Journal C'est à Dire 106 - Décembre 2005

D O S S I E R

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La vie de palace vue par Mireille Bretillot Paris

La Mortuacienne Mireille Bretillot affiche bientôt vingt ans d’expé- rience dans les établissements hôteliers les plus prestigieux. “Caprices” de stars et demandes les plus étonnantes font partie de son quoti- dien. Qu’elle doit gérer avec un professionnalisme constant.

A venue Montaigne à Paris. Le Plaza Athé- née est sans doute, avec le Ritz place Vendôme, le plus beau palace de la capi- tale. La moindre chambre est facturée 550 euros la nuit, la nouvelle suite de 600 m 2 frise les 10 000 euros (toujours pour une seule nuit, cela s’entend). Les clients se répartissent entre les hommes d’affaires, les têtes cou- ronnées et autres chefs d’État, les stars du show biz interna- tional. Rien n’est trop beau pour eux, les palaces rivalisent d’in- vestissements et de grands tra- vaux pour tenter d’attirer l’at- tention des riches clients. C’est dans ce milieu que baigne depuis presque 20 ans Mireille Bretillot, originaire de Morteau. Après un passage au Crillon, autre adresse parisienne de pres- tige, elle a passé plus de 15 ans au Plaza Athénée. Depuis son poste, à la caisse centrale, située dans le grand hall du pala- ce, elle supervise le travail de huit autres personnes. “Nous avons plus d’argent en caisse que certaines banques. Un client peut arriver avec 10 000 dollars, à lui changer immédiatement en euros.” Le Plaza est une véritable entre- prise : 450 salariés pour 180

chambres. Dépendant de l’hôtel, il y a le restaurant géré parAlain Ducasse, une des meilleures tables de Paris. Rien que le res- taurant emploie 45 personnes en cuisine et 30 en salle. Quand on parle de restaurant, on ne compte pas la brasserie de luxe (avec une soixantaine de sala- riés) ni le room service , avec sa vingtaine d’employés. “Si vous voulez commander une omelet- te au saumon à 3 heures du matin, c’est possible” observe Mireille. Le PlazaAthénée appar- tient aujourd’hui au groupe finan- cier qui gère les intérêts du sul- tan de Brunei, un des hommes les plus riches du Monde. À son

za également. Au Plaza, il est interdit de refu- ser quoi que ce soit à un client. “Quelqu’un qui demande de la langouste à 2 heures du matin ou des fraises en plein mois de décembre ou telle sorte de rose pour offrir à sa fiancée en plei- ne nuit, nous nous devons de satisfaire sa demande. La nuit, un salarié, appelé “le chasseur”, est dévolu à ce genre de deman- de. Il parcourra les quatre coins de Paris pour ramener au client ce qu’il a demandé” explique Mireille avec un ton amusé. “Là, ce n’est même pas de l’ordre du caprice. Quand quelqu’un nous demande une tarte aux pommes taille d’une sucrette, on imagi- ne les efforts déployés par le per- sonnel pour combler ce genre de demande loufoque. Les stars mondiales ont aussi leurs habitudes. Mireille se sou- vient par exemple des exigences des Rolling Stones lors d’une de leurs tournées. “Avant leur arri- vée, on a reçu tout un dossier pré- cisant, pièce par pièce, l’empla- cement exact où devaient être tous mais sans la pâte, on se débrouille pour lui apporter.” Ou encore, comme ce client, un quart de sucrette pour adoucir son café. Vu la

Mireille Bretillot avait fait l’école hôtelière du temps de Madame Cheval. Après bientôt vingt ans dans les grands hôtels, elle s’occupe pour l’instant de sa petite fille à plein temps.

tableau de chasse, on trouve d’autres palaces à travers le Monde : Le Dorchester à Londres, le Beverly Hills à Los Angeles, le Meurice à Paris…

tillot prend son travail avec un nécessaire détachement. “Mal- gré le fait que l’on côtoie ces gens, j’ai plus de respect pour ce que font par exemple les infirmières à l’hôpital de Morteau que pour un travail comme le nôtre. Contrairement à elles, aucune vie ne dépend de notre travail.” Mireille avoue tout de même que son travail est “très stressant, même si l’ambiance est excel- lente.” Quand il faut par exemple, il y a quelques années de cela, encaisser une note de plus de 600 000 F et que le client - une délégation camerounaise - paye

en petites coupures de 20 et 50 F, on n’est pas spécialement ras- surée, surtout le jour où les ces convoyeurs de fonds font grève… Actuellement, Mireille Bretillot est en congé parental à Morteau, un peu plus d’un an encore. “J’ai 38 ans, déjà une très belle car- rière derrière moi. Je ne sais pas encore si je reprendrai ce métier à l’issue de ce congé.” Mais une chose est sûre également : si elle reprend l’hôtellerie, ce ne sera pas ailleurs qu’au Plaza, le must en la matière… ■ J.-F.H.

les meubles et les accessoires. Ils voulaient également du papier noir aux fenêtres pour n’avoir aucune vue. Dans chaque ville où ils faisaient escale, leurs chambres devaient être stricte- ment identiques.” Le Plaza a donc ses équipes qui chamboulent toutes les chambres au fur et à mesure de la demande de ces clients peu communs. Pour des raisons fiscales propres à son pays d’origine, l’Angleterre, le batteur des Rolling Stones habi- te d’ailleurs 6 mois par an au Plaza… Ni blasée, ni lasse, Mireille Bre-

“Des fraises en plein mois de décembre.”

