Journal C'est à Dire 174 - Février 2012

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D O S S I E R

Consommation Les restaurants locaux ignorés des frontaliers L’hôtel Bellevue situé au bord du lac de Joux part en croisade contre les restaurants d’entreprise et convie les frontaliers à dépen- ser aussi là où ils gagnent leurs salaires.

“O n souhaiterait que les frontaliers par- ticipent davan- tage au maintien de l’économie locale” , lance Daniel Leuenberger qui tient l’hôtel Bellevue avec son épouse fran- çaise Dalila. Le couple n’est pas spécialement vindicatif envers les frontaliers. Certains tra- vaillent d’ailleurs dans leur éta- blissement. Les métiers de l’hôtellerie avec leurs contraintes horaires pâtissent toujours d’un

Chez nous, le menu du jour est à 18 francs suisses.” Daniel et Dalila Leuenberger en veulent surtout aux groupes horlogers de la vallée qui riva- lisent d’avantages sociaux pour conserver leur main-d’œuvre. Exemple chez Jaeger-LeCoultre qui a ouvert un restaurant d’entreprise où l’on sert 300 repas par jour. “Du coup, la clien- tèle en provenance de cette entre- prise a diminué de 50 %. Cer- tains restaurateurs dans la val-

Le dynamisme est aussi touristique Avec son lac, ses montagnes et ses infrastructures, la vallée de Joux reste une belle destination touristique. “On enregistre une augmentation régulière des nuitées depuis dix ans” , com- mente Denis Waser, le directeur du Centre Sportif. Les Suisses représentent 60 % de la clientèle touristique. Lʼenvolée du franc suisse par rapport à lʼeuro nʼa donc pas trop pénalisé les opérateurs touristiques. “On fonctionne très bien avec le tou- risme de mai à septembre” , confirme Daniel Leuenberger.

manque d’attractivité en Suisse comme en France. Si le renchérissement du franc suisse par rap- port à l’euro n’incite pas les touristes français à

“On a perdu 50 % de la clientèle frontalière suite à l’ouverture du restaurant d’entreprise de Jaeger-LeCoultre” explique Daniel Leuenberger de l’hôtel Bellevue.

lée commencent à tirer la langue” , observe Daniel Leuenberger. Sitôt informé que le grou- pe Swatch (entreprises Bréguet, Blancpain, François Golay, ETA…)

“On a réussi à

faire plier le Swatch Group.”

Les restaurateurs locaux crai- gnent que la vallée de Joux ne devienne qu’un site de produc- tion industrielle. “La création d’autres restaurants d’entreprises nous condamnerait presque à n’ouvrir qu’en été” , conclut l’hôtelier.

ce projet. Avec les restaurants d’entreprises, les frontaliers vivent en vase clos.” L’hôtel Bellevue n’est pas fran- chement une cantine. Cet éta- blissement de 200 couverts fonc- tionne davantage avec les tou- ristes et la clientèle affaire. Il n’empêche. “Le menu du jour n’est pas la priorité mais cela permet de conforter des emplois. On arrêtera la formule dès qu’on servira moins de vingt plats du jour car ce n’est pas rentable.”

consommer suisse, il favorise en revanche une certaine paix sala- riale avec les frontaliers. Sur les milliers qui passent quotidien- nement la frontière, très peu viennent déjeuner à l’hôtel Bel- levue. “Cela nous semblerait logique qu’ils dépensent un peu plus leur argent à l’endroit où ils gagnent leur salaire. Ce n’est pas tant une question de prix.

avait l’intention d’ouvrir un autre restaurant d’entreprise dans la vallée, le couple est monté au créneau en sollicitant à l’époque directement Nicolas Hayek. “On a réussi à faire plier le Swatch Group qui emploie 1 500 à 2 000 personnes sur la vallée. Ils ont prévu de mettre en place des tic- kets restaurants même si l’on n’a toujours pas eu de nouvelles sur

Consommation “Les frontaliers

n’achètent plus les cigarettes” Les débitants suisses de tabac et de carburant font grise mine : le franc fort ne fait pas leurs affaires. Les cigarettes y sont désormais aussi chères.

1 6h40 àVallorbe.C’est l’heure de la sortie des écoliers du village et l’occasion pour quelques-uns d’entre eux de fran- chir la porte du Khédive, le bureau de tabac et de bonbons situé au centre du village. Com- me en France, le client y achète friandises, tabac, chocolat, jeux à gratter et cartes à postales. Mais à la différence du voisin, la haus- se du franc suisse a eu une consé- quence directe : “La baisse des ventes de cigarettes aux fron- taliers”

explique le gérant du Khé- dive. Phénomène financier méca- nique, le prix

Même son de cloche du côté des pompistes.

Le buraliste de Vallorbe vend moins de cigarettes aux frontaliers depuis le milieu d’année dernière.

siment à égalité avec les prix pratiqués en France en fonction des marques qui oscillent entre 5,70 et 6,50 euros. “On attend même une augmentation de 20

centimes de francs suisses : c’est un énorme manque à gagner pour nous” commente le com- merçant qui n’a toutefois pas chiffré la baisse de son chiffre d’affaires depuis que le franc suisse a fortement augmenté. “Les touristes achètent toujours car ils veulent du chocolat suis- se et des produits de Suisse” se console le buraliste. Même son de cloche du côté des pompistes qui ont perdu nombre de clients. Mi-janvier, le litre de gazole était affiché à 1,80 C.H.F. (1,49 euro), soit quasiment trois centimes de plus que ce qui était affiché à la même date en Fran- ce. Même l’essence (Sans plomb 98) n’est plus si bon marché : 1,75 C.H.F. (1,41 euro) alors qu’en France, un litre était affi- ché à 1,58 euro, soit 17 centimes d’écart.

d’un paquet de cigarettes coû- te en moyenne 7,60 francs suisses (6,30 euros) soit qua-

À La Chaux-de-Fonds, cette commerçante en électroménager vend très rarement des produits à des frontaliers, même en période de soldes.

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