Journal C'est à dire 272 - Mai 2021
D O S S I E R
“Je perds 50 000 euros par an, mais je n’ai aucun regret” Témoignage
Dominique Vauthier a refusé l’offre d’Abowind d’engager ses terres pour accueillir au moins cinq éoliennes à Bon- nétage. L’agriculteur à la retraite explique son choix.
il dit ? Dominique Vauthier : Le res- ponsable du projet m’a rendu visite à plusieurs reprises. Je peux vous dire que c’est un excel- lent commercial. Il m’a expliqué que mes parcelles de terrain étaient bien situées, qu’elles pou- vaient accueillir au moins cinq éoliennes. Au premier rendez- vous, je me disais que l’éolien, c’était très bien car depuis chez moi, j’aperçois celles qui tournent en Suisse. Mais très vite, cela a créé des litiges dans notre propre famille. Càd : Que s’est-il passé ? D.V. : Ma belle-fille m’a alerté sur certains dangers des éoliennes dont je n’étais pas au courant. Je lui ai répondu que l’on pouvait avoir au moins 5 éoliennes sur nos terrains, soit
mercial m’a précisé qu’il fallait provisionner 50 000 euros pour le démantèlement futur, cela m’a convaincu de ne pas signer car c’est loin du prix. Si c’était si bien, pourquoi le promoteur n’achète-t-il pas directement le
50 000 euros par an quoiqu’il advienne pendant 25 ans ! Vous savez, j’ai connu avec ma femme les difficultés dumétier au début de notre activité à la ferme : je me disais que pour l’avenir de nos enfants et petits-enfants, c’était une bonne chose. D.V. : J’ai beaucoup réfléchi. Toucher 10 000 euros par an et par éolienne sans rien faire m’a paru bizarre.Abowind est revenu plusieurs fois à la charge pour me faire signer une promesse de bail. Lorsqu’on vous dit que les éoliennes seront installées là où ça vous arrange dans votre champ, cela m’a semblé encore plus louche. Enfin, quand le com- Càd : Alors, pour- quoi avoir fait marche arrière ?
dignité. J’ai eu la chance d’être soutenu par mon fermier qui n’a pas souhaité donner suite à l’of- fre d’Abowind. Certains se sont peut-être dépêchés de signer en se disant “j’aurai au moins une éolienne sur mon terrain” et maintenant ils regrettent. Càd : En voulez-vous à votre commune ? D.V. : Qu’ils reconnaissent leurs erreurs. Les Fontenelles ont refusé par exemple. En tant qu’ancien président de la coo- pérative de Bonnétage, je mets en garde car trois coopératives fromagères sont touchées : Bon- nétage, les Cerneux-Monnot, et Les Fontenelles. Si une coop venait à perdre un producteur, elle coulerait avec toutes les conséquences que cela induit. n Propos recueillis par E.Ch.
C’ est-à-dire : Au printemps 2019, vous avez été sol- licité par le pro-
moteur Abowind. Il avait repéré vos parcelles de terre situées sur le Village Haut de Bonnétage. Que vous a-t-
terrain au lieu de le louer à prix d’or ? Car 10 000 euros par an pour quelques ares, c’est un meilleur ren- dement qu’un loge-
“J’ai beaucoup réfléchi, ça m’a paru louche.”
ment à Paris et c’est le seul domaine où le locataire peut bâtir sur le terrain d’autrui ! Càd : Regrettez-vous sachant que d’autres de vos collègues agriculteurs ont accepté ? D.V. : Je n’ai aucun regret. Dans cette histoire, je suis le seul à avoir perdu 50 000 euros par an sur 25 ans mais je garde ma
“Je suis navrée de voir que l’éolien déchire les communautés villageoises” Loi
La députée de la Vème circonscription du Doubs Annie Genevard a reçu les partisans et les opposants au projet d’éoliennes du Crêt des Ours.
qui sont tentés - dans un contexte de raré- faction de l’argent public - de développer l’éolien. Néanmoins, ce type de sujet suscite des questionnements et de la réserve. Càd : Jusqu’à présent, votre circons- cription est vierge de toute éolienne. N’est-ce pas contradictoire de vouloir en installer alors que le Parc naturel régional du Doubs Horloger est en constitution ? A.G. : Quand la charte paysagère a été élaborée, la question “éolienne” ne se posait pas. Le Parc peut donner son avis. n Propos recueillis par E.Ch.
