La Presse Pontissalienne 298 - Novembre 2024
22 Le dossier
La Presse Pontissalienne n°298 - Novembre 2024
l Banques Crédit Agricole Franche-Comté “Nous revenons, quelque part, à une normalisation du marché” Quelle est la position des banques régionales dans le contexte actuel. Que peuvent-elles pour soutenir une timide reprise ? L’analyse d’Olivier Cassard, le spécialiste habitat à la direction “crédits et immobilier” du Crédit Agricole Franche-Comté.
L a Presse Pontissalienne : Est-ce que le marché de l’habitat donne quelques signes de reprise ? Peut-on toujours parler de crise de l'immobilier ? Olivier Cassard : À l’échelle de la Région Franche-Comté, nous constatons une augmentation du nombre de sollicita tions sur les projets habitat depuis cet été mais nous restons encore prudents quant à sa pérennité pour plusieurs raisons. Sur le département du Doubs, la dynamique de la demande se concen tre sur la zone frontalière (axe Mouthe Damprichard) et sur le couloir Mor teau-Grand Besançon, des secteurs appelés “zones tendues” où la demande reste supérieure à l’offre. Dans ces condi tions, les prix de l’immobilier ne baissent pas voire augmentent encore.Sur le reste de la région, le prix de l’immobilier ancien a amorcé une baisse, mais pas aussi significative que celle enregistrée en moyenne au niveau national entre 4 et 6 %. Et dans ce domaine, il reste à traiter le sujet des passoires énergé tiques.La “crise de l’immobilier”, c’est une réalité pour ce qui concerne la construction de maisons individuelles, le locatif neuf et dans une moindre mesure les appartements neufs qui souffrent tous ou d’une baisse de la demande ou bien d’un volume d’offres insuffisant par rapport aux prix que peuvent mettre certains emprunteurs. L.P.P. : Quelle est l’évolution du volume de prêts habitat accordés par le C.A.F.C. ces trois dernières années ? O.C. : Le Crédit Agricole Franche Comté représente approximativement un tiers des parts de marché du crédit Habitat
continuité dans la baisse des taux qui pourraient descendre aux alentours des 3 % sur la fin de cette année et vrai semblablement se stabiliser sur le 1 er semestre 2025. Cette capacité supplé mentaire d’endettement est très béné fique pour les particuliers qui hésitaient encore à concrétiser un projet et nous voyons revenir, déjà, un nombre impor tant de primo-accédants. Cependant, en termes d’offres de biens, des difficultés demeurent.La construction de maisons individuelles reste en berne en raison de coûts très importants et un accom pagnement des pouvoirs publics (Prêt à taux zéro) qui fait défaut depuis le début 2024. Le logement neuf collectif manque d’offres ou alors à des prix dis suasifs pour une catégorie d’emprun teurs et l’investissement locatif est tout simplement sinistré ! L’ancien se porte plutôt bien, mais la problématique du D.P.E. doit être traitée. C’est ici que les banques ont un vrai enjeu à accompa gner les porteurs de projets sur l’en semble de leurs démarches. L.P.P. : Quelles seraient les incidences des annonces gouvernementales (extension du P.T.Z., etc.) sur le marché de l’habitat ? O.C. : À ce stade de notre niveau d’in formation, nous avons compris que le P.T.Z. existant permettant d’accompa gner les projets d’acquisition d’ancien avec travaux et les projets de neuf en collectif (appartement en l’état futur d’achèvement) pourrait être généralisé à l’ensemble des territoires et c’est une bonne nouvelle pour la Franche-Comté. Cependant, le sujet de la construction des maisons individuelles qui reste
sur le territoire franc-comtois. Les années euphoriques (2019 à 2022) où nous réalisions 1,3 milliard d’euros de crédits habitat sont derrière nous. Nous avons enregistré une baisse de 40 % des volumes accordés en 2023 et 2024 verra à nouveau une baisse de l’ordre de 10 % même si nous connaissons un redressement depuis cet été. Nous reve nons, quelque part, à une normalisation du marché où notre contribution tour nera, bon an mal an, aux alentours de 900 millions d’euros de crédits Habitat sur les années à venir. L.P.P. : La légère baisse des taux a-t-elle déjà des incidences à l'échelle régionale ? O.C. : Sur la fin 2023, les taux moyens s’établissaient aux environs de 4,20 %, contre 3,50 aujourd’hui. Pour un ménage qui gagne environ 4 000 euros mensuels, c’est une capacité de 15 000 euros d’em prunt supplémentaire par rapport à l’an dernier. Ce phénomène recrée de l’appétence aux projets immobiliers et l’augmentation des demandes constatées ces 3 derniers mois en est la conséquence.
Olivier Cassard est responsable Habitat à la direction crédits et immobiliers du Crédit Agricole Franche-Comté.
