Journal C'est à dire 250 - janvier 2019

D O S S I E R

“Garder le silence est la pire des choses ” Mère de famille confrontée aux problèmes de har- cèlement dont sa fille a été victime, Patricia est aujour- d’hui représentante de parents d’élèves dans un éta- blissement du Haut-Doubs où les questions de harcèlement reviennent fréquemment. Témoignage

C’ est à dire : Votre fille a subi le harcèle- ment ? Patricia : Oui, au collège, par- ce qu’elle était un peu forte. Ce harcèlement a commencé dès son entrée en 6ème. Elle subis- sait les remarques répétées de jeunes de sa classe et ça s’est terminé par une période inquié- tante d’anorexie. On a frôlé l’hos- pitalisation. Au début, nous ne l’avions pas remarqué, elle disait juste qu’elle n’avait pas faim. Puis l’anorexie s’est installée.

parce qu’il était roux ! Il nous en a parlé tout de suite et on a contacté immédiatement la direction de l’établissement ain- si que les parents, ce qui a per- mis de régler rapidement la situation. Là où ça tourne mal, c’est quand les gens n’en par- lent pas. Moi-même, plus peti- te, j’avais été harcelée parce que j’avais des taches de rousseur. Mais à l’époque, personne ne traitait ces questions de harcè- lement. Le harcèlement peut aussi prendre aussi d’autres formes. conseil de discipline parce qu’il commet des violences systé- matiques à tous les autres élèves de sa classe. C’est également du harcèlement. Le lycée a donc mis en place un conseil de clas- se ouvert à tous les élèves pour que chacun puisse venir s’ex- primer. Toute la classe a été concernée et aucun élève n’avait de réponse appropriée. Quand ils rendaient les coups, l’autre tapait encore plus fort. Le lycée a convoqué le jeune et ses Càd : Par exemple ? P. : Un élève d’une clas- se de Seconde profes- sionnelle est sur le point de passer en

Le harcèlement scolaire revêt différentes formes.

Aujourd’hui, elle s’en est sortie mais elle tra- verse toujours des petites périodes de déprime à cause de cet épisode qui nous a marqués. Elle n’aime plus en parler.

“Harcelé juste parce qu’il est roux !”

groupe. La situation s’est dénouée grâce au psychologue scolaire qui est intervenu. Les infirmiers scolaires voient aus- si régulièrement des jeunes venir les voir et parfois tomber dans les pommes, tout simplement c’est parce qu’ils n’ont rien man- gé. Les standards de la beau- té aujourd’hui poussent cer- taines filles à ne pas manger. Ce n’est pas du harcèlement proprement dit mais ça y res- semble car c’est une conséquence des pressions sociales actuelles. Dans certains établissements

scolaires, on décide de mettre en place des élèves-sentinelles chargés de venir parler de tous ces problèmes qu’ils pourraient être amenés à détecter. C’est une excellente initiative. La parole, qui doit venir des jeunes, est un impératif pour régler toutes ces situations délicates. Mais il est également nécessaire que les harceleurs puissent se faire entendre car eux aussi ont forcément un mal-être à expri- mer et à régler. n Propos recueillis par J.-F.H.

parents. Là, on a affaire à du lourd, avec une famille confron- tée à de gros problèmes. Il faut systématiquement qu’il y ait des faits très concrets pour en arriver à convoquer les parents. Là évidemment, il y en avait. Càd : Quelle attitude adop- ter quand un jeune se trou- ve confronté à une situation de harcèlement ? P. : Le principal conseil, c’est d’en parler le plus rapidement possible. Déjà à sa famille, et à l’établissement car au sein des

établissements il y a des per- sonnes qui savent très bien gérer ce genre d’histoires. Dans les questions de harcèlement, le silence est la chose la pire. Càd : La pression des élèves sur d’autres élèves est par- fois forte ? P. : Oui, et elle peut revêtir dif- férents aspects. J’ai connu aus- si le cas d’une petite élève blon- de à qui tout réussissait. Elle était très belle et brillante en classe. Par jalousie, elle a été prise en grippe par un autre

Càd : Et en tant que déléguée de parents d’élèves, vous avez affaire régulièrement à des problèmes de harcèlement ? P. : Cette question revient assez fréquemment. Il y a une vraie réalité du harcèlement et nous sommes parfois confrontés à des témoignages très durs. J’ai l’exemple récent d’un élève qui était harcelé par un groupe de jeunes dans sa classe tout ça

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Comment agissent les établissements du Haut-Doubs ? Afin de lutter contre le phénomène de harcèlement, chacun a sa méthode en plus des outils que l’académie leur met à disposi- tion. Tour d’horizon de quelques établissements du secteur.

