La Presse Pontissalienne 284 - Septembre 2023
34 Politique
La Presse Pontissalienne n°284 - Septembre 2023
Quelques recommandations du rapport
POLITIQUE
La sénatrice du Doubs Annick Jacquemet “Il y a beaucoup à faire pour la santé des femmes au travail” “La santé des femmes au travail, des maux invisibles” : c’est le rapport
large. Le parcours de l’assistance médi cale à la procréation par exemple, est souvent semé d’embûches avec des répercussions quasi-systématiques sur la vie professionnelle. La ménopause qui concerne 14 millions de femmes au travail avec ses conséquences dans la vie professionnelle. L’endométriose, les règles douloureuses, tout cela a été étu dié. Nous avons également fait un voyage d’étude à Taïwan où un jour d’absence par mois a été accordé aux femmes pour les règles. Et pour respecter l’égalité, ils ont également mis un jour de congé supplémentaire pour les hommes ! L.P.P. : Vous approuvez ? A.J. : Pour le coup, ça va un peu loin ! Il faut aussi se mettre à la place des chefs d’entreprise. Il faut aussi considérer qu’en cas de soucis personnels de santé, l Adapter les mesures de prévention pri maire et secondaire aux conditions de travail des femmes (ex. : postes et équi pements adaptés, produits de nettoyage de substitution, interdiction des mono brosses sur les sols amiantés, nombre minimal de soignants par patient, etc.). l Renforcer les sanctions à l’encontre des employeurs ne respectant pas les obligations d’aménagement de poste après un arrêt de travail de longue durée. l Revoir la liste des critères de pénibi lité. l Faciliter la reconnaissance des cancers du sein et des ovaires en maladie pro fessionnelle. l Assurer une meilleure communication des employeurs auprès des femmes l Faire de l’approche genrée un axe stra tégique du prochain plan de santé au tra vail. l Élaborer une stratégique nationale pour la santé des femmes, incluant un volet “santé des femmes au travail”.
la médecine est là pour prescrire des arrêts quand il le faut. Je serais donc un peu plus mesurée pour ce genre de décisions. Les recommandations que nous avons faites à la fin du rapport sont, je pense, de bon sens et mesurées. A.J. : À la rentrée, nous ferons des pro positions pour que le gouvernement se saisisse de cette question. Entre-temps, les deux ministres concernés ont changé (Santé et Égalité femmes-hommes), nous allons saisir les deux nouveaux ministres et leur présenter les conclu sions de notre rapport qui j’espère abou tira à une proposition de loi. Même si on n’est plus au temps de Zola, il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. n Propos recueillis par J.-F.H. l Ajouter l’endométriose à la liste des affections de longue durée permettant de supprimer le délai de carence et donc les pertes financières en cas d’arrêts de travail répétés. n L.P.P.: Comment va vivre ce rapport sénato rial ? enceintes sur leurs droits pendant la gros sesse. l Concernant le parcours de l’assistance médicale à la procréation: adapter le régime des absences au travail, notam ment pour les conjoints, mettre en place une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité avec un volet travail, inciter les professionnels de santé à s’adapter à la vie professionnelle des femmes. l Au sujet de la ménopause : mieux infor mer les employeurs et les professionnels de santé sur les symptômes de la méno pause, réfléchie à une adaptation des conditions de travail à la symptomatologie de la ménopause, actualiser les recom mandations de la Haute autorité de santé relatives aux traitements hormonaux de la ménopause.
L a Presse Pontissalienne : Usure physique et psychique, troubles musculo-sque lettiques plus importants, cancers plus fréquents : les femmes au travail seraient donc soumises à une plus grande souffrance que les hommes ? Annick Jacquemet : C’est en effet le résultat de ce rapport d’information que nous avons préparé pendant six mois, après avoir auditionné plus de 60 personnes, associations, socio-professionnels, orga nisations syndicales, professionnels de santé, etc. Notre travail s’est concentré sur quatre catégories de métiers: les métiers du “care”, c’est-à-dire du soin et de l’accueil de personnes âgées, les métiers de représentation comme hôtesse ou mannequin, la grande distribution, et les métiers de la propreté. Toutes les études sur la santé au travail menées jusqu’ici n’étaient pas sexuées. Il existe pourtant dans les textes de loi un principe d’évaluation des risques au travail en fonction du sexe, mais ces textes ne sem blent toujours pas appliqués près de dix ans après leur promulgation. d’information sur lequel a travaillé la sénatrice. Il en ressort une forte inégalité hommes-femmes face à cette question. Éclairages.
Annick Jacquemet était rapporteuse du texte pour le groupe Union centriste.