exclue actuellement du bénéfice du P.T.Z. et qui représentait un volume important des financements des banques franc-comtoises, demande à être précisé. L.P.P. : Quelles actions ou efforts déploie le C.A.F.C. pour tenter de reconquérir une clientèle plus importante ? O.C. : Le crédit habitat reste un vecteur de conquêtes ou de fidélisation, c’est indéniable ! Un projet d’acquisition d’un bien immobilier est toujours un acte anxiogène d’autant plus quand il s’agit du “projet d’une vie”. Les clients ont besoin d’être rassurés et d’avoir des points de repère tout au long de leur parcours, de la recherche du bien à la date d’entrée dans le logement voire jusqu’au remboursement final du crédit. Nous travaillons à déployer un dispositif qui réponde à surmonter ces irritants de manière à fluidifier et simplifier les démarches clients. Poursuivre la digi talisation des process est également un incontournable pour satisfaire aux attentes de nos clients.Ensuite, quand il ne s’agira plus que de traiter un sujet de taux, nous saurons le faire ! L.P.P. : Les primo-accédants sont-ils toujours absents ? O.C. : Dans les années “normales”, au
Crédit Agricole Franche-Comté, les primo-accédants représentent 70 % des emprunteurs sur la résidence principale. Ils sont tombés à 50 % sur le 1er semes tre 2024. Cependant, depuis cet été, nous constatons un retour en force de cette catégorie d’emprunteurs et toutes les banques redoublent d’ingéniosité pour capter cette clientèle. Notre offre actuelle est de doubler le montant du Prêt à Taux zéro dans la limite d’un plafond de 20 000 euros à 0 % de manière à redonner davantage de capa cité d’endettement. L.P.P. : Confirmez-vous que les taux ne redes cendront jamais aussi bas qu'ils étaient il y a deux ans ? O.C. : Pour répondre à cette question, je me réfère aux derniers propos du Gou verneur de la Banque de France, Fran çois Villeroy de Galhau, qui, au début octobre, s’exprimait dans ce sens : “La situation des taux de crédit à 1 % voire en deçà que nous avons connue il y a 2 ans avait un caractère très exception nel et il reste probable que nous ne la rencontrerons plus, tout au moins dans un avenir proche. Donc, pour celles et ceux qui ont des projets immobiliers, c’est le moment d’aller voir son ban quier !” n Propos recueillis par J.-F.H.
“Les années euphoriques sont derrière nous.”
L.P.P. : Quelles sont les pers pectives pour la fin d’année 2024 et pour l’année 2025 ? O.C. : Dans le contexte actuel d’une inflation désormais contenue et d’une politique de taux plus accommodante voulue par de la Banque Centrale Euro péenne, nos écono mistes prédisent une
l Tendance Maisons individuelles Les constructeurs réclament “un vrai coup de boost” Après plus d’un an de marasme, les constructeurs de maisons individuelles attendent désormais des mesures pour relancer le secteur qui a littéralement dévissé.
Vice-président du pôle Habitat à la F.F.B., Lionel Jacquet est à la tête de la société Haut-Doubs Créer Bâtir.
“I l y a urgence à soigner le mal !” exhorte Lionel Jacquet, le porte-parole des constructeurs de maisons individuelles en tant que vice-président du pôle régional Habitat à la Fédération Française du Bâtiment (F.F.B.). Sur le plan national, le marché de la maison individuelle s’est effondré, passant de 120 000 mai sons construites il y a une quinzaine d’années à 55 000 cette année. Inflation, hausse des taux, renforcement des normes de construction, rareté du foncier, exigences bancaires ou encore amorce du Zéro artificialisation nette (le fameux Z.A.N.) expliquent cette dégringolade. “À l’échelle nationale, un tiers des constructeurs de maisons individuelles
ont disparu depuis 2022, dont certains gros faiseurs” ajoute Lionel Jacquet. Exemples : le groupe Géoxia, propriétaire des Maisons Phénix, liquidé en 2022, ou encore le groupe Avenir basé à Valence, fait également partie de ces victimes de la crise, contraintes à mettre la clé sous la porte. À l’échelle de la région, le constat n’est guère plus réjouissant. Les commercia lisations de maisons individuelles ont chuté de 26,5 % en un an (après une baisse encore plus forte en 2023), les autorisations de chantiers accusent, elles, un nouveau recul de 16,1 %. “On sent un léger redémarrage, avec un petit + 0,1 % de ventes depuis cet été, mais pour confirmer cette tendance, on a
besoin d’un vrai coup de boost” réclame le vice-président du pôle Habitat qui dit sentir, “enfin, une prise de conscience et une mobilisation au niveau national.” Parmi les motifs d’espoir de la profession, qui restent à confirmer, il y a ce projet d’extension du prêt à taux zéro à l’en semble du territoire national et non plus seulement aux zones considérées comme tendues. La légère baisse des taux et le comportement des banques qui communiquent à nouveau sur les prêts immobiliers jouent dans ce début de reprise. Avec la baisse d’activité res sentie depuis plus d’un an, les sous traitants auraient également tendance à baisser un peu leurs prix. Pour tirer leur épingle du jeu, les
trois, et on arrive à proposer des prix très corrects pour des maisons à haute performance énergétique” illustre le pro fessionnel. C’est ainsi qu’il mène actuel lement ce genre de projets à Pierrefon taine-les-Varans, Les Combes, La Chaux, Maîche ou encore Morteau (le Sauron). Et pour continuer à communiquer effi cacement, il organise dans ses nouveaux locaux du Bas-de-la-Chaux un salon “Construire en 2025” à destination des particuliers, les 7, 8 et 9 novembre. n J.-F.H.
constructeurs de maisons individuelles misent notamment, comme c’est le cas de Lionel Jacquet avec sa société Haut Doubs Créer Bâtir, sur des opérations menées sur des terrains maîtrisés, c’est à-dire dont ils deviennent propriétaires, avec des plus petits projets correspon dant à une nouvelle demande d’accé dants qui souhaitent être propriétaires, mais d’une petite surface, sans avoir la contrainte de l’entretien d’un grand ter rain. “Sur 10 ares, au lieu de faire une seule maison comme avant, on en fait
Made with FlippingBook Annual report maker