et l’autre en 2018 pour une affiche. “Tous ces supports ont été réalisés entiè- rement par les élèves de 4 ème avec l’ap- pui de leurs professeurs. Ils postulent à nouveau cette année pour une créa- tion d’affiche. Ce genre d’initiatives fait vraiment avancer la cause” note Séve- rine Devaux, la C.P.E. de René-Perrot. Initié en 2013 par le ministère, le Prix “Non au harcèlement” permet aux

n Lycée Edgar-Faure de Morteau :

ge scolaire se réunit une fois par semai- ne réunissant l’assistance sociale, le C.P.E., le psychologue de l’Éducation nationale, la direction. “C’est au sein

Sophie Labre, proviseure du lycée mor- tuacien a fait de ce sujet une de ses priorités. “Nous avons fait une inter- vention dans toutes les classes de secon- de l’an dernier par des personnes for- mées. Cette année, nous avons mis en place “un maillage” dans l’optique de ne pas laisser une situation s’installer. Chaque classe est suivie par un pro- fesseur principal, un assistant d’édu- cation, un C.P.E., un infirmier et un personnel de direction. Cela nous per- met de repérer assez vite un élève en mal-être et de gérer immédiatement avec la famille. Le lycée Edgar-Faure connaît comme tous les établissements scolaires des cas de harcèlement mais aucun ne dure et tous sont rapidement stoppés par des sanctions et des inter- ventions de médiation dans les groupes. Un numéro vert est aussi tou- jours inscrit sur les écrans d’infor- mation du lycée” commente Sophie Labre.

élèves de prendre collecti- vement la parole pour s’ex- primer sur le harcèlement à travers la création d’une affiche ou d’une vidéo qui servira de support de com- munication pour le projet qu’ils souhaitent mener dans

de cette instance que l’on reçoit les auteurs et les vic- times quand le cas se pré- sente et la plupart du temps, les choses s’arrange rapide- ment suite à cette réunion” note le principal. Par ailleurs, chaque année en janvier,

“L’année 2018 pourrait s’inscrire dans la continuité de ce rebond.”

leur établissement.

l’équipe mobile de sécurité du rectorat vient au collège de Maîche pour une présentation désormais essentielle- ment ciblée sur le cyber-harcèlement. Le collège Mont-Miroir reçoit égale- ment régulièrement le théâtre-forum animé par la Compagnie des Chimères de Pontarlier. Dans ce petit collège en milieu rural, la question du harcèlement est pré- sente comme partout ailleurs, mais l’avantage, c’est de pouvoir régler les problèmes très vite car les élèves sont peu nombreux et l’ambiance plutôt familiale. Ce qui n’empêche pas de prendre le problème très au sérieux. Pour preuve, les deux prix académiques obtenus, l’un en 2017 pour une vidéo n Collège René-Perrot du Russey :

n Collège Jean-Claude Bouquet de Morteau et Villers-le-Lac :

Murielle Faivre, principale du collège Bouquet.

ment et enfin en 3 ème , la brigade d’in- tervention de la délinquance juvénile d’Étupes vient faire une intervention auprès des élèves. Cette question de la sensibilisation aux questions de har- cèlement est une vraie priorité pour nous également. Il ne doit plus y avoir aucun tabou autour de ce sujet” affir- me la principale Murielle Faivre.

sent et les cas de harcèlement restent rares et les conflits se règlent relati- vement vite, par un système de média- tion.” Jeanne-d’Arc emploie depuis plu- sieurs années un autre moyen effica- ce avec des élèves de 3 ème qui sont par- rains des élèves de 6 ème . Ainsi, “s’il y a eu un problème à l’arrête de bus, je le sais dès le lendemain. Quand un 6 ème a un problème, il va voir son 3 ème et ce système fonctionne très bien” note Yoann Chatot. C’est seulement si la médiation ne fonctionne pas que le col- lège convoque alors les parents. “Cela arrive de temps en temps.” n J.-F.H.

Au collège Jean-Claude Bouquet (700 élèves sur le site de Morteau, 200 à Villers-le-Lac), on traite la question du harcèlement à tous les niveaux, de la 6 ème à la 3 ème . “En 6 ème , c’est une action de sensibilisation fait en lien avec le centre médico-social de Morteau sur la base de fils et de petis clips, ce qui per- met d’entamer une première réflexion sur le sujet. En 5 ème , c’est une action de théâtre-forum avec la Compagnie des Chimères, en lien avec le C.C.A.S., sui- vie d’un debriefing avec tous les élèves. En 4 ème , c’est l’action “Paroles en tête” avec Rés-ado qui est proposée, où il est notamment question du cyber-harcèle-

n Collège Jeanne-d’Arc de Morteau :

n Collège Mont-Miroir de Maîche :

Le harcèlement touche également les plus petits établissements comme le collège Jeanne-d’Arc à Morteau (360 élèves) même si, reconnaît Yoann Cha- tot le C.P.E., “tous les enfants se connais-

Pour Thierry Finck, il est toujours dif- ficile d’appréhender le harcèlement. Dans l’établissement qu’il dirige, un G.P.D.S., comme Groupe de décrocha-

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