'est à dire 276 - Octobre 2021

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“C’est fini le temps où l’on attendait que les gens viennent à nous” Prêtre

Responsable du doyenné du Pays Horloger, le prêtre Michel Jeanpierre qui a également en charge la paroisse de Morteau revient sur l’évolution des pratiques religieuses, l’exercice au quotidien de son sacerdoce, la crise des vocations, sans ignorer les révélations fracassantes du rapport de la C.I.A.S.E.

de tradition chrétienne familiale. On le devine à travers la demande des jeunes couples qui viennent baptiser leur enfant. Les mariages religieux déclinent contrairement aux enterrements dont le nombre reste stable. Il y a très peu d’enterrements civils. L’église représente encore un vrai lieu d’évangélisation avec une parole d’espérance et de réconfort. On a aussi des équipes d’accompagnement dans le deuil. Càd : L’actualité de l’Église, c’est bien sûr la publication du rapport Sauvé. Qu’est-ce que cela vous inspire ? M.J. : Dans toutes les églises de France, une messe a été dite avant et après la sortie de ce rap- port. L’évêque a écrit une lettre qu’on diffuse à tous les chrétiens. Je suis en train de lire les 45 recommandations du rapport pour mieux aider les victimes et prévenir ces crimes. Càd : Êtes-vous surpris par l’ampleur des faits dénon- cés ? M.J. : Je ne suis pas étonné. On

“L’église n’a toujours pas fait le deuil d’avant” analyse le père Michel Jeanpierre, responsable du doyenné du Haut-Doubs Horloger.

C’ e st à dire : La tra- dition du Haut- Doubs catholique reste-t-elle tou- jours d’actualité ? Michel Jeanpierre : C’est aujourd’hui une fausse image qui ne correspond plus à la réa- lité. Ici aussi il y a un phénomène d’érosion de la pratique reli- gieuse. La vie d’une paroisse telle qu’on la concevait autrefois a beaucoup évolué. Une page se tourne mais d’autres réseaux se mettent en place. Càd : Lesquels ? M.J. : Dans l’organisation du doyenné, cela rentre dans le cadre des Mouvements et services.

cute-t-elle au niveau des dons à l’Église ? M.J. : Sur l’année 2019-2020, la recette liée au denier du culte a progressé de 9 %. Càd : Quel territoire recouvre le doyenné ? Combien de prê- tres exercent leur office ? Com- ment définir le rôle dudoyen ? M.J. : Le doyenné duHaut-Doubs englobe les paroisses deMorteau, du plateau du Russey et du pla- teau de Maîche.Trois prêtres et un vicaire interviennent sur ce territoire. On sollicite aussi deux prêtres en retraite qui nous don- nent des coups de main. Si je voulais décriremon rôle, je dirais que le doyen est en charge de

favoriser la proximité avec des petites entités que nous appelons les communautés de base. Je reste persuadé que l’Église n’a toujours pas fait le deuil d’avant. Plus elle sera humble, plus l’on se rapprochera de l’Évangile. Elle doit être à l’écoute des rythmes de vie contemporains et pour être capable de proposer un nouveau schéma d’évangéli- sation. Càd : Cela induit-il d’être pré- sent sur les réseaux sociaux ? M.J. : C’est une question de géné- rations, de culture. On voit que les jeunes catholiques commu- niquent eux aussi beaucoup par ce biais-là. Cette évolution qui n’est pas sans risque peut aussi faire l’objet de réflexions. Càd : Comment parvenez-vous à surmonter la crise des voca-

Avant l’organisation des funé- railles, ce sont les prêtres de la paroisse - Michel Jeanpierre, Sylvain Herrgott, Gaby Rognon - qui vont rencontrer les familles. L’organisation de la célébration est gérée par les bénévoles :mise en place des fleurs, allumage du chauffage de l’église, linge… C’est un travail de l’ombre “qui nous paraît indispensable” ajou- tent les deux équipiers. Jean, parce qu’il habite non loin de l’église, vient sonner les cloches lors d’un décès dans la commune, écrit le tableau des chants avant la célébration. La chorale est gérée par une autre équipe ainsi que la catéchèse. Tout ceci est bien rodé mais cela n’empêche pas les bénévoles de s’interroger pour l’avenir. Qui pour les rem- placer ? Toutes les bonnes âmes sont les bienvenues. n des critiques virulentes ? M.J. : Non jusqu’à présent il n’y a pas eu de réactions vives des paroissiens. On en parle beau- coup et on attend beaucoup de la Conférence des évêques et des décisions qui seront prises notamment sur la question de la rétribution des victimes. Càd : Le maintien du dia- logue est essentiel ? M.J. : Oui. Suite à l’affaire de Lyon qui mettait en cause le rôle de l’Église dans la protection d’un prêtre auteur d’agressions sexuelles sur mineur, on avait organisé, en partenariat avec l’association “Cré’Acteurs de liens”, une soirée d’échange autour de la projection du film “Grâce à Dieu”. La salle était bondée. Chacun avait pu s’ex- primer, ce qui a donné lieu à un débat très apaisant. Celamontre l’intérêt de libérer la parole, l’im- portance du dialogue, la force du débat et le devoir d’agir en res- ponsabilité et ensemble. n Propos recueillis par F.C.

