la Presse Pontissalienne 241 - Novembre 2019

La Presse Pontissalienne n°241 - Novembre 2019

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l L’opposition Le conseiller régional du Haut-Doubs “Cette fusion a été un rendez-vous manqué” Patrick Genre, un des conseillers régionaux du Doubs membres de

L a Presse Pontissalienne : Comment jugez-vous ce rapport de la Chambre régionale des comptes ? Patrick Genre : Je me base simplement sur mon expérience de conseiller régio- nal de l’ex-Région Franche-Comté. À l’époque où on siégeait à Besançon, je me souviens très bien de la visite de François Patriat, l’homologue bourgui- gnon de Marie-Guite Dufay. Tous les deux nous avaient fait un show en annonçant tout heureux que tout serait prêt pour la fusion. Ils nous avaient vanté la valeur ajoutée de cette fusion et nous avaient assuré que la Bour- gogne-Franche-Comté serait exem- plaire en tous points. Tout cela res- semblait soit à de l’esbroufe, soit à de la méconnaissance de tout le travail qui les attendait. On nous a annoncé une réorganisation territoriale à coups de milliards d’euros d’économies au plan national. C’est tout le contraire qui se passe et ce n’est pas près de s’ar- rêter. L.P.P. : L’organisation du travail est-elle néan- moins plus efficace ? financiers de la fusion, mais son impact sur l’efficacité de l’action publique. l’opposition, déplore les résultats non seulement

L’élu pontissalien regrette également “la politisation du débat” au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté.

efficience quand on aboutit à des mil- lions de dépenses supplémentaires. L.P.P. : La grande Région aurait une force de frappe supérieure à celle des deux anciennes Régions cumulées. Vous contestez ce fait ? P.G. : Cet argument avancé par M me Dufay selon lequel en configuration grande Région les investissements sont plus nombreux n’est pas recevable non plus. On annonce 100 millions d’euros d’investissement par an dans les lycées, ce n’est que du rattrapage par rapport à ce qui aurait dû être engagé avant. Fusion ou pas, de toute façon ces tra- vaux devaient être engagés. La dorsale numérique, autre argument avancé par la présidente pour justifier des bienfaits de la fusion, c’est faux éga- lement. Elle existait déjà avant la fusion dans nos régions. Je pourrais

P.G. : Si on ne prend que l’exemple des réunions de services, soit ce sont des Bisontins qui vont en réunion à Dijon, soit des Dijonnais qui se rendent à Besançon. Dans tous les cas, il y a des

citer de nombreux autres exemples qui démentent la pertinence de cette fusion. L.P.P. : Si vous aviez une note finale à attribuer à cette fusion trois ans après ? P.G. : J’arrive péniblement à un 7 sur 20. Cette fusion a été un rendez-vous manqué. Il y avait pourtant un vrai sujet de réflexion à engager sur l’or- ganisation territoriale entre les com- munes, les intercos, les Départements et les Régions. Avec cette fusion, on a choisi la moins bonne solution. C’est la même chose qui s’est passée avec les intercos X.X.L. que le législateur a imposées et qui n’ont aucune cohé- rence territoriale. Avec cette fusion, on a perdu toute notion de proximité dans la réflexion et dans nos réunions.

Chaque territoire est noyé dans ce grand ensemble sans histoire commune. On ne parle plus le même langage. L.P.P. : Dans cette configuration, serez-vous candidat à un nouveau mandat de conseiller régional en 2021 ? P.G. : Je me sens beaucoup moins à l’aise dans cette assemblée que dans la précédente. Avec la fusion, on a éga- lement franchi un nouveau cap dans la politisation des débats et c’est une tournure qui ne me plaît pas du tout. J’ai beaucoup de questionnements par rapport à une éventuelle suite. Sur ce point, je me positionnerai pendant la campagne des municipales ou juste après. n Propos recueillis par J.-F.H.

frais de déplacements supplémentaires, c’est inévitable. Je reste dubi- tatif sur l’argument selon lequel la réorga- nisation apporte plus d’efficience. Certaines Régions fusionnées sont obligées de louer des gymnases pour leurs séances plénières… Ce n’est pas le cas de la Bourgogne-Franche- Comté mais pour autant, on ne peut pas parler de plus grande

“Une note ? J’arrive péniblement à un 7 sur 20.”

l Analyse 17 millions pour le bâtiment Viotte Qu’a dit la Chambre régionale des comptes ?

l Un fonctionnement des services en mode dégradé.