A.J. : Ce rapport le confirme en effet. Par exemple, le travail de nuit des femmes entraîne une augmentation de + 26 % du risque d’avoir un cancer du sein. Le travail de nuit est a priori plus nocif pour les femmes que pour les hommes. 60 % des femmes dans ces catégories de profession sont touchées par des troubles musculo-squelettiques. Il y a aussi 3 fois plus de signalements de souffrance psychique chez les femmes. Par ailleurs, 20 % d’entre elles ont subi au moins un fait de violence dans le cadre du travail au cours de l’année écoulée (agression ou harcèlement). Et le nombre est incalculable de ces femmes qui dans le milieu de la santé souffrent de surmenage ou font un burn-out. Ce constat est d’autant plus vrai depuis la période Covid.
quoi s’agit-il par exemple ? A.J. : C’est par exemple, dans les métiers du soin, le fait de porter des charges lourdes. Le port de charges lourdes est bien réglementé dans l’industrie par exemple, mais quand il s’agit de porter un malade pour un soin ou une toilette, il n’y a pas de règles. Et cette profession du soin est largement féminisée, ce sont des métiers occupés à 80 % par des femmes. Autre exemple: les produits chimiques utilisés dans les métiers de la propreté, sont souvent cancérigènes. Sept de ces produits couramment utilisés ont été détectés comme des agents can cérigènes. L.P.P. :Avez-vous abordé la question des congés menstruels. L’Espagne a récemment adopté cette mesure. Qu’en pensez-vous ? A.J. : Nous avons abordé dans ce rapport la question de la santé sexuelle au sens
L.P.P. : Il y a donc une vraie inégalité hommes femmes face à la santé au travail ?
L.P.P. : Le rapport parle de maux invisibles. De
POLITIQUE
Jean-François Longeot “Les zones de revitalisation rurale, un dossier urgent pour le territoire”
Jean François Longeot, sénateur
du Doubs, entretient une relation privilégiée avec le monde rural.
Alors que la rentrée parlementaire du Sénat s’annonce en octobre, les cartes risquent d’être rebattues au sein des commissions. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable dresse le bilan de ces trois ans de présidence. Et pointe le sujet, urgent, des zones de revitalisation rurale.
avait deux critères : la densité démographique et le revenu fis cal. À ces deux-là, nous avons ajouté le taux de chômage, le déclin de la population, le nom bre d’équipements par habitant, la part de la population en C.S.P., l’âge de la population, le taux de vacances des logements, et les contraintes spécifiques en zones de montagne ou zone agri cole défavorisée. On ne demande pas de remplir tous les critères. Nous avons travaillé en étroite relation avec l’Association des maires de France et l’association des maires ruraux. L.P.P. : Et ensuite, les aides accordées à ces Z.R.R. seront-elles proportion nelles au nombre de critères remplis ? J.-F.L. : Tout va dépendre de l’ins cription budgétaire. Je suis sûr que ce dossier va aboutir. Je vois mal le Sénat qui est le repré sentant des élus et des territoires
L a Presse Pontissalienne : Parmi les nombreux dossiers dont s’est emparée la commission que vous présidez, lequel, selon vous, revêt le plus d’enjeux ? Jean-François Longeot : Celui des Z.R.R., les zones de revitalisation rurale (l’objectif est de dynami ser des implantations écono miques et commerciales dans des zones rurales, N.D.L.R.). Le Sénat a fait une proposition de loi visant à rendre le zonage plus juste et mieux ciblé. La date d’échéance de ces Z.R.R. est fixée à décembre 2023. Le classement actuel de ces Z.R.R. devait déjà s’éteindre en 2021,
ne pas se saisir de ce dossier. Mais nous n’avons pas la maî trise budgétaire. La ministre Dominique Faure (de la Cohé sion des territoires) m’a beau coup interrogé sur ce sujet. Après, on ne peut pas anticiper les débats. L.P.P. : En mai dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, modifiée en partie par votre commission. Dans le Doubs, le syndicat mixte Doubs Très Haut débit vous a-t-il alerté sur ce problème récurrent ? J.-F.L. : Nous avons eu des remon
tées de terrain. J’ai échangé avec Denis Leroux (président du syndicat mixte, N.D.L.R.) qui m’a alerté sur le sujet, c’est une problématique qu’il rencontre régulièrement, à savoir des dys fonctionnements dans la réali sation des raccordements faits par des opérateurs commerciaux qui font appel à des sous-trai tants. L’idée est d’obliger ces der niers à prendre des profession nels et à renforcer les contrôles sur la qualité du raccordement. Il faut que ce dossier soit réglé car lorsque l'A.D.S.L. sera sup primé (entre 2025 et 2030), com ment on va faire? n Propos recueillis par L.P.
mais Jacqueline Gourault (alors ministre de l’Aménagement des territoires, N.D.L.R.) avait repoussé l’échéance. C’est un dossier important car il permet à des professionnels de santé, par exemple, de s’installer plus facilement dans des communes qui rencontrent des difficultés budgétaires, des problèmes d’ac cès aux services publics, etc. (voir ci-contre). La commission a regardé comment on pouvait revoir les critères d’attributions de ces Z.R.R. C’est un dossier qui est inscrit à l’ordre du jour de la rentrée parlementaire.
L.P.P. : Concrètement, quel est l’apport de la commission sur ce sujet ? J.-F.L. : On veut que la base d’at tribution soit la commune et non plus les E.P.C.I. Car la loi N.O.T.R.E. a regroupé les com munautés de communes. Cer taines com’com dites “pauvres” ne pouvaient plus bénéficier des Z.R.R. car elles étaient entrées dans des com’com plus riches. Ramener à l’échelle de la com mune, au plus près du territoire permet un zonage plus ciblé. Cela pourrait concerner entre 16 000 et 24 000 communes. On a également revu les critères d’éligibilité. Auparavant, il y
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