Journal C'est à Dire 181 - Octobre 2012

V A L D E M O R T E A U

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Explication “Nous devons vivre plus modestement”

Le député socialiste de l’Aisne dénonce depuis longtemps dans ses livres le train de vie de l’État. Il plaide pour plus de transparence concernant l’indemnité représen- tative pour frais de mandat perçue par les députés.

transférés au “crédit collabora- teurs” perçu par chaque député. Càd : Vous faites partie des élus qui défendent l’idée qu’un parlementaire peut cumuler des mandats à condition qu’il ne perçoive qu’une seule indemnité. Vous ne devez pas vous faire que des amis en disant cela ? R.D. : J’ai présenté un amen- dement en ce sens qui n’a pas été accepté. L’idée était qu’un parlementaire qui voulait conser- ver un mandat de maire ne per- cevait plus que son indemnité de député. Si on faisait cela, nous aurions une diminution rapi- de du cumul des mandats. Nor- malement, la loi sur le non- cumul des mandats s’appliquera à partir de 2014. Mais rien ne nous empêche de penser à sup- primer dès maintenant le cumul des indemnités. C’est une idée qui progresse. Des députés trou- vent que mon travail est bon. D’autres pensent que je les ennuie, ils ne me le disent pas, mais je le sens. Ce qui est impor- tant, c’est que le gouvernement suive mes préconisations. Càd : Combien de parle- mentaires sont des cumu- lards ? R.D. : 75 % des parlementaires cumulent. En supprimant le cumul, on ferait une économie de 12 millions d’euros sur les indemnités. L’effet serait per- ceptible dans les budgets des collectivités locales puisque les

C’ est à dire : Combien gagne un député ? René Dosière : Un député per- çoit trois dotations. La premiè- re est sa rémunération qui s’élève à 5 500 euros nets par mois. La seconde est l’indemnité représentative de frais de man- dat (I.R.F.M.) qui est de 5 900 euros nets par mois. La troisième est le crédit collabo- rateur qui est de 9 300 euros par mois. Càd : L’indemnité représen- tative pour frais de mandat versée à l’ensemble des dépu- tés s’élève à 44,75 millions d’euros en 2011. Est-il envi- sageable de la supprimer ? R.D. : On ne peut pas la sup- primer car un député gère une petite entreprise de service public qui emploie trois ou quatre col- laborateurs en moyenne. Cet- te indemnité lui permet de la faire fonctionner en payant les loyers et les charges de sa per- manence par exemple, de cou- vrir des frais divers d’achat de gerbes de fleurs lors des céré- monies, de se déplacer, etc. Càd : Cependant l’utilisation de l’I.R.F.M. est opaque. Ne serait-il pas normal d’imposer plus de transpa- rence alors que les députés

ne sont pas contraints de jus- tifier de l’utilisation de cet- te enveloppe ? R.D. : Il faut savoir en effet qu’on ne sait pas du tout si cette indemnité est suffisante ou pas. Il y a une sorte de suspicion générale qui consiste à dire que c’est un complément salarial. Pour clarifier la situation, Noël- le Lenoir, qui a été nommée déon- tologue de l’Assemblée Natio- nale, va interroger les députés pour savoir comment ils dépen- sent cette indemnité. Ce travail est nécessaire, car à ce jour, tout ce que l’on sait c’est qu’un dépu- té a utilisé l’I.R.F.M. pour autre chose que de la représentation, et qu’une dizaine d’autres, dont je suis, affichent dans le détail la manière dont ils utilisent l’indemnité. J’ajoute encore qu’un rapport de commission indique que l’I.R.F.M. pouvait entraîner une augmentation du patrimoine d’un parlementaire de l’ordre de 200 000 euros. Cela signifie que des élus capitalisent au moins une partie de cette indemnité. Mais nous ne savons pas com- bien de personnes sont dans ce cas, ni s’il s’agit des dépu- tés ou de sénateurs. La réalité est sûrement entre les deux. Comme il n’y a pas de trans- parence, on peut tout suspecter.

Les travaux de René Dosière ne sont pas toujours bien perçus par ses collègues députés.

Càd : On peut donc supposer que tous les députés n’utilisent pas de la même manière cette indemnité ? R.D. : Je dirais qu’un député qui ne cumule pas, dépense la tota- lité de l’I.R.F.M. En revanche, si le parlementaire a par ailleurs des responsabilités locales de maire, ou d’adjoint, il n’est pas impossible que la collectivité dans laquelle il est élu mette à sa disposition des moyens qui font qu’il n’utilisera pas l’ensemble de l’I.R.F.M. Je plai- de pour de la transparence et pour plus de contrôle. Il est pos- sible de mettre au point des pro- cédures pour cela. Càd : Le montant de l’I.R.F.M. est baissé de 10 %. Peut-on parler pour autant d’économie ? R.D. : Non puisque les 10 % sont

R.D. : C’est toute la philosophie de mon travail. Je dis que dans une période comme celle-là, les responsables publics doivent se montrer exemplaires. Nous devons vivre plus modestement afin que nos concitoyens se ren- dent compte que leurs élus font aussi des efforts.

députés comme les sénateurs ne percevraient plus leurs indemnités de maire, ou de pré- sident de Conseil général ou régional. En France, le montant global des indemnités versées à tous les élus s’élève à 1,6 mil- liard d’euros. La part des inter- communalités est en augmen- tation de 30 %. Càd : Vous comprenez que l’argent des parlementaires puisque susciter l’exaspération des Français dans un contexte où on leur demande de se serrer la cein- ture ?

Propos recueillis par T.C.

À lire : “L’État au régime” de René Dosière Éditions du Seuil

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