Journal C'est à Dire 181 - Octobre 2012

L E P O R T R A I T

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Thierry Ducret, horloger par passion Cela fait seize ans maintenant que Thierry Ducret enseigne l’horlogerie au lycée Edgar-Faure de Morteau. Parcours d’un passionné. Morteau

I l suffit parfois d’un rien pour susciter chez un individu une passion qui guidera sa vie. Lorsqu’il était enfant, Thier- ry Ducret n’a pas oublié le jour où il a pu fouiner pour la première fois dans l’atelier de son grand- père horloger. “Je me suis dit, c’est ça que je veux faire.” Une pas- sion immédiate, qui a saisi à l’époque ce gamin de Lyon, com- me beaucoup de ceux qui déci-

dent d’embrasser ce métier. Son avenir aurait pu être celui d’un collaborateur prisé d’une marque de montre prestigieuse. Mais au luxe, Thierry Ducret a préféré l’artisanat avant de bifurquer vers l’enseignement. Cela fait 16 ans maintenant qu’il enseigne l’horlogerie au lycée Edgar-Fau- re de Morteau, l’établissement pour lequel il a quitté sa val- lée du Rhône pour venir y fai-

Originaire de Lyon, Thierry Ducret s’est installé dans le Haut-Doubs pour raison familiale. Il a suivi la formation en horlogerie à Morteau.

re ses études. “J’ai vécu deux ans ici. J’étais de l’autre côté de l’établi, comme ces élèves” s’amuse le professeur en les observant. Au tout début des années quatre- vingt, la notoriété de la forma- tion horlogère dispensée dans cette école dépassait déjà lar- gement les frontières du Haut- Doubs. Sur ce point, rien n’a changé, puisque chaque année le lycée reçoit entre 150 et 200 demandes de candidats de tou- te la France pour 45 places dis- ponibles. Certains arrêteront leur cursus après un C.A.P., d’autres le compléteront d’un brevet des métiers d’art (une quinzaine) et les plus talentueux accéderont au Graal : le diplô- me des métiers d’art (D.M.A.), soit six années de formation cou- ronnées pour chaque étudiant par la réalisation d’une pièce d’horlogerie. déjà : “98 % d’entre eux partent en Suisse. Ceux qui viennent d’autres régions s’installent ici neuf fois sur dix. Pour moi, la cerise sur le gâteau, c’est de voir ces gamins réussir. Ils sont venus pour cela, pour être formés et trouver un emploi qui corres- pond à leur ambition. Pendant leur formation, ils suivent l’équivalent d’un an de stage en entreprise. On connaît les socié- tés horlogères. Nous avons des liens avec elles. Les bons éléments sont repérés rapidement. Un jeu- ne sur trois est embauché dans l’entreprise où il a fait son sta- ge.” Les étudiants ne sont pas les seuls à passer la frontière. En quinze ans de carrière, notre prof a vu quelques-uns de ses collègues quitter l’enseignement technique pour un job dans l’industrie chez les Helvètes. Choix professionnel, change- ment de vie, autres conditions de travail, mais aussi autre salai- re, il y a un peu de tout cela dans leurs motivations. Comme eux, Thierry Ducret aurait pu sauter le pas, don- ner suite aux sollicitations qu’il avoue avoir reçues. Et bien non. Ce garçon aime son boulot. Alors Ensuite, va la vie, tous ces élèves rejoindront le monde du travail. Thierry Ducret le sait

il reste au bahut pour trans- mettre son savoir-faire à des jeunes qui ont envie d’apprendre. “Certains sont là par passion du métier, d’autres veulent s’assurer un avenir professionnel. Il y a ceux encore qui sont horlogers de père en fils. On voit de tout” observe-t-il. Pour eux, M. Ducret fait partie des enseignants de choix qui interviennent dans cette formation. En 2007, l’horloger a décroché le titre de meilleur ouvrier de France. La performance lui a valu d’être reçu à l’Élysée par le président Sarkozy. Pour la petite histoire, le chef d’État viendra le 9 mars 2010 lui serrer la main à son tour au lycée de Morteau lors d’un déplacement présidentiel dans le Haut-Doubs. La course pour devenir M.O.F. “est une compétition avec soi- techniques. Pour cela, lorsqu’on est enseignant, c’est important de garder un contact avec le milieu professionnel.” Les com- pétences de l’école sont souvent mises à contribution par des pri- vés pour plancher sur des pro- jets complexes. Actuellement, les élèves de D.M.A. travaillent sur la rénovation d’horloges d’édifice. Ils ont entièrement res- tauré l’horloge de l’église de Gon- sans. Bientôt, ils s’attelleront à faire rebattre le cœur de celle de Dommartin. Le public pour- ra apprécier l’étendue du savoir- faire dispensé dans cette for- mation à l’occasion d’Horlo’Troc qui a lieu le 4 novembre. Thierry Ducret suit d’un œil bienveillant ses élèves, guidant leur geste vers la précision. L’homme au sourire franc a 50 ans, dont 35 ans de métier. Le temps passe Monsieur le pro- fesseur, pour les horlogers aus- si qui le mesurent peut-être plus que le commun des mortels. Si seulement il existait une montre qui permette de maîtriser le temps jusqu’à pouvoir le sus- pendre… Un jour peut-être, qui sait. Après tout, il n’est pas inter- dit de rêver. T.C. même” mais ce n’est pas un aboutissement. “L’horlogerie est un métier où il y a toujours des choses à apprendre, y compris de nouvelles

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