Un fonctionnement des services enmode dégradé a perduré pendant les deux premières années suivant la fusion note la Chambre. Ce qui a contribué au retard accumulé par la collectivité dans l’instruction de dossiers d’aides et dans la conduite de certains projets, et au mauvais taux d’exécution de certaines catégories de dépenses comme les fonds européens par exemple. l La rationalisation des moyens généraux. La Chambre régionale des comptes souligne que des économies ont été réalisées, de l’ordre de 420 000 euros, soit - 10 %, concernant le budget “moyens généraux” de la collectivité. Il s’agit par exemple de la gestion de l flotte auto- mobile, de l’évolution des moyens de reprogra- phie, des fournitures de bureau, la gestion des prestations de restauration…Un bon point pour la collectivité régionale. La juridiction estime cependant que ces économies “ne sont pas à la mesure de l’enjeu de maintien d’un bon niveau d’épargne.” Elle réclame notamment “une plus grande sélectivité des aides à projets, voire leur suppression dans des domaines moins straté- giques.” La Chambre relève enfin certaines dépenses à venir comme ces 2,2 millions d’euros rien que pour le flocage des T.E.R. à l’enseigne de la nouvelle Région. n

La juridiction financière régionale met en lumière les masses financières en jeu depuis la fusion des deux Régions. Avec quelques mises en garde.

l L’impact financier de la fusion La fusion a des conséquences financières signi- ficatives au cours des premières années de sa mise enœuvre (coûts de transition), que la chambre a évalué, en l’absence d’un suivi formalisé par la collectivité, à 23 millions d’euros environ (dont 17 millions d’euros correspondant à l’acquisition d’un bâtiment permettant de regrouper les services bisontins de la Région en un seul site, près de la gare Viotte, à compter de 2020). De manière pérenne, la fusion pèsera sur les budgets régionaux, notamment du fait de l’harmonisation du régime indemnitaire des agents, de la revalorisation des indemnités des élus et des coûts liés au fonction- nement bi-site (impact budgétaire annuel de l’ordre de 3,5 millions d’euros).

l La chambre a pu aussi relever les efforts d’économies réalisés par la Région, notamment dans le domaine des achats, à la faveur de la massification de ses commandes et d’une approche plus économique dans la sélection des fournisseurs,mais aussi la gestion des moyens généraux de l’administration. Les économies dégagées, cependant, évaluées à environ 1,5million d’euros, comme celles projetées par la Région (3,5 millions d’euros sur divers marchés de biens et de fournitures à venir), portent à ce stade sur des montants non significatifs par rapport à un total de charges de gestion du budget régional de plus de 882 millions d’euros (dépenses réelles de fonctionnement 2017). l Les effectifs. L’effectif de la Région, lié notamment à la prise de nouvelles compétences, a augmenté de 213 équivalents temps plein entre 2015 et 2018. Mais “la région n’a pas été en mesure de justifier les 93 E.T.P. supplémentaires recensés sur les dix premiers mois de l’année 2018.”

l Les perspectives financières régionales.

De la prospective financière réalisée par la chambre il ressort que, même si la Région par- venait effectivement à contraindre l’évolution de ses dépenses de fonctionnement autour d’1,2 %, c’est-à-dire autour de l’objectif d’évolution imposé par le contrat financier qu’elle a signé avec l’État en 2018, elle verrait son épargne se dégrader pour atteindre un niveau d’environ 16 % fin 2021. Dans ces conditions, son endet- tement augmenterait fortement pour dépasser 1,2 milliard d’euros en 2021 et sa capacité de désendettement serait de plus de 6 années. Dès lors, “le maintien de ratios financiers meil- leurs supposerait pour la collectivité de procéder à des arbitrages sur le niveau d’intervention de certaines de ses politiques, les démarches d'éco- nomie sur les coûts de gestion de l’administration n’étant pas, pour nécessaires qu’elles soient, suf- fisantes pour cela” prévient la Chambre des comptes

l L’impact du transfert de la compétence transport.

Même si le transfert a fait l’objet d’une compen- sation financière intégrale l’année de sa mise en œuvre, les options déjà prises par la collectivité en matière tarifaire (extension de la gratuité dans les transports scolaires, tarification attractive dans l'interurbain) vont représenter dès 2019 une charge nouvelle pour le budget régional.

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