tutelle. Lui en a une, comme sa collègue. “C’est bien beau de se dire chrétien, résume Geneviève. Mais si on ne fait qu’aller à la messe et on ne fait rien pour l’Église, cela ne sert pas à grand- chose. J’ai donc accepté cette mis- sion…même si la première fois où j’ai dû organiser une cérémo- nie, j’étais stressée” dit-elle. Se retrouver face à la mort et à la peine des familles n’est jamais facile. L’équipe a appris à com- poser, à prendre le recul néces- saire, à écouter : “On est dans le rapport humain, on voit des cas terribles comme des décès chez les jeunes.On est en première ligne pour écouter et consoler. Certaines personnes ne veulent pas de célébrations, cela arrive, alors on s’efface. On essaie d’être là avec le cœur et de ne pas être envahissant” explique Jean. c’était nécessaire. La vérité rend libre dit Saint-Paul. Càd : Comment gérer l’après ? M.J. : Cela suppose de rester vigilant car il y aura toujours des prédateurs. Il faut briser l’omerta, le silence car, comme l’a dit la commission, on a laissé les victimes sur le bord de la route. La formation des jeunes prêtres prend davantage en compte ces risques.On leur parle d’affectivité, du rapport au pou- voir, de la sexualité. Càd : Pensez-vous que le mariage des prêtres pourrait mettre un terme à ces dérives ? M.J. : Cela n’a rien à voir. Per- sonnellement, je n’aurais pas envie de remettre en cause ma promesse de célibat. Je ne pense pas que cela réglerait le pro- blème. Je pense que c’est une question d’engagement. De ne jours, l’idée même de s’engager pour toujours fait peur. Càd : Les révélations du rap- port ont-elles donné lieu à

l’animation spirituelle et paroissiale. Dans le doyenné du Pays Horloger, c’est une particularité, l’ensei- gnement du caté- chisme est confié aux parents. Comme dans

Même si les jeunes ne vont plus forcément à lamesse, ils peuvent se rencontrer, vivre leur foi chrétienne autrement, à l’aumô- nerie du lycée, dans les réseaux ados.C’est

“Plus l’Église sera humble, plus l’on se rapprochera de l’Évangile.”

tions dans la prêtrise ? M.J. : Je crois qu’il y a entre sept et huit jeunes séminaristes actuelle- ment en formation dans le diocèse. Il y a moins de prêtres, moins de

a aussi connaissance de prêtres locaux qui ont été condamnés. J’espère qu’il y aura un avant et un après.

“Ce sont 40 victimes de trop !”

toutes les associations, on peine toujours à recruter des béné- voles. Càd : C’est lamême chose chez les paroissiens ? M.J. : Évidemment, ils repré- sentent aujourd’hui une popu- lation vieillissante. Les jeunes manifestent leur fidélité de façon plus épisodique. Ils répondent néanmoins présents quand on a besoin d’eux. Les paroisses deviennent de plus en plus grandes, d’où l’importance de

fini le temps où l’on attendait que les gens viennent à nous, c’est à nous de faire l’effort de rapprochement. C’est très com- pliqué par exemple de joindre le monde des frontaliers car ils sont absents une grande partie de la journée. Sur une zone frontalière comme la nôtre, l’opulence du niveau de vie masque aussi de la misère qui nécessite des actions de solidarité, d’accom- pagnement.

Càd : Le rapport mentionne 40 cas à l’échelle du diocèse de Besançon sur une période de 70 ans. Qu’en pensez-vous ? M.J. : Ce sont 40 cas de trop ! À l’échelle du diocèse, cela repré- sente 3 % des prêtres coupables. N’oublions pas les 97 % inno- cents. C’est beaucoup de tristesse en étant néanmoins heureux que la vérité soit faite. Je trouve que

croyants et de plus en plus de laïcs bénévoles. On délègue, on délègue. J’ai une équipe de coor- dination pastorale avec Cathe- rine la déléguée pastorale pour m’aider à gérer la paroisse. Càd : Il ne reste donc plus de traces de ce Haut-Doubs empreint de catholicisme ? M.J. : Il subsiste encore un fond

Càd : Cette opulence se réper-

Les laïcs, clef de voûte de l’église Villers-le-Lac

C’est un travail de l’ombre ô combien important réalisé par ces bénévoles catholiques. Rencontre avec l’équipe “funérailles” de Villers-le-Lac chargée de célébrer les enterrements.

A ider les familles dans la peine. Voilà com- ment Geneviève et Jean résument leur mission confiée par l’archevêque au sein de l’église de Villers-le- Lac. Ils font partie d’une équipe

le Haut-Doubs. Désormais, voir des laïcs organiser des funé- railles ne choque plus personne. “Attention, prévient Jean Bour- geois, ce n’est pas une messe que nous organisons, ni un sacre- ment, mais une célébration” dit

celui qui a accepté d’ap- porter son aide pour combler le déficit de prêtres. Face au sous-effectif des curés, le diocèse a mis

composée de cinq per- sonnes chargée d’orga- niser les funérailles. L’un d’eux, Michel, a déjà réalisé plus de 300 obsèques depuis ses

“On se dit chrétien, et après ?”

en place au début des années 2000 des formations à destina- tion des laïcs pour célébrer les funérailles. C’est une lettre de mission confiée par l’organe de

débuts, il y a environ dix ans. Il y a encore une vingtaine d’an- nées, il paraissait inconcevable qu’un enterrement ne puisse être célébré par un prêtre dans

Les laïcs sont devenus le bras droit du prêtre comme ici à l’église de Villers-le-Lac.

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