Journal C'est à dire 211 - Juin 2015

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É C O N O M I E

“Nous avons créé les conditions du développement” La société Clavière Charcuterie de Dole vient d’être rache- tée par le groupe Jean-Louis Amiotte - Morteau Sau- cisse (Arcado). Son président, Richard Paget, fixe le cap du groupe leader sur le marché de la production de saucisse de Morteau et de Montbéliard. Agroalimentaire

il annonciateur d’une diver- sification de la production ? R.P. : Pour garantir la pérenni- té d’une entreprise de charcu- terie en Franche-Comté face aux mastodontes bretons de l’agroalimentaire notamment, il faut s’appuyer sur des produits de terroir différenciés. Notre cœur de métier est en effet la fabrication de saucisses de Mor- teau et de saucisses de Mont- béliard. Cependant, avec Cla- vière, s’ajoute un autre produit différenciant, qui n’a pas d’identification géographique protégée. Il s’agit du jambon per- sillé de Bourgogne qui repré- sente 18 % de l’activité de cet- te entreprise. Mon objectif est de développer ce produit en cher- chant à y intéresser des marques distributeurs. Càd : Vous fabriquez une grande partie des 4 870 tonnes de saucisse de Morteau pro- duites chaque année et des 4 372 tonnes de saucisse de Montbéliard. Le marché de croissance exceptionnels. Nous sommes plutôt dans la démarche de créer de la valeur ajoutée à partir de ces produits. Par exemple, il y a une diversifica- tion possible de la saucisse de Morteau pour qu’elle devienne un produit de snacking. C’est une tendance forte dans les habi- tudes de consommation et nous pouvons surfer sur cette vague. À l’inverse, je crois aussi beau- coup au reflux, le contre-courant de cette mode du prêt-à-manger. C’est l’idée du repas entre amis. La saucisse de Morteau est typi- quement un produit convivial, facile à cuisiner, que l’on par- tage. Il a une histoire et un lien ses deux produits régionaux a-t-il encore une réser- ve de croissance ? R.P. : Nous n’avons pas des objectifs de

avec le terroir. C’est notre voca- tion de développer notre savoir- faire et l’authenticité de ce pro- duit. Notre légitimité est de pro- duire de la saucisse de Morteau et de Montbéliard en respectant la différenciation. Càd : Ces produits du terroir s’exportent-ils ? R.P. : Le problème pour un pro- duit comme la saucisse de Mor- teau est que sa valeur perçue en dehors de la France est inférieure à sa valeur réelle. L’histoire, la tradition, le lien au terroir, ne parlent pas aux Allemands ou aux Espagnols. Nous avons ten- té d’aller chercher les consom- mateurs allemands en partici- pant à des salons. En vain. Désor- mais, je suis confronté à une pro- blématique d’arbitrage de moyens. Je préfère me concen- trer sur le développement du marché français plutôt que de tenter une percée à l’export. Càd : Avec le rachat de Cla- vière, êtes-vous plus fort pour indispensable à la grande dis- tribution. Nous devons donc offrir à nos clients distributeurs un produit de qualité au juste prix. Le fait de se regrouper avec l’entreprise Clavière et d’atteindre ainsi une certaine taille va nous permettre de répondre instantanément aux opérations commerciales de nos clients. La saucisse de Morteau est un produit très différenciant. Pour être dans l’excellence, il faut être un “pure player”, ce qui consis- te à se concentrer sur un pro- duit et sur sa qualité. Pour être dans l’excellence, il faut tout contrôler. C’est ce que nous fai- négocier avec la grande distribu- tion ? R.P. : On fabrique un produit de terroir qui finalement n’est pas

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C’ est à dire : Vous venez de racheter l’entreprise Cla- vière Charcuterie de Dole. Dans quel contexte a eu lieu cette transaction ? Richard Paget : L’entreprise Clavière Charcuterie ne corres- pondait plus à la stratégie du groupe Savencia (ex-Bongrain) auquel elle appartenait. Elle n’avait plus sa place dans une structure régionale familiale tel- le que la nôtre et dont le cœur d’activité est le produit régional. Comme nous, la société Claviè- re est positionnée sur ce marché de niche. Nous avons engagé un dialogue constructif avec cette entreprise. Nous sommes tom- bés d’accord sur le fait que nous sommes dans un contexte où il faut consolider la filière pour maintenir des emplois et être en capacité de répondre aux attentes de la grande distribution en termes d’offre et de prix. Nous avons racheté 100 % des titres de cette entreprise après plus d’une année de discussion. Càd : L’entreprise Clavière va-t-elle conserver son indé- pendance ou devenir une uni- té de production pour Amiot- te ? R.P. : Nos sociétés restent indé- pendantes. Clavière Charcute- rie conserve sa direction géné- rale et sa structure commercia- le et marketing. Càd : Quel est l’intérêt d’une telle organisation ? R.P. : Cette séparation garantit une dynamique sur le marché. Des consommateurs sont atta-

