Journal C'est à dire 276 - Octobre 2021

D O S S I E R

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L’ÉGLISE DU HAUT-DOUBS EN PLEIN QUESTIONNEMENT

Pour la première fois depuis que les enquêtes d’opinion existent, le nombre de croyants déclarés serait désormais inférieur au nombre de ceux qui ne croient pas en Dieu. Le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (C.I.A.S.E.) paru récemment arrive comme une nouvelle déflagration pour la hiérarchie catholique. Parallèlement, la vie de l’Eglise continue à se réorganiser autour des laïcs qui prennent de plus en plus d’important dans l’organisation du culte. Dans un Haut-Doubs traditionnellement très imprégné de religion, cette actualité bousculée ne laisse pas indifférents les cadres de l’Église, comme les fidèles. L’Église se question légitimement sur son avenir. Qu’en est-il ici en terre tradition- nellement catholique ?

Histoire

Le Haut-Doubs est-elle encore une terre de cathos ? Rempart au protestantisme, centre de formation des curés, le Haut-Doubs fut une frontière religieuse avant d’être une frontière géographique. Jean-Michel Blanchot, historien spécialiste du catholicisme, narre quelques anecdotes croustillantes à l’heure où un Français sur deux dit ne plus croire en Dieu.

E n 1892 à Maîche, un instituteur de Maîche défraie la chronique… parce qu’il achète du saucisson un vendredi, jour du Seigneur.Un crime pour l’époque dans un Haut-Doubs viscérale- ment attaché à sa religion, une époque pas si lointaine où des

nottes, aux Cerneux-Péquignot… , serait une grave erreur. Alors qu’un Français sur deux dit ne plus croire enDieu (sondage Ifop réalisé en août dernier), “nos” ancêtres haut-doubiens doivent se retourner dans leur tombe, eux les dévots de la première heure.

alors rattachés au diocèse de Besançon, deviennent la terre “qui doit résister au protestan- tisme dans la dorsale catholique allant de la Lorraine à l’Italie du nord” explique le professeur. Cette dorsale est caractérisée par la vigueur de son catholi- cisme, l’implantation de certains ordres religieux comme les minimes à Montlebon (1626) ou Consolation (1690), la force de son art religieux, les nombreuses statues dédiées à la vierge, bref d’un catholicisme offensif, de combat. “Ce catholicisme de réac- tion a façonné les esprits. Il explique pourquoi jusqu’au XX ème siècle notre territoire a formé des centaines de prêtres ou de mis- sionnaires dont certains ont mar- qué leur temps pour leur érudi- tion à l’image de l’abbé Richard, de l’abbé Loy, des prêtres mis- sionnaires Théodore Cuenot (Le

Le Maîchois Jean-Michel Blanchot, historien, finalise une thèse sur “la dévotion à Notre- Dame des Ermites dans les terres de catholicité de l’Est de la France (XVII ème -XIX ème siècle)”.

habitants de Charque- mont sont condamnés pour fréquenter des protestants suisses ou encore ce prêtre de Morteau tué par un

À écouter l’historien Jean-Michel Blanchot, spécialiste du catholi- cisme pour notre sec- teur du Pays Horloger, le chapelet d’églises ou

Le Val de Morteau, dorsale du catholicisme.

prêtres. Une vitalité religieuse plus forte parmi des popula- tions de tradition musulmane ou protestante évangélique implantées dans les grandes agglomérations : les grandes villes sont devenues les pre- miers foyers de la pratique, indexée sur la croyance. Voilà bien longtemps que le “Haut- Doubs catho” n’est plus en mode “combat”. Des repères demeu- rent comme La Toussaint, célé- brée le 1 er novembre. n E.Ch.

se rendre à Rome. En 2021, églises et chapelles du Haut-Doubs résonnent un peu plus creux. Selon le sondage de l’Ifop, on trouve davantage de croyants dans l’agglomération parisienne (60 %) que dans les communes rurales (46 %). Une pratique catholique désormais plus dynamique dans les cen- tres-villes, auprès de catégories sociales plutôt favorisées, que dans des zones rurales qui pâtis- sent davantage de la pénurie de

Bélieu) parti en Cochinchine ou encore de Dominique Parrenin (Le Russey) qui vécut dans la cour de l’Empereur de Chine” détaille Jean-Michel Blanchot. C’est cette dévotion conquérante qui conduisit les gens de Mont- de-Laval (1858) à pèleriner jusqu’à Einsiedeln (canton de Schwyz) pour demander un miracle à la Vierge noire. Tout comme ces 200 pèlerins qui ont quitté Le Russey à la première moitié du XVIII ème siècle pour

fidèle (au XVI ème siècle) parce que retrouvé en flagrant délit d’adultère dans le lit marital de ce dernier. Dans la carte postale de nos montagnes composée de sapins et de montbéliardes, oublier les nombreuses églises ou chapelles s’étirant de Cornabey, aux Bas- sots, en passant par les Fonte-

de chapelles s’étirant tout au long de la frontière n’a rien d’un hasard. C’est ici, au début de l’époquemoderne que la frontière géographique devient une fron- tière religieuse. Alors que la réforme s’étend définitivement à Montbéliard (1538) et en Suisse, Saint-Hippolyte,Maîche, Le Russey et le Val de Morteau,

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