En 15 ans, Mireille a déjà vu défiler plus d’une star ou d’un client prestigieux, accompagnée de son lot d’anecdotes. La famil- le royale du Maroc par exemple, qui outre une luxueuse suite, réserve une trentaine d’autres chambres voisines pour les princes et princesses qui sont du voyage. Le roi Hussein de Jor- danie avait ses habitudes au Pla-

Hélène Jouillerot, de la Floride à Lausanne Orchamps-Vennes H élène Jouillerot rêve de voyages. Depuis février der- nier, elle a le statut de travailleuse fron- Voilà trois ans que la jeune Oricampienne s’est lancée dans le grand bain de l’hôtellerie. Après une formation chez Bocuse, elle s’est envolée un an pour la Floride avant de venir se poser dans un hôtel 4 étoiles de Lausanne. talière. Elle vit à Pontarlier mais travaille à la réception d’un des

plus beaux hôtels de Lausan- ne. 70 km et 50 minutes à par- courir tous les jours, à l’aller et au retour. Le sort de nombreux frontaliers mais l’avantage d’un travail intéressant, mieux rému- néré qu’en France et signe d’ou- verture pour cette jeune fille qui s’est découvert la passion du voya- ge grâce à…Paul Bocuse. “Après ma formation au cours hôtelier de Besançon, j’ai eu la chance de me voir proposer un stage chez Paul Bocuse, à Collonges auMont d’Or. Une super expérience, très enrichissante, auprès d’un hom- me d’exception.” Ce premier pas dans le monde de la haute gas- tronomie a donné des ailes àHélè- ne, à qui Bocuse a offert un plan en or : “Il m’a proposé un contrat d’un an en Floride, dans un des parcs de Disney World où il gère un restaurant français, créé par lui, Gaston Lenôtre, le célèbre pâtissier, et Roger Verger.” Là- bas, elle y découvrira de nom- breuses facettes du métier de l’hôtellerie, du service à l’accueil, en passant par les cuisines. “Ça a été une année de rêve pour moi” jubile Hélène qui a pu assouvir à l’occasion sa soif de découvertes : New York, la Jamaïque, le Mexique, la Californie… Le rêve américain. Retour au pays plutôt difficile en octobre 2004. “Bocuse m’a pro- posé un nouveau contrat dans l’une de ses brasseries lyonnaises. Je pense que cette reprise était trop rapide, ça ne s’est pas trop bien passé pour moi, j’étais enco- re dans ma “bulle” américaine” avoue Hélène qui rebondit vite et dès février dernier, par l’in-

termédiaire du cours hôtelier bisontin, décroche son actuel emploi sur les rives du Léman. Depuis le 1 er février dernier, Hélè- ne Jouillerot est employée à l’Al- pha-Palmiers, un 4 étoiles supé- rieur situé au cœur de Lausan- ne. Réception, secrétariat, réser- vations, elle gère ce secteur d’ac- tivité dans ce grand hôtel de 187 chambres, flanqué de deux res- taurants. Hommes d’affaires et clientèle internationale se côtoient. L’hôtel a récemment reçu une partie de l’équipe qui a tourné la suite de “Zodiaque”, la saga de l’été prochain tournée au bord du Léman. Le 17 décembre, elle sera chargée de l’accueil de la chanteuse Chimène Badi. À 23 ans, la frontalière avoue “avoir un travail très diversifié, un salaire intéressant” et “espè- re bien renouveler ce contrat d’un an par un C.D.I.” Mais la jeu- ne réceptionniste poursuit enco- re ses rêves de voyage. Son idée ? “Les paquebots de croisière. Même un contrat de quelques mois me plairait beaucoup sur un de ces bateaux. Celame permettrait d’en- richir encore mon expérience inter- nationale.” Hélène est aussi consciente que “ce métier, on ne peut pas le fai- re toute sa vie. Pour construire une vie de famille, c’est très com- pliqué.” Alors elle se voit bien plus tard, toujours dans son domaine de prédilection qui est l’accueil, mais cette fois-ci peut- être “dans une banque ou une entreprise de ce genre.” ■ J.-F.H.

Hélène Jouillerot, entourée de Roger Verger et de Paul Bocuse, deux papes de la gastronomie.

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