Journal C'est à Dire 181 - Octobre 2012

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D O S S I E R

Insolite Le prêtre confesse dans sa camionnette Ami de l’abbé Pierre, le prêtre Jean-Marie Viennet, originaire d’Orchamps- Vennes, stationne sa camionnette verte sur les marchés de L’Isle-sur- le Doubs, Montbéliard et depuis peu à Saint-Hippolyte où il confesse et discute avec les passants. Un phénomène.

S i toutes les voies mènent à Romeditl’adage,beaucoup mènent à la “ camionnet- te verte” , nom ainsi don- né par les habitants de L’Isle- sur-le Doubs et Montbéliard qui ont baptisé la voiture du curé… devenue un vrai symbole. “ Vous n’aurez pas à me chercher ! Demandez la camionnette une fois arrivée sur la place du mar- ché” nous dit l’abbé lorsque nous prenons rendez-vous avec lui. Il ne s’est pas trompé. Posée entre le marchand de vête- ments et celui de fruits et légumes, la camionnette à tou- jours sa porte latérale ouverte. À l’intérieur, deux chaises en bois sont posées. Spartiate, mais ter- riblement efficace… En ce ven- dredi ensoleillé, un homme est assis sur le châssis. Un autre, appuyé sur l’aile, discute. Un rapide coup d’œil puis l’homme nous interpelle et nous tend la main. Nul doute : c’est bien l’abbé Viennet. Béret sur la tête, les yeux fermés pour lutter contre les rayons matinaux du soleil, son accueil est chaleureux. Sans col romain ni crucifix, Jean- Marie Viennet, prêtre depuis quarante-huit ans et ancien vicai- re général (c’est-à-dire principal

collaborateur de l’évêque) tient permanence chaque vendredi matin dans cette voiture, cou- leur de l’espoir qu’il prête gra- cieusement à qui le veut, pour déménager ou dépanner. “ Il suf- fit de remettre un peu d’essence” prévient-il. La moindre des choses. “ Marchand de vent, mar- chand de rien” , comme il se défi- nit lui-même, cet homme d’Église atypique qui fut aussi le confes- seur de l’abbé Pierre depuis 1982 a tiré de cette expérience un livre : “Elle est encore verte la camionnette” (Espace-Docu- ments, 10 euros). Pendant plus de vingt ans, il fut donc l’un des amis du fondateur d’Emmaüs,

vient-il. Ce dernier a accepté. Et comment a-t-il eu cet appel ? “C’était un matin très tôt. En montant dans ma voiture pour Paris, je commence à prier et en moi se fait un appel : “Tu devrais faire les foires et les mar- chés.” Pendant de longues semaines, je ressentais la même invitation. C’était auprintemps 1990.” Jean-Marie en “bon curé de campagne” continue “de dépanner” comme il le dit en offi- ciant à Vaufrey, dans la vallée de Saint-Hippolyte menant à Saint-Ursanne. S’il est moins légitime sur le marché de Saint- Hippolyte où les fidèles le connaissent encore peu, il sait

L’abbé, assis dans sa camionnette, parle ou confesse les personnes sur les marchés et les foires. Les derniers jeudis de chaque mois, il se stationne à Saint-Hippolyte.

une dame. “Pas de souci” rétorque-t-il. Plus tard, c’est l’abbé qui deman- de des nouvelles d’une malade à laquelle il n’a pu rendre visi- te faute de temps. Car visible- ment, le curé à la retraite ne manque pas d’activités et notam- ment celles qui l’impliquent à Emmaüs International. Puis, il raconte une de ses histoires dont il a le secret et explique comment un jeune lui a offert le groupe électrogène qu’il cher- chait depuis longtemps pour l’envoyer ensuite au Mali. “Par hasard, ce jeune était en fait le responsable d’une société de loca- tion de matériel pour le bâtiment. Et il n’était pas de confession catholique.” Dans ses histoires, Jean-Marie parvient à délivrer des messages. Pour le coup, il

a glissé le concept de toléran- ce, le jeune en question était un Maghrébin. Dans les bons com- me les mauvais moments, le père Viennet répond présent. C’est notamment lui qui a célébré les obsèques du jeune Maxime, 14 ans, retrouvé mort d’un coup de couteau dans un bois du village. La population l’avait assailli de coups de téléphone pour com- prendre, parler, pleurer. Quoi qu’il en dise, le succès de “L’Évangile de la camionnette” tient beaucoup à la personna- lité de ce curé exceptionnel, “médecin des âmes” , selon la for- mule de Louis Souvet, ancien sénateur-maire de Montbéliard. Sa venue à Saint-Hippolyte, une nouveauté, ne l’inquiète pas. L’homme d’Église se rappelle sa première venue dans un mar-

ché. C’était à Montbéliard. “Il fallait bien commencer ! A 7 h 30, je rejoins le marché de Montbé- liard. Je me sentais très mal- adroit. J’avais tout à apprendre : m’adresser au placier. L’homme, un employé de la police muni- cipale, me demande ce que je vends : “Rien” . “ Alors vous n’avez rien à faire ici. J’essayais de m’expliquer comme je pouvais… Quelqu’un que je connaissais est venu défendre ma cause. C’était Suzanne, de confession protes- tante qui vendait ses légumes ici depuis de nombreuses années.” Le placier lui a attribué une pla- ce. Plus qu’une place, Jean-Marie a aujourd’hui une statue dans le cœur des gens. “C’est un Saint” souffle son ami Joseph. Il n’y avait pas meilleure conclusion ! E.Ch.

très bien que le temps jouera en sa faveur. Sa gouaille en convertira plus d’un. La preuve à L’Isle-sur-le Doubs. En moins de deux heures, pas moins de

“et c’est moi qui ai célé- bré son enterrement” dit-il simplement tout en parlant avec son ami Joseph, “un pote” d’enfance comme il le dit si bien. “ On a fait

De Consolation à l’enterrement de l’abbé Pierre.

trente personnes sont venues le saluer ou discuter. Des prati- quants bien sûr qui vont à la messe le dimanche et beaucoup de non-croyants qui n’ont jamais mis les pieds dans une église. “Salut Jean-Marie, on peut te laisser des habits pour que tu les donnes à Emmaüs ?” demande

Conso les deux. C’est comme mon frère” dit Jean-Marie qui parle vrai sans détours ni fioritures. Natif d’Orchamps-Vennes, l’abbé Viennet est aujourd’hui “en retraite”. “J’ai demandé à Mon- seigneur Schockert, évêque de Belfort-Montbéliard, de pouvoir aller sur les marchés” se sou-

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