Journal C'est à Dire 181 - Octobre 2012

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É C O N O M I E

Horlogerie “Et si on créait une université du luxe à Besançon ?” Jean Kallmann est à la tête de Breitling Service. L’entreprise qui emploie 47 personnes à Besançon gère le service après-vente de la marque horlogère suisse. Un bâtiment de près de 2 000 m 2 , future vitrine de la marque, est en cours de construction sur la zone de Témis.

C’ est à dire : Breitling Service poursuit son expansion, vous déménagez en fin d’année dans des locaux flambant neufs à Témis. Qu’est-ce- qui explique ce développe- ment ? Jean Kallmann : Nous sommes installés ici depuis 1995. Nous avons commencé dans nos locaux de Palente à 7 personnes, nous sommes 47 aujourd’hui. Nous gérons tout le S.A.V. de Breit- ling pour la France et, comme on a une surface importante et une main-d’œuvre très qua- lifiée ici à Besançon, nous assu- rons également le S.A.V. pour

un bon produit, un bon mar- keting, si on n’a pas un bon S.A.V. derrière, ça ne marchera pas. C’est une question de res- pect pour le client qui dépense plusieurs milliers d’euros pour s’offrir une montre. Càd. : Si le S.A.V. se déve- loppe, cela signifie donc que les retours de montres se mul- tiplient ? J.K. : Il faut chasser une idée reçue : les montres ne revien- nent pas parce qu’elles ont des problèmes, mais essentiellement pour de l’entretien. Quand un mouvement est abîmé, on ne l’échange pas contre un neuf,

exemple de la formation sur les connaissances horlogères à des- tination de vendeurs et de ven- deuses. En allant à Témis, nous passons aussi de l’ombre à la lumière car le bâtiment sera une belle vitrine de lamarque au bord de la rocade. Les conditions de travail seront encore meilleures pour tout le monde. Notre ate- lier actuel, pourtant bien agen- cé, ne correspond plus aux exi- gences de la marque, il fallait qu’on monte encore d’un cran. Càd. : Y aura-t-il de nouvelles embauches après ce démé- nagement ? J.K. : En 1995, quand on a démarré ici, on était donc 7. Mon objectif secret était d’arriver à 15 salariés dix ans plus tard. Aujourd’hui, nous sommes 47… Je ne peux pas dire ce que sera l’avenir. Càd. : Vous semblez tout de même optimiste dans ce cli- mat général de morosité ! J.K. : Ce qui est fou en Fran- ce, c’est qu’on a presque honte de dire que ça va bien. Ici, ça va bien. Évidemment il faut se battre et justement, c’est pen- dant les périodes de crise qu’il faut avancer. Ceux qui sont forts, après la crise, seront encore plus forts s’ils continuent à avancer. C’est en tout cas l’état d’esprit de l’horlogerie suisse. Càd. : La fuite de la main- d’œuvre vers l’eldorado suis- se vous pénalise-t-elle ? J.K. : C’est un faux problème. Il faut au contraire être très heu- reux que la Suisse aille bien et qu’on perde de la main- d’œuvre. C’est comme ça, il faut vivre avec. Ici, on fait juste en sorte que les gens se sentent bien. On sait qu’il est impossible de s’aligner sur les salaires suisses. Régulièrement, on a eu des départs de salariés vers la Suisse, et même vers Breitling Angleterre, Espagne ou États- Unis. Mais on a aussi des gens qui viennent ici. En ce moment, on a un horloger du Japon, un autre d’Argentine. Cette ques- tion de la Suisse n’est pas un obstacle à notre développement, c’est juste une difficulté com- plémentaire. Càd. : Ne manque-t-il tout de même pas à Besançon des arguments pour prétendre s’afficher encore comme une capitale de l’horlogerie ? J.K. : Évidemment que si. Par exemple, il n’y a pas d’école d’horlogerie à Besançon, à part l’A.F.P.A. pour les adultes. Besan- çon se prétend encore capitale de l’horlogerie alors que la meilleure école d’horlogerie de France se situe à Fougères, en Bretagne ! Càd. : Votre avis sur le bruit fait l’an dernier autour de

d’autres pays d’Europe. En ce moment par exemple, beaucoup pour l’Angleterre. La partie S.A.V. se développe, tout simplement parce que la marque Breitling a pris un essor considérable, les ventes ont explosé depuis les années quatre-vingt-

il est réparé. Les montres qui arrivent ici sont entièrement démontées et refaites à neuf et quand elles ressortent d’ici, elles sont à nouveau garan- ties deux ans. 23 hor- logers complets tra- vaillent ici ainsi que

