La Presse Pontissalienne 284 - Septembre 2023
Patimoine 33
La Presse Pontissalienne n°284 - Septembre 2023
NANS-SOUS-SAINTE-ANNE Musée de la Taillanderie Le feu sacré des forgerons-taillandiers
Pendant deux jours, les forges de la taillanderie ont résonné de coups secs sur l’acier. Une dizaine de taillandiers professionnels s’y sont retrouvés pour offrir des démonstrations de leur savoir-faire au public. Tous ont participé à la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris.
Jérémy Roger, de l’Isère, explique avec pédagogie son savoir-faire. Il a fabriqué les haches qui ont servi à la nou velle charpente de la cathédrale de Notre Dame-de-Paris.
C’ est un métier de l’ombre, à peine éclairé par les flammes de la forge que les artisans utilisent. Le bruit sec des outils de forge sur l’acier a pourtant attiré un public nombreux, le 25 et 26 août dans l’emblématique musée de la taillanderie à Nans-sous-Sainte Anne. Sous la houlette de Sylvain Debray, conservateur, une dizaine de taillandiers de toute la France s’est réunie pendant deux jours. Ces artisans, dont le métier avait presque disparu, ont proposé des démonstrations de leur savoir-faire. La bande, plutôt jeune, est tout heureuse de se retrouver. Il faut dire que ce métier est plutôt solitaire. Et c’est l’incendie de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris qui leur a permis de se mêler. Ensemble, ils ont fabriqué près de 70 haches à équarrir à l’ancienne utilisées par les charpentiers chargés de reconstruire la charpente médiévale du monument. “Toute l’équipe de tail landiers a commencé il y a un an, resitue Martin Claudel, forgeron-taillandier en Bretagne, Haut-Saônois d’origine. Ce sont des haches plutôt complexes, il a fallu de la recherche, du prototypage.” Le professionnel a commencé en 2014
et a appris le métier, seul, avec ce qu’il appelle l’apprentissage par l’échec. “Le métier était presque mort à l’époque, le dernier taillandier avait arrêté son acti vité en 2003. Il n’y a pas vraiment eu de continuité entre les anciens et nous.” Aujourd’hui, son savoir-faire qui consiste à fabriquer des outils taillants à l’an cienne renaît en même temps que les métiers du bois, comme ceux liés à la terre avec les vignerons qui travaillent à la main. Pour Martin comme pour la dizaine de passionnés présents, faire des démons trations à la taillanderie s’apparente au rêve. “150 ans de travail qui nous regarde, ça laisse des traces. Moi, je venais à la taillanderie depuis tout gamin, c’est grâce à elle que ma vocation est née” , souligne Martin. Dans un coin de la forge, deux grands gaillards d’une trentaine d’années obser vent le travail des taillandiers. Romain et Mirza sont tous deux charpentiers à l’ancienne et utilisent les outils ances traux qui sortent notamment des mains des taillandiers. Les deux ont fait leurs armes dans l’atelier de Paul Zahnd à Lods. Ce dernier leur a appris les tech niques de la charpente à l’ancienne. C’est d’ailleurs dans son atelier de la
vallée de la Loue qu’une partie de la charpente de Notre-Dame-de-Paris a été fabriquée avec entre autres les haches des taillandiers. “C’est le seul atelier sous-traitant français” , explique Mirza qui y travaille toujours. Si les Ateliers Desmonts en Normandie ont remporté avec les Ateliers Perrault le chantier de la charpente médiévale, 12 fermes secondaires ont été fabri quées à Lods. Peu de charpentiers savent travailler à l’ancienne et chacun à sa recette. “Il faut respecter le fil du bois, ça change beaucoup de choses. Le bois est plus solide, il ne s’altère pas dans le temps.
Et on valorise du bois qui ne l’est pas en scierie, comme du bois de chauffage” , expliquent les charpentiers. De son côté, Sylvain Debray est ravi. La manifestation a permis de mettre en lumière des métiers que la taillan derie ne cesse de valoriser depuis plu sieurs décennies. Si le musée consacré à l’industrie des outils coupants du XIX ème siècle continue de recevoir des curieux tout au long de l’année, son avenir reste toujours incertain. Depuis sa mise en vente en 2019 par les héri tiers du propriétaire, le site n’a pas trouvé acquéreur. n L.P.
Martin Claudel est forgeron-taillandier depuis 2014. La taillanderie, qu’il a connue enfant, a allumé la flamme de sa passion devenue son métier.
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