EN MODE ACTION 04 - Avril 2025

EN MODE ACTION. | Printemps 2025

L’info en

Bio express

Jurassien d’origine, Emmanuel Faivre est directeur général des services (DGS) du Département du Doubs depuis 2022 auprès de Christine Bouquin après avoir occupé ce poste au Département de la Haute-Saône une dizaine d’années auprès d’Yves Krattinger. Docteur en géographie et aménagement du territoire, il est également délégué général du “Labo rural : méthode et audace”.

Emmanuel Faivre, directeur général des services du Département du Doubs, publie “Débloquer la France, appel à fédéraliser les territoires” (édition Atlande).

En Mode Action : Vous seriez donc un fédéraliste à l’image du régionaliste Jean-Philippe Allenbach qui prône la scission de la Bourgogne et de la Franche-Comté ? EF : Non, mon idée, ce n’est pas du tout la sécession et je n’appelle pas la France à devenir une fédération. Mais j’appelle à mieux fédérer les territoires, c’est beaucoup plus nuancé. Je pense qu’il faut un État fort sur toutes les questions régaliennes (sécurité, armée, Éducation nationale, justice…). Mais à l’échelle territoriale, je prône de vrais changements structurels. En Mode Action : Lesquels ? EF : Je supprimerais les grandes Régions. Non pas pour le plaisir de les supprimer, mais à part les transports, elles gèrent essentiellement les contrats avec l’État. Je propose que les communes, les intercommunalités et les Départements soient réunis en une même entité et que demain, la collectivité départementale soit une fédération des intercommunalités de son territoire. Le président de communauté de communes, qui serait élu au suffrage universel, deviendrait le conseiller départemental de son territoire et tout cela amènerait une bien meilleure solidarité entre les EPCI. Je suggère aussi que les présidents des Départements soient automatiquement sénateurs car selon moi, le Sénat doit redevenir le vrai représentant des territoires, avec donc des sénateurs directement impliqués dans

le fonctionnement de ces territoires. Je propose aussi qu’on garde les 25 grandes métropoles françaises, collectivités à part entière. Enfin, pour toutes les décisions qui concernent l’aménagement des territoires, le Sénat, et non plus l’Assemblée nationale, aurait le dernier mot. Dans ma vision, le maire qui garde un rôle central, serait un animateur de sa communauté villageoise,

à tous et en haut lieu qu’il y a sans doute une autre approche possible. Ce que je reproche aussi, c’est que depuis 10 ans, jamais l’avis du citoyen n'a été sollicité avant de prendre toutes ces mesures de recentralisation. Des mouvements éruptifs comme les Gilets jaunes, ou des exemples locaux comme la création de la communauté européenne d’Alsace sont sans doute des conséquences de ce manque de concertation. En Mode Action : La décentralisation amorcée au début des années quatre-vingt se solde donc par un échec selon vous ? EF : Jusque dans les années 2000, la décentralisation a bien fait son travail. Mais dès lors qu’on a commencé à enlever des moyens d’agir aux collectivités, cette décentralisation a été sacrifiée. Il faudrait une vraie révolution idéologique pour faire évoluer les choses. Sinon, j’ai bien peur que d’ici dix ans, la démocratie locale soit morte… Nous sommes, je pense, à la croisée des chemins. Une démocratie qui ne réfléchit plus à ses institutions court un grave danger. Que le fonctionnement de la France soit géré comme ça, par une centaine d’énarques qui ne représentent aucunement les territoires, et qu’à côté de cela il y ait 1 million de fonctionnaires territoriaux qui n’ont quasiment aucune influence, ce n’est vraiment pas la bonne direction. C’est comme si la France courait le 100 mètres avec un boulet au pied. n

“Je supprimerais les grandes Régions.”

et aurait une autre attribution en tant que représentant de l’intercommunalité dans sa commune. Enfin, l’élection territoriale aurait lieu une fois tous les six ans, où seraient élus en même temps, les maires, les présidents de com’com au suffrage universel, ainsi que le Conseil départemental le même jour et, quelques jours plus tard, les sénateurs issus des Conseils départementaux. Tout cela redonnerait un vrai lien avec les citoyens. En Mode Action : Ces propositions, aussi argumentées qu’elles soient, ne relèvent pas de l’utopie ? EF : Oui, bien sûr, il faudrait une révolution institutionnelle pour changer le système actuel. Mais si j’ai écrit ce livre, aussi en tant que docteur en géographie des territoires, c’est pour que ces idées commencent à infuser auprès des associations d’élus, montrer

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