Dominique Vauthier, agriculteur retraité à Bonnétage, est le premier à avoir dit non au promoteur.
C’ est à dire : L’association la Colère des Ours puis des élus des communes concer- nées par le projet ont demandé à vous rencontrer. Que leur avez-vous dit ? Annie Genevard : Mon mandat de par- lementaire ne me permet pas de dire aux élus ce qu’il faut faire ou non. Le sujet est sensible car tous les élus ne sont pas d’ac- cord entre eux. Je ne peux donc pas prendre position contrairement à Jougne où je défends les élus qui s’opposent à un projet éolien qui se réalise en Suisse. Partout, les projets éoliens font débat. Cela me navre de voir que cela déchire des com- munautés villa- geoises. Càd : Faut-il donc faire évoluer la loi en la matière et imposer un recul des aérogénérateurs à plus de 500 mètres des habitations ? A.G. : Chez Les Républicains, nous nous intéressons au développement de l’éolien que le président de la République veut multiplier par deux dans les années à venir. J’ai cosigné plusieurs amendements pour demander l’éloignement des éoliennes des habitations. La proposition de loi dépo- sée par mon collègue JulienAubert (député du Vaucluse) propose de fixer un seuil de 1 500 mètres d’éloignement pour toutes les éoliennes dont la taille, pales comprises, est égale ou supérieure à 180 mètres, ce qui correspond aux dernières générations d’éoliennes, et de conserver le seuil de 500 mètres pour les éoliennes inférieures à 180 mètres de hauteur. Càd : Quelle est votre position sur cette énergie renouvelable ? “Des amendements pour demander l’éloignement.”
A.G. : Elle pose question sachant que l’éner- gie produite est intermittente et la pro- duction faible. Il faut mesurer les bénéfices et les risques lorsque l’on sait les impacts sur la nature avec les injections de béton dans le sol, l’impact sur le paysage, sur la faune et éventuellement sur la ressource en eau. Le député Julien Aubert a produit un rapport parlementaire dans lequel il évoque notamment les questions finan- cières. Je ne jette pas la pierre aux élus
“Si on revient sur notre première délibération, on n’avance plus” Rosureux Au creux de la vallée du Dessoubre, le village de Rosureux a lui aussi son mot à dire sur les éoliennes. Le précédent conseil avait voté “pour” les études faisabilité. L’actuel semble sur la même longueur d’onde.
C omme beaucoup d’élus du secteur, Christophe Boillon demande de ne pas “remettre de l’huile sur le feu” au sujet des éoliennes. Vœu pieux.Ce n’est pas la presse qui souffle sur les braises mais bien les habitants qui cherchent des réponses. Le maire de ce vil- lage traversé par le Dessoubre il. Une minorité est contre et comme je le répète souvent, nous sommes bien heureux une fois chez nous de pouvoir appuyer sur un bouton pour obtenir de l’électricité. Il faut savoir par- tager les nuisances” juge le pre- mier édile. Rosureux dont la particularité est de posséder une grande superficie s’étalant de 400 ne semble pas avoir à faire à davantage de remous que cela. “Les gens sont majoritai- rement favorables, dit-
mètres à 900 mètres d’altitude peut prétendre recevoir des éoliennes sur son terrain com- munal. Lors de la précédente mandature, Christophe Boillon était déjà maire. Son conseil s’était déclaré favorable à l’étude de faisabilité, moins une abs- tention.Aujourd’hui, quelle est la position de l’élu ? Elle n’a pas suivante, on n’avance plus. C’est le rôle d’un conseil municipal de poursuivre. C’est une suite logique.” Le village de Rosureux sera - visuellement - moins impacté que Bonnétage. Toutefois, les éoliennes pourraient créer un phénomène de surplomb très important au-dessus de cette bourgade. n changé. Lemaire s’ex- plique : “Si on prend une délibération une année pour en repren- dre une autre l’année
“Une majorité d’habitants sont favorables.”
La députée du Doubs Annie Genevard milite pour une évolution de la loi.
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