Journal C'est à Dire 105 - Novemvre 2005
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L E P O R T R A I T
Joseph Flores, l’horloger-historien qui dérange Ce sémillant retraité a travaillé toute sa vie dans la montre. Un métier doublé d’une passion toujours entretenue à travers la rédaction d’une revue spécialisée dans l’horlogerie ancienne. Villers-le-Lac
Q uelle que soit l’action entreprise, Joseph Flo- rès est un perfection- niste. À l’établi, dans son labo photo ou devant l’or- dinateur, il opère toujours avec précision et méticulosité. En 1993, un ami belge lui transmet une copie d’un document de l’Académie Française des Sciences de Paris daté du 23 décembre 1778. Signé par Jean- Baptiste Leroy et J.P. Grandjean De Fouchy, contresigné par le marquis de Condorcet secré- taire perpétuel, il s’agit du plus ancien texte présentant le dis- positif à rotor dont le principe est repris dans la fabrication des montres automatiques actuelles. Le manuscrit décrit une montre, déposée par Hubert Sarton, dont la définition mentionne “…Cet- te montre va constamment sans être remontée…” “Ce texte remet en cause l’attribution faite par Alfred Chapuis en 1952, de l’in- vention du mécanisme à rotor, au Suisse Abraham Louis Per- relet” , souligne Joseph Florès. Tel un archéologue découvrant un trésor susceptible de modi- fier le cours de l’histoire, il s’est plongé dans la transcription et la compréhension du précieux document. Ce long travail de recherche a mis en évidence la similitude parfaite entre la piè-
ce réalisée par Sarton et celle octroyée à tort à Perrelet. “J’ai retrouvé des mouvements construits sur les bases de l’in- vention de Sarton. Après analy- se technique, plus aucun doute n’est permis, Sarton est bien le père de la montre mécanique.” Sûr de son fait, Joseph Florès a multiplié les articles, publica- tions, conférences. Il a notam- ment écrit : “Perpétuelles à roue de rencontre” , une monographie sur les montres automatiques de la première génération axée principalement sur l’origine du dispositif à rotor. Les partisans acquis à la cau- se d’A.L. Perrelet contestent évi- demment le travail mené par l’historien-horloger de Villers- le-Lac. La polémique reste entiè- re. “Tous les Suisses ne parta- gent pas le même avis sur la ques- tion. En septembre 2004, quelques-uns m’ont invité à don- ner une conférence au Congrès International de Chronométrie qui se tenait à Montreux. J’ai pu exposer ma thèse devant un public de 550 spécialistes” , poursuit Joseph Florès. Il renouvellera l’expérience en organisant le 6 décembre une conférence de pres- se dans les locaux parisiens du Comité Professionnel de Déve- loppement de l’Horlogerie, de la Bijouterie, de la Joaillerie et
de l’Orfèvrerie (C.P.D.H.B.J.O.). “J’ai convié toutes les personnes susceptibles de s’intéresser à la question : historiens, journalistes spécialisés, enseignants, techni- ciens. Ceux qui persistent à vou- loir soustraire à Sarton ce qui lui revient de droit commettent à mon sens une faute histori- quement regrettable et inexcu- sable. Je me demande pourquoi les tenants de la thèse Perrelet ne diffusent pas des documents étayant leurs affirmations. À croi- re qu’il n’existe aucune preu- ve.” Fils d’Espagnols venus s’instal- ler dans le Haut-Doubs, Joseph Florès est né en 1932 à Villers- le-Lac. Après un emploi dans les travaux publics, son père s’orien- te très vite dans l’horlogerie pour le compte de diverses entreprises locales. “Il pratiquait à domi- cile. J’avais tout juste 5 ans quand il a commencé à m’initier au métier.” Un apprentissage au terme duquel il deviendra un horloger complet, capable de démonter et remonter entière- ment n’importe quelle montre mécanique. Joseph Florès effec- tuera toute sa carrière dans la branche horlogère. Des débuts professionnels marqués notam- ment par un passage chez Ber- vil à Villers-le-Lac. Comme beaucoup d’autres, il
L’histoire de l’horlogerie fait intégralement partie de l’existence Joseph Flores depuis 1954.
part ensuite en Suisse exercer ses talents au sein de la maison Rolex au Locle où il restera pen- dant 27 ans jusqu’à la retraite. Parallèlement à son travail, Jose- ph Florès s’intéresse à tout ce qui touche de loin ou de près à
à Villers-le-Lac. Retiré de cette structure, Jose- ph Florès est désormais l’unique rédacteur de la publication. Véri- table société d’édition à lui tout seul, il se charge également des illustrations et de la mise en
montres n’en porte aucune à son poignet. “Je n’ai pas l’âme d’un collectionneur.” Entre sa revue et sa croisade de réhabilitation de Sarton, Joseph Florès a des journées plutôt bien remplies. Depuis quelques années, il s’est découvert un nouveau loisir plus physique cette fois-ci: la cour- se à pied. Il pratique ce sport uniquement pour le plaisir de se ressourcer au grand air. N’étant pas du genre à faire les choses à moitié, il chausse tous les jours les baskets. L’homme qui défie les mécanismes hor- logers les plus compliqués affron- te également les pires conditions atmosphériques pour parcourir chaque année 2 000 km de che- mins, sentiers et routes aux alen- tours de Villers-le-Lac. O
l’histoire de l’horlogerie. En 1976, il fonde avec d’autres passionnés l’A.F.A.H. Basée à Besançon, cette asso- ciation réunit plus de 1 300 membres disper-
page du périodique. “Je termine actuellement le n°58 qui sort le 29 novembre.” Ces occu- pations lui ont permis d’avoir entre les mains quelques-unes des plus
Il s’est découvert un nouveau loisir plus physique.
sés dans une vingtaine de pays. “Elle est composée principale- ment de Français, Suisses et Belges. On édite une revue semes- trielle qui s’intitule Horlogerie Ancienne.” Durant quelques années, il écrit les articles avec Yves Droz, autre grand amateur de montres anciennes. Ensemble, ils créeront le Musée de la montre
belles pièces de l’art horloger tel que la Leroy 01 considérée com- me la montre la plus compliquée au monde. Il en a d’ailleurs pro- fité pour écrire en 1991 un pre- mier ouvrage consacré à la des- cription du chef-d’œuvre. Assez paradoxalement, celui qui prend tant de plaisir à démon- ter, décrire et photographier les
F.C.
à Morteau : Librairie Rousseau, Podium et Tabacs-presse
POSSIBILITÉ D’ENVOI : 24 € frais de port inclus (en France métropolitaine) Renseignements : 03 81 67 90 80
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