“En allant à Témis, nous passons de l’ombre à la lumière.”

dix. La famille Schneider a repris la marque et en a fait ce qu’elle est aujourd’hui. C’est à ce moment-là que Breitling a déci- dé d’organiser un S.A.V. à la mesure de la demande. Càd. : A quel niveau se situent les ventes ? J.K. : Le volume se situe aux alentours de 200 000 montres par an. Nous avons un réseau de 2 500 revendeurs dans le monde, dont une bonne centai- ne en France. Càd. : Pourquoi Breitling a choisi Besançon pour ins- taller son service après-ven- te ? J.K. : Sur le plan européen, ça facilite les choses d’être à Besan- çon, notamment pour des rai- sons de droits de douane. En plus, on n’est pas loin de la Suis- se et on retrouve vraiment ici cette mentalité de microméca- niciens et d’horlogers. Chez Breit- ling, le S.A.V. est aussi impor- tant que la vente. On peut avoir

deux polisseurs et notre centre de formation forme régulière- ment des horlogers ou des reven- deurs. Càd. : Breitling reste une des dernières marques de montres indépendantes. Elle va le rester ? J.K. : L’indépendance de Breit- ling s’est renforcée encore par la création de notre propre manu- facture de mouvements. C’est une vision à long terme du diri- geant de la marque Teddy Schneider. Le mouvement Calibre B01 signé Breitling est garan- ti 5 ans, 100 % chronomètre. Breitling est plus que jamais une marque indépendante. Càd. : Que va changer votre installation à Témis en fin d’année ? J.K. : Nous doublons notre sur- face en passant de 1 000 m2 ici à Palente à 1 900 m2 à Témis. Nous allons pouvoir notamment développer notre centre de for- mation. Nous pourrons faire par

Jean Kallmann dirige Breitling Service depuis son implantation à Besançon en 1995.

la marque L. Leroy revenue à Besançon ? J.K. : C’est une belle marque, qui fait de belles montres, avec des gens très compétents, c’est indéniable. Mais au-delà, c’est combien d’emplois ? Il n’y a que de l’assemblage ici. C’est bon pour l’image de Besançon. Càd. : Doit-on croire Jean- Louis Fousseret, persuadé que Besançon peut justement redevenir une ville horlogè- re ? J.K. : Il n’y aura pas de manu- facture ici, ne rêvons pas. Et le retour de l’horlogerie à Besan- çon ne passera pas que par le S.A.V. Ce qu’il faudrait, ce sont plus d’entreprises de sous-trai- tance. Par exemple, il n’y a plus aucun fabricant d’aiguilles ici. Il faut se donner les moyens, avoir une vraie volonté, égale- ment une école d’horlogerie. Et approfondir la piste du luxe. Càd. : C’est-à-dire ? J.K. : Beaucoup d’industriels travaillent pour le luxe dans cet- te région, notamment entre Besançon et le Haut-Doubs. J’émets l’idée de créer ici à Besançon la première école du luxe, pour tout ce qui concerne non seulement l’horlogerie, mais aussi la maroquinerie, la sel- lerie, etc. Et si on avait une uni- versité du luxe à Besançon ? Je ne sais même pas si des déci- deurs ici ont déjà tenté de dis- cuter avec les grands patrons du luxe de cette question. Je suis persuadé qu’il y a quelque cho- se à faire autour de cette ques- tion à Besançon. Propos recueillis par J.-F.H.

Zoom A Besançon, la futu- re vitrine de Breitling

L a marque horlogère suisse investit quelque 3 millions dʼeuros dans la création de ce superbe écrin, pensé, comme la manufacture de La Chaux-de-Fonds et le siè- ge social de Granges (canton de Soleure), par lʼarchitecte Alain Porta, de Lausanne. Un bâtiment en L doté de larges surfaces vitrées, édifié sur deux étages, avec une mezza- nine qui dominera les ateliers. Une façade en pietra dora- ta et un mélange de bois, de métal et de béton, donneront au nouveau site Breitling lʼallure des manufactures horlo- gères que lʼon peut croiser dans les montagnes neuchâte- loises notamment. Pour apporter quelques liquidités dans cet investissement, Breitling a revendu à la S.E.D.D. ses actuels locaux de Palente. Plus de 1 000 montres passent chaque mois dans les ateliers Breitling à Besançon. Le site sera opérationnel au plus tard en début d’année prochaine.

Au sein de l’entreprise, un centre de formation forme des dizaines d’horlogers par an.

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