Journal C'est à Dire 249 - Décembre 2018

V A L D E M O R T E A U

Mobilisation Les gilets jaunes du Haut-Doubs ont tenu bon Malgré les récentes annonces, ces actifs, ces retraités ou ces demandeurs d’emploi ont tous eu une bonne raison de prolonger leurs actions de contestation. Morteau a été peu touché.

U n samedi de blocage le 17 novembre der- nier au rond-point d’entrée à la zone commerciale de Morteau, puis plus rien. Les gilets jaunes du Haut-Doubs se sont essentiel- lement regroupés au rond-point de Doubs à l’entrée de Pontar- lier. Ceux de Maîche, ils étaient une poignée au début du mou-

sont encore là. Certains depuis trois semaines. Une tente blanche sous laquelle sont dres- sées quelques tables, une Ther- mos de café fumant, des gâteaux. “Tout ça ? Ce sont les gens qui nous les apportent. Ils nous sou- tiennent à fond” assure ce gilet jaune. Sa voix est couverte par le klaxon tonitruant d’un poids lourd qui ralentit au rond-point.

tataires sont multiples, comme partout en France. “Dans les années quatre-vingt, le taux de prélèvements obligatoires était de 39 % en France. On ne vivait pas moins bien qu’aujourd’hui où ce taux est de 46 %, le plus élevé d’Europe. Où part le fric ? !” interroge ce salarié du privé en jaune. À côté de lui, un jeune retraité a fait ses comptes : “M. Macron avait dit qu’il ne pré- levait que sur les retraites au- delà de 1 200 euros par personne. Avec ma femme, on déclare 18 000 euros par an, soit 1 500 euros par mois à deux et on nous dit qu’on est au-des- sus du seuil. On nous a piqués un peu plus de 20 euros par mois. Avec le carburant, le gaz, l’électricité, on va finir où ?” dit- il. Alors que sa taxe d’habitation a en effet baissé, conformément à la promesse du gouvernement, ce salarié de chez Armstrong a également fait ses comptes. “Une fois retiré le bénéfice de la bais- se de la taxe d’habitation, si je fais le calcul avec les récentes augmentations (carburant, élec-

À Morteau, les gilets jaunes ont bloqué la zone commerciale le 1 er samedi des manifestations.

vement, sont descen- dus quant à eux aux portes du Pays de Montbéliard. À Morteau, ce sont les étudiants qui ont fait entendre leur voix le

Et c’est ainsi depuis le matin : un concert de klaxons assourdissant comme autant d’en- couragements à ceux qui tiennent cet impro- bable siège. Eux, ils

des éleveurs ne peuvent même plus vivre de leur travail. C’est cette société qu’ils veulent nous imposer ? Nous, on n’en veut pas.” Celui-ci vient de perdre ses deux parents coup sur coup : “Mon père vivait avec une retrai- te de 822 euros, ma mère de 280 euros. Est-ce normal de voir ça en France ?” Un jeune gilet jaune évoque la transition éner- gétique confirmée par le gou- vernement, “alors qu’ils avaient supprimé l’an dernier le cré- dit d’impôt sur le changement de fenêtres ! Où est la cohé- rence ? Les voitures électriques ? “Les paysans d’Amérique du Sud sont en train de crever à cause du lithium qu’on prélè- ve là-bas pour fabriquer les bat-

tricité…), je perdrai finalement 180 euros sur un an. Elle est là l’augmentation du pouvoir d’achat ?” Un renfort arrive au guidon de sa moto qu’il gare sur le bas- côté. “Là où je me gare, je risque une amende. Et celui qui brû- le une voiture ne risquera rien. C’est cette injustice que je com- bats” dit-il de son côté. Cet autre gilet, un regard pointé vers les zones commerciales toutes proches dit son dégoût de voir une société qui “désormais pré- fère faire venir de la viande d’Amérique du Sud avec l’ac- cord de libre-échange que M. Macron vient de signer, alors que dans les départements voi- sins, en Charolais notamment,

teries. Il faut revenir au bon sens, au travail correctement rému- néré ici. Le travail n’est plus res- pecté et valorisé en France” esti- me cet autre gilet jaune. Malgré les slogans parfois outranciers, malgré leur exas- pération, tous ces gilets jaunes affirment ne “pas souhaiter une révolution. On est juste contre ce système où le peuple n’a plus sa place.” Plus qu’un énième mouvement social, la lame de fond provoquée par les gilets jaunes du Haut-Doubs comme d’ailleurs est un cri du cœur contre un système basé sur l’ar- gent-roi qui selon eux est à bout de souffle. n

“Le travail n’est plus respecté en France.”

7 décembre dernier, bloquant le rond-point situé vers le lycée. Les mises en garde de la direc- tion du lycée auprès des parents ont fait leur effet : le lundi 10 et le mardi 11 décembre, aucun mouvement des lycéens, tous rentrés dans le rang. C’est donc du côté de Pontar- lier qu’il fallait aller pour dis- cuter avec les gilets et com- prendre leurs doléances. En cet- te fin d’après-midi, le trafic de fin de journée s’intensifie et ils

n’ont pas le sentiment d’entra- ver la bonne marche économique du pays. “On ne bloque jamais qui que ce soit, les gens ralen- tissement à l’approche du rond- point, on discute avec eux, on leur offre un chocolat. En tout cas, on ne bloque pas plus que lors d’une grève des cheminots ou des routiers” lance ce gilet jaune qui reconnaît tout de même qu’on “ne fait pas d’ome- lettes sans casser des œufs.” Les revendications de ces contes-

J.-F.H.

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