chés aux produits Clavière, au goût Clavière, à ses recettes, com- me d’autres sont attachés aux produits Amiotte et Morteau Saucisse. Nous nous devons de conserver nos différences par rapport aux consommateurs. Càd : Quel est le poids éco- nomique de vos deux entre- prises réunies ? R.P. : Clavière réalise 20 mil- lions d’euros de chiffre d’affaires. Il est de 42 millions d’euros pour Amiotte et Morteau Saucisse. Le chiffre d’affaires global du grou- pe sera donc de 62 millions d’euros avec un effectif d’environ 300 personnes dont 120 chez Cla- vière. Càd : Les salariés redoutent toujours des suppressions d’emplois lorsqu’une entre- prise est vendue. Doivent-ils s’attendre à une restructu- ration dans le cadre du rachat de Clavière ? R.P. : On s’est engagé à ce qu’il n’y ait pas de suppressions d’emplois. Lorsque Amiotte- Suchet a repris Morteau Sau- cisse en 2003, nos deux entre- prises employaient 120 per- sonnes. Aujourd’hui, nous sommes 180 ! Nous avons donc créé de la valeur et de l’emploi. On espère bien que l’histoire se répétera. En tout cas, nous avons créé les conditions du déve- loppement. Càd : La saucisse de Morteau et la saucisse de Montbéliard sont les deux produits régio- naux phares de vos entre- prises. Ce regroupement est-

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jet est de fabriquer des produits de terroir différenciés, le but ulti- me est de pérenniser le modè- le social et sociétal que nous avons mis en place au sein de l’entreprise et que nous amélio- rons sans cesse. Les autorités publiques connaissent cet enga- gement. Nous avons démarré par exemple un travail pour sup- primer la pénibilité dans notre entreprise en éliminant les troubles musculo-squelettiques. Pour cela, on filme tous les postes et sur chacun d’eux, en séquen- çant les images, on arrive à déter- miner les gestes répétitifs et pénibles. L’objectif est de trou- ver le moyen de les supprimer pour améliorer le confort des col- laborateurs, tout en améliorant ce qu’on ne serait pas capable de faire soi-même. Permettre à des gens de s’épanouir dans un milieu difficile comme celui de la charcuterie, ce n’est pas simple, mais nous y travaillons. Càd : Vous êtes un patron social ? R.P. : Je n’ai jamais vu une entre- prise dans laquelle les salariés et le patron sont heureux de tra- vailler, qui n’obtenait pas de bons résultats. Dans notre groupe, il y a trois éléments important dans notre manière de fonc- tionner : la transparence, l’ambiance, la confiance. Il n’y a pas d’objectifs individuels, de compétition interne. Chacun apporte sa contribution à la réus- site de l’entreprise et nous par- tageons la valeur ajoutée. Il faut que l’entreprise ait un sens pour toutes les personnes qui y tra- vaillent. Propos recueillis par T.C. la performance et la productivité. Je pars du principe qu’on ne peut pas demander aux autres de faire

Càd : La crise frappe la filiè- re porcine. Cela menace-t-il votre activité ? R.P. : Les porcs utilisés dans la fabrication de la saucisse sont nourris au lactosérum. Le pro- blème est que sur une carcas- se de 90 kg, 50 % sont utilisés pour fabriquer de la saucisse. L’autre problème est la saison- nalité. C’est-à-dire que nos besoins en viande de porc varient de 1 à 4, voire de 1 à 5 entre l’été et l’hiver. Cela signifie que 50 % des revenus des éleveurs de porcs proviennent d’autres filières que celle de la saucisse de Morteau. Or, dans les autres filières, le marché du porc est catastro- dégringolent et les éleveurs sont dans des situations économiques difficiles. Notre métier peut être directement menacé par la situa- tion de cette filière. Les pouvoirs publics ont été alertés. Sans eux, nous ne parviendrons pas à régler le problème. Càd : Vous venez d’être déco- ré de la légion d’honneur. Comment avez-vous réagi lorsqu’on vous a proposé cet- te distinction ? R.P. : J’ai été nommé en mars 2014 et la cérémonie a eu lieu en avril 2015. Il m’a fallu ce long délai de réflexion pour accepter cet honneur. Je ne me sentais pas prêt. J’ai accepté d’organiser la remise officielle de l’insigne car la légion d’honneur ne venait pas célébrer un homme, mais une histoire commune, une envie de construire une société diffé- rente, un modèle de fonctionne- ment différent. Si notre vrai pro- phique. Notamment depuis l’embargo rus- se, un pays qui n’importe plus de porcs. Les cours

“La transparence, l’ambiance, la confiance.”

Richard Paget vient d’être décoré de la légion d’honneur pour ses compétences managériales.

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